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Chambéry : fallait-il réclamer aux commerçants le paiement des droits de voirie ?

Par Laura Campisano • Publié le 18/11/20

Mardi 17 novembre 2020 surgissait sur les réseaux sociaux la photographie d’une facture adressée aux commerçants chambériens, datée du 6 octobre, celle de la taxe de voirie. Levée de boucliers de la minorité, notamment Aloïs Chassot, élu d’opposition, qui a pointé du doigt l’envoi de ces factures alors même que les commerçants, notamment les restaurateurs, sont à l’arrêt total. Nous avons donc voulu connaître les détails de cette réclamation, et en comprendre les contours.
« Amateurisme ou cynisme ? » se demandait Aloïs Chassot, ce mardi soir sur les réseaux sociaux. Après coup, il indique avoir été surpris de voir toutes les réactions et commentaires sous son post et n’avoir fait « que jouer son rôle de minorité ». Pour autant, le conseiller municipal a de l’expérience et sait parfaitement comment se passent les choses, ce qui peut-être n’est pas le cas d’une majorité qui débute un mandat, attendue au tournant, comme sans doute aucune autre avant elle. En réalité, l’élu se dit prêt à travailler avec la majorité, et pointe plutôt une erreur de timing.

Les factures envoyées fin septembre aux commerçants

De quoi s’agit-il ? La taxe de voirie est une taxe d’occupation du domaine public, dont doivent s’acquitter les commerçants et les restaurateurs qui ont des terrasses ou des portants sur le trottoir. Cette taxe est prévue au budget de la commune, elle est payable une fois par an, par les commerçants. Ceux-ci peuvent soit s’en acquitter en un versement, soit demander au Trésor Public d’échelonner leur paiement, majoritairement sur trois mois. Tout comme la TVA, cette taxe connue des professionnels est provisionnée, c’est-à-dire qu’elle est comptabilisée en trésorerie. Et c’est là que tout le problème se pose, vu le contexte, et même si la taxe ne représente pas des montants très élevés, la trésorerie a fondu comme neige au soleil au cours du premier confinement. Certains commerçants, principalement les restaurateurs, ont donc toutes les raisons d’être inquiets et de facto, mécontents. Alors s’agit-il de la part de la mairie d’une « erreur de timing » en exigeant le paiement des six mois restants de 2020 alors que sévissait un second confinement ? L’envoi de ces factures ne s’est pas fait au 29 ou 30 octobre, quand le confinement a été décidé par le chef de l’Etat. C’est fin septembre, alors que l’échéance du délai d’exonération de six mois, décidé par la majorité précédente, allait arriver à terme, que les services ont attiré l’attention de Raphaëlle Mouric, adjointe au commerce, elle-même commerçante de profession. « Les services ont attiré notre attention sur le délai de six mois écoulé, dont l’exonération avait été accordée par la précédente mandature. Le maire a souhaité prendre du recul pour savoir ce qu’il convenait de faire pour les six mois suivants*, et les demandes de paiement ont été envoyées fin septembre, reçues par les commerçants le 6 octobre », explique-t-elle, « le problème est que si l’on décide d’annuler toutes les taxes cette année, il faut tout de même des recettes. Je comprends que les commerçants se trouvent dans la situation où ils reçoivent une facture, qu’ils doivent payer au moment où ils ne travaillent plus. Mais nous nous questionnons sur ce sujet, je ne sais pas encore quelle décision sera prise pour le moment. Ce que je sais, c’est que la minorité avait envie de faire un coup politique, alors que les élus savent très bien quels sont les délais, et je ne vois pas l’intérêt de mettre de l’huile sur le feu entre les commerçants et la collectivité. » 

Un nouveau délai de six mois pour payer

Raphaëlle Mouric est une élue de terrain, non seulement parce qu’elle connaît les difficultés du métier de commerçant, mais aussi parce qu’elle n’a pas eu une minute de répit depuis la prise de fonction. Elle regrette de n’avoir pas pu discuter avec ses contempteurs avant le post, au lieu « de tirer à boulets rouges ». En recherches de solutions dès le nouveau confinement au cœur d’une cellule économique réunissant l’union des commerçants (UCA), les chambres consulaires, le tribunal de commerce, la Région et le Medef, elle a fait en sorte de collecter toutes les informations d’aides pouvant être demandées par les commerçants. « Au premier confinement, j’étais encore en activité et je voyais arriver des choses de tout côté », se souvient-elle, « alors j’ai demandé à l’UCA, ce dont elle avait besoin. Ce que je sais, c’est qu’un commerçant a besoin de travailler, il veut vivre de son travail, quand on se met à son compte, on ne veut pas vivre d’aides. Des annonces vont être faites en faveur des commerçants dans les jours qui viennent, nous serons là pour les accompagner. » a-t-elle conclu. D’ici là, des solutions existent déjà, et ce sont les services du pôle attractivité qui en parlent le mieux « Le Trésor public a décalé à six mois l’échelonnement de cette taxe compte tenu du contexte », nous ont-ils expliqué. Il n’est donc pas obligatoire de payer immédiatement, même si quelques commerçants se sont déjà acquittés de la taxe auprès de la Trésorerie municipale. Pour Aloïs Chassot, il était encore possible de décider d’exonérer les commerçants pour le second semestre, ce qu’avait envisagé la municipalité Dantin. « Nous avions prévu de revoir dans quelles conditions on se retrouvait au bout des six mois », précise-t-il, « il est toujours possible de faire un budget modificatif, on peut réajuster les sommes. Seulement, il y a une procédure administrative réglementée, qui appelle une délibération en conseil municipal où l’on peut annuler les factures émises, c’est un choix politique. Je pense qu’ils vont rattraper le coup, ils pêchent par inexpérience, un courrier explicatif joint à la facture aurait pu servir par exemple… C’est tombé entre les deux confinements, c’est un mauvais timing. Se sont-ils réunis pour en parler ? Je n’en sais rien, mais la redevance d’occupation est facilement absorbable, en trouvant des équivalents ailleurs. »  

Une exonération en 2021 ?

Des propos plus conciliants que ceux tenus par les commentateurs sous son post, qui y allaient de leur verve : « Cette équipe municipale est une honte pour notre ville », « qu’ils se mettent d’accord et refusent de payer ! Hallucinant la mentalité de cette municipalité » ou encore « c‘est lamentable… Alors qu’ils sont tous fermés en ce moment, (Thierry) Repentin ose leurs envoyer les droits de voiries à régler…. Au lieu d’aider les petits commerçants chamberiens, cette équipe municipale préfère leur faire encore les poches. Elle me donne des nausées… » Comme nous l’expliquions dans notre article du 18 novembre, aucun cadeau ou répit ne sera donc accordé à cette équipe municipale. Pourtant, si on nous assure discuter âprement depuis des mois en interne, le service attractivité a laissé entrevoir une autre dose d’espoir  « Il sera compliqué d’exonérer une nouvelle fois sur 2020 en l’état, mais cela est possible sur 2021, des réflexions sont menées. Le point important à garder à l’esprit, c’est la règle d’or d’un budget, il doit être équilibré et annuel. Si on ne réclame pas une taxe, le budget ne serait pas équilibré et en termes juridiques, ce ne serait pas équitable que les commerçants aient occupé le domaine public sans redevance à la clé. »  Pour une année classique, sans aucun doute, mais à situation exceptionnelle, la réflexion des élus est déjà en ordre de marche, ne tardant pas à faire l’objet d’annonces précises dès le 19 novembre. En décalé, sans doute, dans un contexte où les élus semblent s’être transformés en pompiers, avec des feux à éteindre partout, y compris sur les réseaux sociaux… 
* La majorité précédente avait estimé à 232 000 euros la perte liée à l’exonération des droits de place et de la TLPE (lire notre article du 22 mai).

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