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Les opinions du Petit Reporter : la nature humaine a horreur du vide

Par Laura Campisano • Publié le 04/11/20

Alors elle le remplit. Bonne nouvelle, les gens se posent encore des questions. Mauvaise nouvelle, ils cherchent eux-mêmes les réponses, coûte que coûte, quoi qu’il en coûte, comme dirait Emmanuel Macron. Comme les réponses ne viennent pas des officiels, comme depuis la crise des gilets jaunes, plus personne ne croit les versions officielles certifiées,  alors c’est de l’autre côté, sur Youtube, sur les réseaux sociaux, sur le darknet qu’ils vont puiser leurs « informations ». Nous ? Nous sommes des soldats assujettis à la botte de l’Etat. J’ai regardé, pour comprendre, deux vidéos qui « éveillent ». Que dire de ça ? Deux choses. Depuis qu’on a commencé à dire que les journalistes étaient des menteurs parvenus, et qu’en dehors des journalistes d’investigation qui dénoncent, tous les autres ne servent à rien, expliquer, prendre par la main, décrypter, là tout de suite, c’est stérile. Tant que nous ne serons pas sortis de cette crise, personne n’aura envie de faire un effort.  

Deuxièmement, comment démêler le vrai du faux, l’info de l’intox, quand ceux qui sont censés dire les choses ne les disent pas, se contredisent ou tâtonnent ? On ne peut pas en vouloir aux gens de chercher des réponses, des responsables, de crier au complot puisque personne n’expose les faits avec clarté et transparence. On annonce un reconfinement d’un mois. Un club de fans de Disneyland annonce que le parc fermera de nouveau en janvier février. Tous crient à « la fuite » d’un troisième reconfinement, démentie, depuis. On nous parle de seconde vague, les meilleurs parlent de « Grand Reset » expliquant que le projet est de changer de civilisation, quitte à tuer des milliers de gens. Nombre de citoyens voient passer ce genre de choses sur leur fil d’actualité, y compris les technocrates parisiens. Malgré un premier confinement, des comportements plus fous les uns que les autres au rayon pâtes et papier toilette des grands magasins, au match retour, on assiste aux mêmes scènes d’hystérie collective. On fustige le corps médical qui visiblement s’engraisse grâce au Covid alors qu’ils nous supplient de respecter les règles pour tenter de s’en sortir. Oui, décidément, la nature humaine a horreur du vide.

Déjà quand nous étions petits, nous ne supportions pas de ne pas avoir de réponses et allions mener l’enquête. A force de voir Sherlock et Docteur House trouver des explications que personne n’avait décelées avant, chacun de nous semble réagir tel un Géo-Trouvetout quand il pense avoir trouvé les réponses à ses questions, légitimes, bien entendu. Se poser des questions est sain. Mais prendre tout ce qui tombe sous la main comme vérité absolue, l’est moins. Des dizaines de milliers de vidéos circulent, toutes plus criantes de leur vérité vraie. On nous appelle les « merdias », langage fleuri emprunté aux partis d’extrême-droite, et sans crier gare, on glisse doucement vers un conspirationnisme ambiant, criant « ah mais ça, dès qu’on n’est pas d’accord avec la thèse officielle on nous traite de complotiste » Oui, c’est probable. Parce que se méfier de tout et de tout le monde sauf des vidéastes sur Youtube, c’est une difficulté. Comment savoir qu’ils ne mentent pas ? Comment ne pas devenir fou ?

Et plus on jouera à Jacques a dit avec le peuple, plus on lui parlera comme on parle à des petits enfants, plus on ignorera ce qui se trame, comme si ce qu’ils disent n’était pas important, plus on créera les conditions d’une vraie guerre. Une guerre entre ceux qui « ne sont pas informés » et ceux qui savent. Ceux qui mettent leurs masques et ceux qui « niquent le système », ceux qui « ont peur » et ceux qui sont « réveillés ». Aux décideurs publics d’agir, soyez francs, soyez vrais, dites les choses, arrêtez de prendre des pincettes puisque vous faites pire que mieux. C’est votre responsabilité. Du brouillard naissent les pires théories, de l’infantilisme, naît une nation qui consomme sa vie au lieu de la vivre. C’est absolument insupportable. 

Et pendant ce temps, nous qui passons du temps à croiser nos informations, à essayer de garder la tête froide, à ne pas basculer dans l’irrationnel, nous devons réparer ce qui n’est pas dit avec clarté. A la question « Pourquoi » ne répondez pas que « ce ne sont pas nos affaires », avec le dédain des adultes qui envoient bouler les enfants « ne t’occupe pas de ça, c’est pas de ton âge », « ce sont des choses de grandes personnes » Ce sont bien nos affaires, de toute évidence, puisque nous sommes une Nation. Ce sont bien nos affaires puisque nous avons les deux mains dans le cambouis et les pieds dans l’eau pendant le naufrage. On ne peut pas juste demander aux gens de faire des efforts, ne pas dire, c’est presque mentir, et au lieu de protéger, tels les vikings dans un bon album d’Asterix, on fait couler son propre navire. 

L.C.

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