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Masquée et contestée, la rentrée de novembre se fera dans le désordre

Par Jérôme Bois • Publié le 31/10/20

Confinés depuis deux jours au cœur des vacances scolaires de la Toussaint, les écoliers, collégiens et lycéens vont toutefois retrouver le chemin des cours lundi 2 novembre. Une nouveauté en comparaison avec le « premier » confinement : les écoles restent ouvertes, seul l’enseignement supérieur se poursuivant à distance. Autre nouveauté, moins simple à assimiler : le port du masque est obligatoire pour les élèves à partir de 6 ans… et sera à charge des parents. Si les municipalités volent au secours des familles, les enseignants montent au créneau face à des protocoles qu’ils jugent insuffisants. 
Le deuxième acte du confinement sonne pour le moment comme un uppercut, tous ayant beau savoir qu’il risquait de revenir, devant le fait accompli, force est de constater que sa mise en application est plutôt cacophonique. Le vendredi soir des vacances, l’assassinat de Samuel Paty a soulevé les enseignants, tant et si bien qu’un hommage était prévu dès le lundi 2 novembre, avant de reprendre les cours, dans toutes les classes. Le jeudi des vacances, le confinement était remis en place avec l’obligation du port du masque dès la primaire. Le vendredi soir, rien n’était encore vraiment sûr pour la rentrée de lundi, ce qui a fait réagir élus locaux, familles et syndicats d’enseignants.

La fourniture de masques à la charge des parents, les municipalités en soutien

Le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prévoit que les enfants devront porter le masque dès 6 ans, et le protocole sanitaire édité par le Ministère de l’éducation nationale précise qu’« il appartient aux parents de fournir des masques à leurs enfants. Le ministère dote chaque école, collège et lycée en masques » grand public « afin qu’ils puissent être fournis aux élèves qui n’en disposeraient pas. » Plusieurs problèmes se posent face à cette injonction. D’abord, les enfants de moins de 11 ans n’ayant jamais eu l’obligation de porter de masques, c’est dans un temps record, d’ici lundi, que les familles allaient devoir réagir, et ce sans risquer la rupture de stocks, dans les pharmacies et les grandes surfaces, de masques adaptés aux plus jeunes. Ensuite, alors qu’il est recommandé de changer de masque régulièrement, le coût supplémentaire allait peser sur les familles, déjà bousculées par le confinement, l’organisation du télétravail et le retour aux restrictions. Côté éducation nationale, seuls les stocks existants seront mis à disposition des élèves en cas d’oubli. Selon le syndicat SNUipp-FSU, il n’est pas, à l’heure actuelle, connu que de nouvelles commandes de masques jetables à destination des écoliers soient réalisées, et ce au sortir d’une réunion avec le rectorat le 30 octobre.C’est dans ce contexte que la grande majorité des municipalités a souhaité réagir, et apporter ce soutien matériel aux parents. C’est le cas de Chambéry, où Thierry Repentin a, lors d’un point presse du 30 octobre, précisé que la commune mettrait à disposition des élèves deux masques chirurgicaux et un masque en tissu pour chacun d’entre eux. A Aix-les-Bains, la municipalité viendra en soutien des familles, pour qu’aucun des 2 600 écoliers concernés ne soit lésé. A La Ravoire, ce sont 4 masques « jetables » par enfant qui ont été commandés par la municipalité dès l’annonce du port du masque obligatoire, ces derniers étant d’ores et déjà distribués dans les établissements scolaires de la commune. Tour à tour, comme lors du premier épisode de la crise sanitaire, les élus locaux sont sur le pont, et tentent de s’adapter aux décrets et communications étatiques.

Rentrée décalée et hommage mué en minute de silence

Il faut dire que pour s’y retrouver, cela est loin d’être évident. C’est ce qu’a dénoncé publiquement le maire de Barberaz, Arthur Boix-Neveu, après avoir appris en toute fin de journée du vendredi 30 octobre, comme nombre d’autres élus, que la rentrée scolaire aurait finalement lieu non pas à 10 heures le 2 novembre, mais à 8h30… « Hier, nous recevions l’information que la rentrée est décalée à 10h ce lundi, pour permettre au corps enseignant d’échanger après l’assassinat de Samuel Paty. Ce matin (vendredi 30 octobre NDLR), dans l’ensemble des communes, les services scolaires et/ou les élu·es travaillent à chercher à organiser au mieux la rentrée de lundi, tant sur le plan humain (comment accueillir les enfants entre 8h30 et 10h ? Tâche qui incombe aux communes) que sur le plan matériel (organisation de la restauration scolaire, des activités périscolaires,…) A midi, confirmation de la rentrée à 10h ce lundi, avec l’ensemble des enseignants, ATSEM, agents périscolaires,… qui doivent faire partie des personnes » libérées « des enfants entre 8h30 et 10h. […] Cet après-midi, nous avons passé plusieurs heures à appeler les animateurs périscolaires, organiser les répartitions, rédiger un courrier aux parents d’élèves et directrices : tout était prêt à 16h, l’information mise sur le site internet de la mairie, sur Facebook, envoyé aux directrices pour transmission aux parents,…Vers 20h, on apprend que la rentrée aura finalement lieu à 8h30 ce lundi. Quel mépris pour le travail des agents et élus des communes. » Même ressenti du côté syndical, les enseignants ont fait paraître un communiqué (lire ci-contre), samedi 31 octobre, dans lequel ils ont également remis en cause la réduction de l’hommage à une simple minute de silence. « Une décision indigne et autoritaire qui désorganise encore plus l’école, » avance le communiqué, « ce mépris des personnels et cette décision autoritaire désorganisent encore davantage l’école alors qu’il faudrait au contraire de la sérénité et s’appuyer sur les personnels qui la tiennent à bout de bras depuis mars dernier. »

Un préavis de grève déposé par le syndicat enseignants SNUipp-FSU

Pour les enseignants, qui ont été nombreux à s’indigner de l’affaire des « masques Dim toxiques » distribués à une grande majorité de leurs collègues, le protocole sanitaire est loin d’être suffisant. « La rectrice nous a assuré que des masques de marque Corele avaient été commandés », explique Sarah Hamoudi-Wilkowski, référente locale du syndicat SNUipp-FSU73,  « toujours des masques en tissu mais à priori ceux-là ne sont pas traités avec des produits toxiques. Nous ne savons pas quand nous les aurons, et il n’est pas certain que nous les ayons pour lundi 8h30. » Entre le décalage de l’horaire de rentrée, le protocole sanitaire qui ne leur apparaît pas suffisant pour assurer la sécurité des enseignants comme celle des élèves, un préavis de grève a été déposé par le syndicat, avec une précision : « En réalité nous avons déposé un préavis de grève depuis le début du mois d’octobre pour l’ensemble du département de la Savoie pour les enseignants du premier degré. Parmi les motifs de ce préavis de grève, il y a toute la question de la crise sanitaire, » précise-t-elle, « nous n’appelons pas à la grève en tant que telle. En revanche, parmi les » outils « que nous proposons à nos collègues » pour faire face «, il y a la possibilité d’user de son droit de grève (mais aussi saisir de saisir le CHSCT, ou envisager d’utiliser le droit de retrait notamment si il n’y a pas eu la livraison de masques) » .La rentrée de lundi s’annonce donc complexe à plus d’un titre, tant sur le plan de la gestion de la crise sanitaire, que sur l’organisation d’un hommage pourtant nécessaire au vu du contexte prégnant du terrorisme qui a encore sévi au cours de la semaine qui vient de s’écouler. Nul ne sait encore, à moins de 48h de l’échéance, de quelle manière les cours vont pouvoir reprendre sereinement au cours des prochaines semaines.

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