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Chambéry : Un stade, oui, « mais pas à tout prix »

Par Jérôme Bois • Publié le 28/11/20

Vendredi 27 novembre, à l’initiative du mouvement citoyen de Grand Chambéry, s’est tenu un débat portant sur l’opportunité de réaliser un stade municipal flambant neuf sur l’emplacement de l’ancien, doublé d’un parking souterrain de 400 places. 250 personnes s’étaient inscrites, environ 150 ont participé durablement à ces trois heures rondement menées. Un débat utile, un format novateur mais pas tout à fait impartial. 

@Patey architecte
Le débat intitulé « Est-il urgent et pertinent de construire un grand stade à Chambéry » a eu le mérite de tracer les contours précis du projet né en 2018 après plus de cinq années passées à chercher le projet de stade idoine ; le SOC rugby, empêché d’accéder aux divisions supérieures attendait ce moment, l’équipe de Michel Dantin lui aura offert la possibilité de rêver. Seulement, le changement d’équipe municipale et le souhait d’une nouvelle forme de politique, exaucé à travers le parking Ravet, ne pouvait que faire vaciller ce que l’on pensait indéboulonnable. Du reste, à l’occasion du débat en visioconférence, vendredi 27 novembre, organisé par le mouvement citoyen de Grand Chambéry*, Thierry Repentin aura martelé cette idée fixe, « un stade, pas à tout prix ». Au programme de départ, évalué à 13 millions d’euros en 2018, et à l’avant-projet définitif, 5 millions d’imprévus et de suppléments étaient venus s’ajouter à la somme. Pour monter à 21 millions. Certes, la municipalité Repentin aura trouvé 3,4 millions d’euros à économiser** pour un coût final légèrement inférieur à 19 millions. Le stade serait doté d’une tribune fixe de 3 000 places et d’une optionnelle de 2 000, d’une salle polyvalente de 700 m² et d’une pelouse artificielle, au bénéfice du rugby, certes, mais aussi à celui de Chambéry Foot Savoie et des Aigles du football américain. « L’objet de ce stade est d’accompagner le SOC rugby vers la Pro D2 » , expliquait Jérôme Petit, du mouvement, dans son introduction au débat.

L’architecte, Grand Chambéry et l’ancienne équipe municipale porteuse du projet manquaient à l’appel

Ce projet controversé aurait dû, dans des circonstances normales, s’implanter « sur trois hectares » et non « sur un seul » , rappelait le maire, ce choix avait été fait avant lui – « héritage de l’ancienne mandature » – et c’est bien là tout le problème. Car à ce débat, organisé par le mouvement citoyen de Grand Chambéry, d’où émane la moitié citoyenne de la majorité actuelle, manquaient à l’appel l’équipe porteuse du projet (dont certain membres, dans l’actuelle minorité, suivaient le débat en silence) et Grand Chambéry, non invité, une erreur que reconnaîtra Jérôme Petit en conclusion de ce débat virtuel tandis qu’Attac et Europe écologie les Verts bénéficièrent d’une tribune, forcément à contre-courant du chemin tracé jusqu’ici par Michel Dantin. Enfin, l’architecte Patey, convié au débat, se retirera faute d’avoir été une seule fois sollicité. Un stade, oui, mais pas à n’importe quel prix, dans le respect de l’environnement et surtout, pas sans une concertation globale avec l’ensemble des Chambériens. 

@Patey architecte
Le temps presse, car en août 2020 a été prolongée la validité des propositions faites par les entreprises ayant répondu à l’appel d’offre, jusqu’au 28 octobre dans un premier temps, au 28 décembre dans un second, après quoi l’appel d’offre deviendra caduc « et il faudra le refaire ce qui prendra du temps et coûtera 300 000 euros supplémentaires » , confiait Thierry Repentin. Un stade, oui mais pas à tout prix.Jusqu’ici, les clubs utilisent le stade de la plaine de Mager, reconditionné à hauteur de 2 millions d’euros, mais insuffisant en espace, bruyant pour le voisinage, non conforme à la pratique du sport à un certain niveau. A ceux qui estimaient qu’attendre et discuter était de bon ton, Yves Garçon rappelait au détour d’un message sur le chat de la visio que dans la mesure où le stade serait terminé dans les temps, « c’est à dire dans 18 mois environ, le SOC allait devoir rester à Mager » quoi qu’il advienne, et contraindra ses ambitions nationales à peau de chagrin. La situation n’est pas durable mais une bonne partie de l’assistance, assoiffée de concertation et d’informations plus précises, réclamait d’attendre.

« Je ne comprends pas que le stade puisse être remis en question »

Beaucoup d’interrogations demeurent autour du financement du stade, le coût de 18,8 millions d’euros n’allant pas « être supporté par la ville seule mais grâce à des subventions venant du Département (2 millions confirmés et 2 autres réclamés), du conseil régional (4 millions demandés), de l’Etat, si l’on y arrive, de l’agence de l’eau et de l’agglomération Grand Chambéry » , bien silencieuse jusqu’ici, avec qui la ville espère « partager le reste à charge à 50/50 ». « Nous avons un budget très contraint*** » , dira Pierre Brun, conseiller délégué aux finances, « on a hérité d’un plan pluriannuel d’investissement, d’un budget, d’un grand projet sur lequel nous n’avons pas eu notre mot à dire ». Donc, il convient d’étudier aujourd’hui la ventilation du coût du stade et « d’aller chercher des subventions ailleurs ». Frustrant pour de nombreux participants qui espéraient des réponses claires.

L’emplacement du futur stade
 Pour défendre ce stade bec et ongles, Johan Colliat, directeur du SOC, prit également la parole : « La plaine est saturée, il est impossible d’organiser un match de foot et de rugby en même temps. Une ville comme Chambéry ne peut se permettre d’avoir un stade inférieur à 5 000 places**** ». A l’encontre de ceux qui s’ingéniaient à dire que les millions devaient être prioritairement injectés dans « les écoles » , il se fâchait : « Pourquoi comparer stade et écoles ? Il faut relancer l’économie, ça n’arrangera personne de fermer les marchés. Je ne comprends pas qu’il puisse être remis en question ». Guy Delajoud, également proche du club, s’étonnait que le projet soit remis en question alors même qu’il n’avait pas été évoqué durant la campagne municipale. « Le sport a un rôle social et sociétal » , expliquait-il, « les 340 sportifs amateurs sont » tirés « par l’équipe professionnelle, ce n’est pas un projet uniquement pour les sportifs, mais pour tous les Chambériens. Jamais dans la campagne municipale je n’ai entendu dire que ce projet serait abandonné ! »Les questions « plébiscitées » par les participants de ce débat avaient le don d’agacer les membres du club tant elles montraient la défiance d’une partie des suiveurs à l’égard de ce stade. « Cela fait 11 ans que je suis au club, j’ai 35 ans aujourd’hui, cela fait donc 11 ans que je me bats pour représenter le club. Aujourd’hui, on s’entraîne dans un stade pas aux normes, ça bloque notre évolution » , dira Damien Vicente, capitaine du groupe professionnel. « On ne pourra pas continuer comme ça » , abondera Paul Arnaud, directeur commercial et de la communication du SOC. « Et parler de grand stade est faux car ce n’est jamais qu’un stade de 5 000 places alors qu’on dirait que l’on parle d’un stade de 80 000… 5 000, c’est le minimum autorisé en Pro D2 ». 

« Prenons le temps de construire »

Le débat par questions/réponses qui suivit montra tout de même un attachement des Chambériens pour le sport de haut niveau, « la démocratie a ses limites » confiait même un participant, « il faut cesser de palabrer, c’est très bien de discuter, mais à un moment on élit des gens pour qu’ils prennent des décisions, sinon ça bloque tout ». Un autre, « ça va être compliqué de bâtir un stade en paille » , en réponse aux propos d’un jeune représentant de Youth for Climate, désireux d’un ensemble respectueux de l’environnement. « Nous comprenons tout à fait le besoin légitime d’un stade mais la dimension écologique n’a pas du tout été prise en compte » avait souligné ce dernier. Sur la messagerie en live, les invectives commençaient à défiler entre militants purs de la cause environnementale et les autres, principalement proches des clubs impactés par l’absence d’un stade à Chambéry. « Prenons le temps de construire un projet social riche autour du stade » , exposait Marc Pascal (membre d’EELV), quand Lionel se désolait que « chaque décision » doive « entraîner une consultation alors que les élus l’ont été justement pour prendre ces décisions ». « Il y a des gens qui se fichent des grandes choses » , avançait un autre participant, « une enquête aurait donc du sens » afin de clarifier les points durs qui restent en suspens.C’était une bataille entre pragmatiques – qui veulent de ce stade coûte que coûte – et dogmatiques – qui s’interrogent sur l’impact environnemental, sur les coûts de fonctionnement, sur l’investissement général, sur les projets sociaux et éducatifs à bâtir autour, sur la nécessité d’une concertation -, un débat où chacun a eu la parole mais auquel il manquait trop d’intervenants déterminants pour pouvoir se prétendre parfaitement impartial. Mention bien pour cette première du genre, un exercice difficile à concevoir, à mettre en œuvre, et au final bien exécuté.
* Les organisateurs ont regretté en préambule d’avoir été à l’origine de ce débat, « faute de mieux, nous avions espéré que la ville le fasse ». Ce à quoi Thierry Repentin répondra que « d’autres sujets avaient empêché la ville de le faire » , tout en saluant cette initiative.
** Les postes d’économies portent sur l’éclairage abaissé à 1 200 lux, sur le report de la construction de la tribune secondaire de 2 000 places, sur l’adaptation d’équipements techniques et de dispositifs architecturaux et sur les aménagements extérieurs.
***La capacité d’investissement de la ville s’élève à 25 millions par an sur six ans. 
**** Avec un stade de 5 000 places, Chambéry sera bon dernier en Pro D2 en termes de capacité.

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2 commentaires

gerard Blanc

28/11/2020 à 03:26

Bravo pour cet article de compte-rendu que je trouve assez objectif et complet. L'architecte PATEY et ses collègues ont bien suivi jusqu'au bout ce débat, intervenant et échangeant assez longuement lors de la "3eme mi-temps", avec une proposition intéressante d'organiser une présentation détaillée de son projet. Et rappelons que chacun.e (minorité municipale comprise) pouvait s'exprimer, directement en plénière ou petits groupes, ou par écrits régulièrement rapportés. Débat pas parfait, mais le seul à ce jour, et qui a permis de partager des informations et soulever des questions pertinentes (pourquoi pas de chiffres sur les coûts annuels de fonctionnement et d'accompagnement des clubs ? pourquoi pas de portage par Grand Chambéry ? Pourquoi pas de plan global de soutien équitable à tous les sports ? Pourquoi pas de Plan Pluriannuel d'Investissement réactualisé suite aux conséquences de la crise Covid et des engagements pour l'urgente transition écologique ?, ...)

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Unknown

28/11/2020 à 05:43

Merci d'avoir noté la qualité du débat, mais domage d'avoir omis que le SOC et Patey avaient été trés efficace pour recruter à ce débat zoom !
Reposer la question des priorités climatiques et des capacités budgétaires pour y faire face, ce n'est pas que du dogmatisme !

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