Apparu il y a quelques années en France, et tandis que la région Rhône-Alpes compte environ 126 établissements d’escape game, le loisir indoor est aujourd’hui confronté à une seconde fermeture administrative en raison de la crise sanitaire. Escape games, laser games, parc de jeux indoor, tous se retrouvent soit fermés totalement, soit dans des conditions qui ne leur permettent pas de travailler correctement. Lundi 26 octobre, un amendement a été déposé à l’Assemblée nationale par Eric Woerth, soutenu par Xavier Bertrand, dans le but de débloquer un fonds d’indemnisation pour ces professions à hauteur de 140 millions d’euros.
C’est un jour important pour les professions du loisir indoor. Alors que l’arrêté préfectoral est tombé, vendredi 23 octobre, comme un couperet pour la plupart des gérants chambériens, une lueur d’espoir va peut-être leur permettre de « tenir » jusqu’à juin. Le SPACE, Association française des espaces de loisirs indoor, a rencontré Eric Woerth et Xavier Bertrand, lesquels ont déposé et soutenu un amendement à l’Assemblée nationale, avec l’appui de près de 70 autres députés. Le but de l’association, qui ne représente pas que ses adhérents : aller plus loin, jusqu’au rendez-vous avec le Ministre délégué aux PME-TPE, Alain Griset. « Nous avons commencé à sensibiliser nos adhérents depuis mars », explique Marie Puech, vice-présidente du SPACE, association créée il y a 12 ans maintenant, « depuis nous avons été reçus par Eric Woerth, Xavier Bertrand, et nous organisons une manifestation le 3 novembre à Paris, afin de rencontrer le ministre Alain Griset. Depuis mars, nous avons bataillé avec les assurances et les bailleurs privés, parce que nos charges fixes sont incompressibles et sont de l’ordre de 10 000 euros mensuels environ, les prêts garantis par l’Etat (PGE) ont déjà été utilisés, nous avons donc l’espoir d’obtenir un peu d’aide supplémentaire, parce que même fermés, nos activités coûtent beaucoup d’argent. » Dans l’intervalle, des lettres ouvertes ont été envoyées aux députés de chaque circonscription, avec l’espoir de mettre la lumière davantage sur ce type d’activités, encore peu connues, qui emploient toutefois des apprentis et des salariés.
Effectifs divisés par deux, types d’établissements à géométrie variable
« Nous étions dix et nous ne sommes plus que quatre à présent », explique Alexis Vié, gérant de l’escape game « Challenge the Room » à Challes-les-Eaux, « et dans cette période de vacances scolaires, où nous réalisons généralement 50% de notre chiffres d’affaires, cette fermeture annonce de nouveau des moments compliqués. En général, septembre est un mois creux, le plus creux de l’année, nous comptions sur octobre puisque nous avions déjà utilisé nos PGE… Les structures ont beaucoup ramassé, et comme nous n’avons pas de figure de proue, nous sommes les grands absents des débats médiatiques. » Décidés à se regrouper au niveau régional puis national, les gérants des activités de loisirs indoor sont conscients que trois à six semaines de plus de fermeture seront très difficiles à surmonter. « La première fois, lors du confinement, nous avons eu de la chance parce que notre bailleur a accepté de nous exonérer de loyer, mais ce n’est pas dit du tout qu’il puisse le faire à nouveau », abonde Lydia Meguireche, co-gérante de l’escape game « Embassy of game » à Chambéry Nord, « nous avons pris des mesures encore plus drastiques que celles préconisées par l’Etat, et ce dès la réouverture de juin, qui est intervenue après tous les autres établissements. Notre trésorerie, que nous avons mis du temps à constituer est partie en fumée. Quatre ans de sacrifices, ce n’est pas acceptable. » Avec les annonces du couvre-feu, ils s’étaient préparés, avec son équipe, à modifier les horaires. Après avoir prévu des créneaux spécifiques, des battements entre chaque session pour tout désinfecter, devoir fermer est un crève-cœur. « Nous ne nous attendions pas à devoir fermer complètement, notre profession est méconnue, pourtant il n’y a eu aucun cluster dans un escape game jusqu’à maintenant ! »
D’autant que les loisirs indoor font face à une problématique de taille : la classification en type d’établissements recevant du public (ERP) n’est pas homogène. En effet, ils sont classés selon leur spécificité, à savoir, s’ils ont une partie pouvant recevoir des réunions – donc places assises -, une partie restauration, ou s’ils reçoivent ou non des mineurs, comme nous l’a confirmé le service sécurité et patrimoine de la ville de Chambéry. « Le type d’ERP est en fonction de l’activité et la catégorie, en fonction du public admis, certains établissements ont la possibilité d’avoir des doubles classements, comme les hôtels qui peuvent avoir dans leur sous-sol des salles de séminaires par exemple. Les escape game entrent dans la catégorie des salles de jeux et discothèques. Le seul document qui fait foi est le rapport de la commission départementale de sécurité. » Suivant l’arrêté préfectoral sorti vendredi 23 octobre, les établissements de type P (salles de jeux et discothèques) sont fermés au public, tandis que certains autres établissements, ayant le même type d’activité mais bénéficiant d’une autre classification, continuent eux, à tourner. Une injustice qui n’a pas échappé au SPACE, qui n’a toutefois pas souhaité trop en parler « pour que les établissements qui peuvent encore tenir le coup quelques semaines le fassent » nous a précisé Marie Puech.
« Ouverts mais comme si nous étions fermés »
Franck Renaud, gérant du « Drago Park », à Pont-de-Beauvoisin, en fait partie : un parc d’attraction indoor, qui ne peut faire entrer que les enfants sur les manèges et les adultes dans la partie restauration. « Nous sommes encore ouverts », explique-t-il, « mais c’est comme si nous étions fermés. Les gens n’en peuvent plus de toutes ces restrictions, et on les comprend. » Depuis 7 ans, ce passionné travaille avec sa compagne dans ce « petit parc » comme il le définit. Mais la masse des charges, les prêts à rembourser et le prêt garanti par l’Etat risquent bien de le mettre en difficulté. « Les aides que nous pourrions obtenir grâce à l’amendement pourraient nous faire tenir jusqu’en juin 2021. Sans ça, c’est entre 25 et 40% de la profession qui pourrait disparaître, » prédit Franck Renaud, qui a fait plus de 3 500 euros de frais pour mettre son parc aux normes d’hygiène. Pourtant, Walibi, Parc Astérix, Eurodisney eux, refusent encore du monde et ne désemplissent pas. Un deux poids deux mesures insupportable pour Alexis Vié « Pourquoi peuvent-ils continuer à tourner alors que nous sommes fermés ? Notre fermeture est inadéquate au vu du contexte, si nous on ferme, pourquoi d’autres peuvent rester ouverts ? Est-ce à cause de notre faible médiatisation ? Faut-il se regrouper parce que l’union fait la force ou bien faire des actions chacun dans son coin ? » Autant d’interrogations qui risquent de rester en suspens, d’autant plus que l’ensemble des établissements risquent de fermer leurs portes, y compris les ERP de type L (salles des fêtes et polyvalentes) dans les jours à venir. Côté Préfecture, on comprend le désarroi de ces professionnels, mettant l’accent sur les mesures élargies de prises en charge par l’Etat : activité partielle à 100% jusqu’à la fin de l’année, fonds de solidarité, exonération de charges et toujours les prêts garantis par l’Etat… « Ce n’est pas suffisant », répondent les gérants en chœur, « 1 500 euros quand on a entre 10 000 et 15 000 euros de charges mensuelles fixes, ce n’est vraiment pas assez. » « Parfois les aides n’arrivent pas comme on l’espère, et on reste avec des trous dans la compta, comme c’est le cas chez les gérants de discothèque » souligne Alexis Vié. Lydia Meguirèche, elle, a su rebondir en proposant de nouveaux concepts comme les escape game dans la ville de Chambéry « les escape game urbains » et même, les sessions à la maison. Elle espère toutefois pouvoir se relever, elle et tous ses confrères, de cette nouvelle bataille qui s’annonce. De nouveaux dossiers, de nouvelles demandes d’aide, pour continuer à divertir petits et grands, quand la crise sera, on l’espère, loin de nous.
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