article

Quand reconfinement rime avec stationnement payant…

Par Jérôme Bois • Publié le 11/11/20

Aix-les-Bains, Ajaccio, Poitiers, Villefranche ou Cannes, rares sont les villes, grandes ou moyennes, à avoir mis fin au stationnement payant, le temps de ce confinement, deuxième du nom. Ainsi, en Savoie, Chambéry n’a pas bissé, après un printemps durant lequel les agents municipaux s’étaient tenus à l’écart des horodateurs. En somme, à confinement différent, logiques différentes…
Elles ne sont pas légion, les villes ayant mis fin, momentanément, au flicage des parcmètres. Pas de Longtarin à l’horizon pour veiller au nourrissage de ce que Gaston Lagaffe appelait les « affreux mange-fric ». Le semi-confinement est passé par là. A Aix-les-Bains, sans l’ombre d’un débat, Renaud Beretti a sifflé la pause, comme il le fit au printemps dernier : « Le stationnement gratuit, c’est plus simple pour les commerçants qui restent ouverts et qui sont actuellement en difficulté, car il faut que les gens aient envie de consommer dans les commerces de proximité » , explique le maire aixois. « Mais c’est aussi plus simple pour les gens qui habitent en ville, il ne faudrait pas qu’ils aient à payer par deux fois. Alors bien entendu cela n’est pas sans conséquence sur les recettes de la ville, le stationnement rapporte 1,4 millions d’euros par an, pour une ville de la taille d’Aix-les-Bains, ce n’est pas négligeable. C’est une perte, mais c’est un choix ». Un choix que Michel Dantin, ancien maire chambérien avait fait, également, mi-mars. Et c’est Alexandra Turnar, son ancienne adjointe, qui raconte : « Tout le monde a dû s’arrêter du jour au lendemain. Alors nous avons opté pour la tolérance. Face à l’impossibilité de stopper le système électronique, nous avons demandé aux agents de cesser de verbaliser ». Des mesures généralement bien accueillies, souvent de bon sens. Mais vers laquelle toute la France ne s’est pas dirigée.

Une mesure de droite ?

A y regarder de plus près, une question nous saute aux yeux : et si rendre le stationnement gratuit en période de confinement était une mesure de droite ? Saugrenu ? Pas tant que ça. En France, 42 communes, villes moyennes et grandes cités, ont fait le choix de passer à la gratuité, selon une enquête réalisée par le magazine Auto-moto (à lire ici). Parmi elles, Marseille, récemment passée à gauche, a privilégié la gratuité pour les abonnés. Et sur ses 42, 23 sont des villes positionnées à droite, 8 à gauche. Les 11 restantes se plaçant entre écologie (Poitiers), UDI (trois), Rassemblement  national (Perpignan), centre (trois) et sans étiquette (trois). Un état des lieux qui a eu le don d’amuser le maire d’Aix-les-Bains : « Je ne me suis pas posé la question au premier confinement. Culturellement cela renvoie à un présupposé philosophique non ? Souvent, les élus de droite sont plutôt connus pour modérer voire baisser la pression fiscale qui pèse sur les habitants, pour faire baisser les impôts, que je ne considère pas comme tant vertueux, par ailleurs ». Il insiste : « La gratuité s’applique à tout le monde, cela aide les gens, surtout à l’approche des fêtes de Noël assombries cette année, alors que la plupart sont dans une certaine angoisse, une irritabilité. Contrairement au premier confinement, on va plutôt vers le mauvais temps… C’est aussi un volontarisme politique que d’aider les gens ». Difficile, en définitive, de le certifier mais les chiffres ont le mérite de parler.Et le reste de la Savoie, dans tout cela ? Chambéry, dont on n’ignore plus le changement de cap amorcé en juin dernier, n’a pas bougé. « Nous sommes en réflexion » , nous confie-t-on en mairie, « un travail est mené avec l’association Villes de France ». Entre gratuité généralisée et tolérance, rien n’a encore été décidé par Villes de France mais sa présidente, Caroline Cayeux, maire de Beauvais, a appelé le gouvernement à définir les conditions d’une réouverture des commerces*. Le scénario a changé, expliquait Thierry Repentin, le 30 octobre dernier, pour le moment, le choix a été de permettre la rotation des véhicules. Tout peut évoluer mais ce choix a néanmoins fait bondir Alexandra Turnar : « Les gens seront amenés à sortir sans arrêt en centre-ville car le travail n’est pas arrêté, il fallait donc penser à ces personnes. Il reste par ailleurs des commerces qui fonctionnent, nous espérons donc que la municipalité modifiera cette décision ». Car l’élue a trouvé excessive la verbalisation qui se poursuit, stigmatisée notamment sur les réseaux sociaux. « La majorité a malgré tout organisé une réunion avec nous pour en discuter » , poursuit-elle, « nous avons apprécié la démarche. Nous trouvons simplement dommage de se référer aux autres (villes adhérentes à Villes de France, NDLR) pour agir. Nous resterons vigilants ». 
Et les grandes villes ?
A quelques encâblures de là, aux portes de la Tarentaise, Albertville, où le stationnement est gratuit, limité par des zones bleues, n’a rien changé à ses habitudes. « Je n’ai pas donné de consignes » , résume Frédéric Burnier-Framboret, « la police municipale est suffisamment autonome et elle a d’autres priorités en ce moment. L’idée est plutôt d’aller vers la bienveillance, sauf sur des zones tendues, dans lesquelles nous interviendrons. Ça reste un pseudo confinement, chez nous, ce n’est pas un sujet ». Le maire albertvillois reconnaît néanmoins que « la situation doit se gérer partout au cas par cas ».Le changement de cap observé dans la cité des Ducs n’est pas un cas isolé, loin de là puisque de nombreuses grandes villes ont suivi : ainsi Grenoble a choisi de laisser le stationnement payant, contrairement aux pratiques du printemps dernier, « afin de permettre une rotation à proximité des équipements, services, commerces de première nécessité ainsi qu’à proximité des commerces pratiquant le » click and collect «, pratique nouvellement autorisée par le gouvernement » s’est justifiée la majorité écologiste conduite par Eric Piolle. A Lyon, même sentence : Grégory Doucet, également écologiste, qui avait pris la relève de Gérard Collomb, avait rappelé au magazine Lyonmag, que « considérant que le confinement n’est pas aussi total que celui du printemps et que beaucoup de gens vont continuer à se déplacer en voiture, le stationnement peut rester sur les mêmes modalités que d’habitude. Le stationnement de la Ville est très largement payant et on a décidé de le maintenir ». Lille leur a emboîté le pas, « Le stationnement reste payant aux mêmes horaires et selon les modalités habituelles » indique le site internet de la ville, Bordeaux aussi, à ceci près que 580 places devenaient gratuites jusqu’au 1er décembre. A Caen, si le stationnement demeure payant, la tolérance sera de mise. Bref, tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne d’ici au 1er décembre, si tant est que cette date ne soit pas modifiée en cours de route. Parce que les modalités de confinement ne sont plus tout à fait les mêmes. De là à penser que l’orientation politique a une influence sur les décisions prises…
* Contactée, l’association n’a pas donné suite à nos appels.

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter