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Patrick Mignola : « Dans cette période, on doit douter, y compris de soi-même »

Par Jérôme Bois • Publié le 07/11/20

Actualité folle, dense, dramatique et ô combien perturbante oblige, le député de la 4e circonscription de Savoie a partagé un moment en visioconférence, samedi 7 novembre, à défaut de pouvoir assurer ses réunions mensuelles : face à lui, des citoyens, des professionnels en difficulté, des élus, des maires… et nous. Au menu de ce rendez-vous, la crise, sanitaire, économique, le plan de relance du gouvernement, les tensions sécuritaires et quelques motifs d’espoir pour la fin d’année.
Une quarantaine – sans mauvais esprit – de participants, un député plus que jamais sur le pont, beaucoup de questions sur la suite des événements, ce moment était attendu. Patrick Mignola s’est voulu réaliste mais aussi plein d’espoir pour la suite, laissant entendre, au plus fort des discussions, que la courbe nationale des contaminations ne progressait plus. Simple arrêt au stand ou tendance durable ? Nous devrions le savoir dans les « 8 à 10 jours qui arrivent, lorsqu’il y aura un pic pour nous, nous pourrions amorcer une décrue à l’échelle du pays ». L’effet couvre-feu, semble-t-il. 

« La pire période en 25 ans de politique »

Mais il ne pouvait passer sous silence le caractère exceptionnel de la situation, « en 25 ans de politique, je vis la pire période du fait de l’accumulation des crises : sanitaire, sécuritaire, économique, sociale et même internationale avec la Syrie, le haut-Karabagh et l’incertitude qui règne aux Etats-Unis. Mais ce que je vis, vous le vivez tous, nous vivons tous avec une chape de plomb au-dessus de la tête » , glissait-il en préambule. En Savoie, le contexte s’est aggravé, « nous avions eu de la chance lors du premier confinement… Aujourd’hui, nous sommes le 3e département le plus touché, avec 1 000 contaminations pour 100 000 habitants avec des structures hospitalières qui tiennent mais qui atteignent leurs limités ». Bref, le tableau est sombre, morne, morose… « C’est un moment de très grande intensité ».Pourtant, en qualité de chef de file des députés MoDem à l’Assemblée, Patrick Mignola a défendu le gouvernement, tordant le cou aux accusations d’incohérence entendues et relayées çà et là. « Certes, il y a bien eu des propos contradictoires émanant du champ politique, gouvernemental et même médical. Les médecins n’étaient pas obligés de faire » 1 pour 1 contre « à la télévision ». Mais face à ce qu’on ne maîtrise pas, il fallait improviser : « C’est un virus qu’on ne sait pas soigner, en Savoie, aujourd’hui, tout le monde a été touché, même indirectement. La seule cohérence, c’est de s’adapter, on change de position en fonction de la situation ». 

« Une centaine de mes collègues députés ont été indignes »

Sur le premier confinement, il avait observé des changements d’arbitrage « tous les quarts d’heure » , une obligation selon lui et c’était, à l’époque, Edouard Philippe qui s’y était attelé. « Là, on doit s’adapter au jour le jour ». Pas question de desserrer l’étreinte, donc, c’est pourquoi il va dans le sens souhaité par le gouvernement Castex. « A chacun de mes votes, j’ai eu un arbitrage à faire, aller vers une restriction temporaire de liberté ou la liberté de faire mourir mes parents. J’assume et je défends Olivier Véran » , ministre de la santé, malmené par des oppositions persifleuses au palais Bourbon. « De 21h à minuit, une centaine de mes collègues, de droite principalement, ont été indignes, arrogants, hurlants, rigolards… Dans cette période, on doit douter y compris de soi-même ». 

@Bertrand Guay pour l’Express
Patrick Mignola faisait référence à l’examen du projet de loi de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, le 3 novembre dernier, où votes litigieux succédaient aux suspensions de séance, du fait d’un certain nombre de députés agités. Il soutient aussi avoir été gêné par la trop faible « représentation de la majorité LREM » , en rangs clairsemés pour défendre la position gouvernementale. Pourtant, la solidarité devait, selon lui, prévaloir, ainsi que le bon sens : « Il y a trois semaines, le Sénat a voté pour la réouverture des bars et des discothèques. Aujourd’hui, ça paraît fou, nous avons donc cassé ce vote, à l’Assemblée… Imaginez alors qu’on ait rouvert les petits commerces, ça nous coûterait 10 000 morts dans les jours à venir. Faisons au moins preuve d’humilité, on ne peut pas toujours être dans l’invective ». Une fois ces mises au point, il était temps de répondre à quelques interrogations bien d’actualité.

Les aides de l’Etat seront prolongées

L’urgence, ce sont ces petits commerces, déchirés et surtout en colère contre les mesures du gouvernement, dans un premier temps : « Cette incompréhension sur les commerces, je la comprends mais pour aller dans ces petits commerces, il faut sortir de chez soi, puis circuler en ville, aller dans d’autres commerces, patienter dans des files d’attente… En apparence, ce n’est pas cohérent avec le fait que les établissements scolaires soient ouverts mais on n’a pas encore inventé le moyen d’aller directement de chez soi au commerce » , ironisait-il. La circulation du virus, plus intense, va probablement contraindre les autorités à privilégier la distanciation dans les lycées, au moins en hybridation, dès la semaine prochaine. « Nous permettrons au travail de se poursuivre car l’économie ne doit pas s’effondrer » , poursuit-il. Rien de tout cela n’empêchera un confinement général « et même avec le chômage partiel le plus généreux du monde, des entreprises vont s’arrêter ». Ce qui nous amène aux aides de l’Etat : « Les prêts garantis par l’Etat, les aides , les décalages et/ou l’effacement des charges seront prolongés » , a promis le député. Un moindre mal. Seulement, le message passe mal, Patrick Mignola estime qu’il faut « mieux informer et mieux expliquer » , marqué, comme nous tous, par le trop plein de « propos rassuristes » de ceux qui minoraient la gravité de l’épidémie, « on voit que les pires prévisions se vérifient aujourd’hui ». Fort heureusement, il a pu louer l’efficacité des liens entre hôpitaux publics et privés – « 80% des structures privées prennent en charge des malades de la Covid » , il a rassuré les chefs d’entreprises en leur promettant que la date butoir pour présenter un dossier afin de bénéficier du plan de relance serait vraisemblablement repoussée au 15 janvier. Il a évoqué le stade de Chambéry, pouvant bénéficier de ce soutien étatique, un stade qu’il n’a pas souhaité à cet endroit mais plutôt « en périphérie, avec la piscine » auquel il manque 4 millions d’euros. « Si le plan met ces 4 millions, le projet sort et cela redonnera de l’oxygène à la ville et à l’agglomération. Le projet est prêt, les entreprises choisies, les enveloppes sont ouvertes, c’est une vraie injection d’activité économique locale ».Enfin, des participants ont souhaité s’exprimer au sujet du danger du « fanatisme islamiste radical ». Le député a simplement rappelé ces mots de Jean Jaurès, « la loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne veut pas faire la loi ». « La France n’a pas un problème avec l’islam mais avec le fanatisme » , « les fanatismes » , corrigera un participant. L’ancien maire ravoirien s’est montré pressant sur le devoir d’enseigner le fait religieux, car « sinon, on ne comprend pas des pans entiers de l’histoire du monde et des civilisations ».Il pouvait ensuite retourner à son groupe de travail « Relance » et donner rendez-vous au 5 décembre pour une prochaine rencontre… virtuelle encore.

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