article

Ravet, trois ans de conflit pour un statu quo… gênant

Par Jérôme Bois • Publié le 27/11/20

Fin du débat, fin de l’attente mais sans doute pas fin des discussions voire des railleries. La municipalité a tranché, ce sera donc un coup pour rien et un sérieux coup de canif dans les ambitions d’une bonne moitié de cette équipe municipale, celle-là même qui avait fait de la suppression du parking son argument de campagne massue. Au bout du compte, le parking se fera, il aura pris deux années de retard et occasionné plus de deux millions d’euros de surcoût.  Retour sur un projet clivant.

Juin 2019, premiers coups de force de militants anti parking.
De septembre 2017, lorsqu’avait été accordé le permis de construire à Q Park, le concessionnaire, jusqu’à la fin des travaux, il ne devait pas s’écouler beaucoup plus d’une année, ce devait être le « cadeau » de Noël 2018 aux usagers chambériens. On l’a dit, mais ce parking, honni par quelques irréductibles écologistes et militants anti-voitures, secondés par des riverains jaloux de leur tranquillité et de leur vue sur la Croix du Nivolet, avait été un argument de campagne du candidat Dantin, en 2014 : « Nous ferons » , écrivait-il, « des stationnements en cercles concentriques, en parkings relais et en parkings d’entrée de ville, facilitant l’accès au centre tout en incitant à le faire par l’utilisation des transports en commun ou en modes doux notamment par la construction d’un parking de grande capacité aux abords du pont des Amours ». 480 places, c’était donc celui-là. Un argument certes noyé au beau milieu d’un copieux document de campagne. Le « silo à bagnoles » , moqué par Jean-Pierre Ruffier, ancien élu et doyen du précédent mandat, n’a pu prendre personne par surprise. Alors c’est sur la forme que se sont concentrées les attaques.

« Michel Dantin s’est trompé d’époque »

Au moment de lancer l’opération, la révolte a donc pris corps ; des riverains aux militants d’Extinction Rébellion et de Youth for climate, pas question de voir le monument de sept étages assombrir le panorama de quelques-uns*. Les premiers recours commencèrent a circuler, gracieux lorsqu’ils furent formulés par un collectif de riverains, contentieux, lorsqu’ils visèrent le permis de construire et le déclassement de la rue Pillet-Will, « sans enquête préalable » , dénonçait le collectif du faubourg Nezin. Nous étions en novembre 2017, il n’y avait aucune forme d’urgence pour la majorité de Michel Dantin. Le premier permis, à la demande de Q Park, sera toutefois retiré, un nouveau, présenté en mai 2018. Pendant ce temps, un autre recours gracieux, déposé au début de l’été 2018, finira rejeté par courrier du maire. Les recours se suivirent, les issues se ressemblèrent mais rien ne semblait pouvoir franchement ébranler la détermination des opposants au projet, rejoints par diverses associations écologistes qui contribueront à ériger Ravet en symbole « d’une politique urbaine qui va à l’encontre de ce que les villes modernes font », selon un membre du collectif  Ravet. Comme un symbole, le dernier recours sera retiré par les requérants une fois la concertation d’octobre 2020 achevée.De retards en retards, alors que les recours successifs continuaient de paralyser la mise en route du chantier, les délais envisagés à l’époque de la signature du contrat de concession avec Q Park (en 2017) explosèrent. « Michel Dantin s’est trompé d’époque » , raillait Marielle Thievenaz, en juin 2019, aujourd’hui élue au sein de la majorité Repentin. Les coups médiatiques et symboliques tentés par Extinction Rébellion apparurent moins d’un an avant le premier tour des élections municipales. Nous gardons tous en mémoire la banderole « Laisse béton » attachée au sommet de la grue du chantier par deux cyclistes en juin 2019… Ravet allait devenir un enjeu, un symbole, idée renforcée par la décision, fortement contestée, « de faire peser tous les risques de la construction sur le contribuable chambérien » si l’un des recours venait à être gagnant, validée en séance du conseil municipal un mois plus tôt, fin mai 2019. Quelques jours avant cette annonce, Q Park, par le biais d’une lettre ouverte diffusée le 18 mai, s’était (enfin) positionné en soutenant qu’il n’était « pas raisonnable d’engager les travaux sans que les recours en justice soient purgés ». Or, Michel Dantin avait souhaité accélérer le mouvement : « Nous avons voulu démarrer les travaux attendus par une grande majorité de Chambériens » , déclarait-il en séance du 23 mai. Il garantissait au passage que si un risque existait pour la municipalité, ce risque devait être « mesuré » , « il n’est pas question pour nous de fuir nos responsabilités face à une opposition phagocytée par nos opposants politiques ». Ca sentait le roussi pour ce projet qui devait, aux dires de l’ancienne première adjointe, Josiane Beaud, lancer toute la requalification de l’avenue des Ducs. Au grand dam de Xavier Dullin, qui, en juin 2020, vivait ses derniers feux en tant qu’élu municipal. Il critiqua ouvertement les manœuvres de ses adversaires politiques, responsables à ses yeux du retard : « En 2020, on s’en prend à des gros dossiers comme le parking Ravet, projet qui avait pourtant été initié par ceux qui le dégomment, via le projet Chemetov aujourd’hui avorté, qui prévoyait un immeuble, à cet endroit, bien plus haut que ne le sera le parking. Je dois dire que je n’ai pas souvenir, lorsque nous étions dans l’opposition, d’avoir attaqué juridiquement un projet, jamais ! » Ce point sera prochainement supprimé par l’équipe Repentin puisqu’elle avait fermement rappelé qu’en aucun cas, les Chambériens ou le budget de la municipalité ne devaient porter d’éventuel surcoût.

« Il faut changer de méthode »

La campagne municipale n’aura rien changé à l’affaire, en dépit du lancement des travaux, fin 2019, le parking devait rester jusqu’au bout un enjeu politique même si du côté des « anti », on se défendait de tout « dogmatisme ». Le mouvement citoyen, qui compose aujourd’hui la moitié de la majorité fraîchement élue, constituée de quelques farouches opposants au parking, affirmait par la voix de Sophie Bourgade, le 6 mars dernier, qu’en cas de victoire électorale, « le chantier s’arrêtera, il ne sortira pas de terre avec nous. Nous voulons réduire le stationnement parce que c’est un aspirateur à voitures. Au lieu d’enlever des arbres pour laisser plus de place à la circulation automobile, nous souhaitons au contraire ne pas y toucher, et plutôt, en application de la charte de l’arbre, renouveler les espèces de façon spécifique. » Nous n’étions pas encore au bout de nos surprises… 

Lors de la restitution de la concertation, le 19 octobre…
Juin 2020, à quelque trois semaines du second tour des municipales, Q Park saisissait la ville par une demande en indemnisation. Montant du préjudice, du fait des retards successifs, plus d’un million d’euros. Puis, la victoire du duo Repentin – Le Meur allait nécessairement une nouvelle fois égratigner ce parking qui a eu le don – et c’est bien malheureux –  de vampiriser le débat électoral, mettant sur la touche des sujets de plus grande ampleur comme les mobilités à l’échelle du territoire ou le Lyon-Turin. « Quand on est élu, après un scrutin, on peut considérer qu’on a un blanc-seing pour gouverner durant la durée du mandat, », déclarait Thierry Repentin, en réunion publique le 9 novembre 2019. « C’est une méthode qui était courante par le passé, il faut changer de méthode. C’est plus facile de gouverner sans concerter ». Il comptait bien changer la méthode, comme il nous l’annonça un jour de février 2020Les faits lui donneront raison, il aura porté cette méthode jusqu’au bout de la requalification de Ravet.Prime à la concertation, donc, devenu le principal reproche adressé à l’ancienne majorité. De fait, sitôt son élection actée, il s’attela à faire cesser le chantier en élévation, le 25 juillet, occasionnant une pénalité de retard de 285 000 euros. But de la manœuvre, mettre la phase de concertation sur orbite, sa toute première grande décision en qualité de premier édile de Chambéry. Les Chambériens devaient pouvoir se positionner autour d’un sujet qui les divisa à plus d’un titre, notamment lorsque des affiches appelant au boycott des commerçants pro-Ravet apparurent sur certains murs, en toute fin de campagne. Un acte non-signé qui fit suite à l’appel de ces mêmes commerçants à soutenir le parking. « Des gens avaient déjà fait pression sur les commerçants depuis l’épisode des affiches de soutien à Ravet », s’indigna alors Michel Dantin. Quant au collectif Ravet, il s’était pareillement désolé de telles basses manœuvres : « Nous sommes horrifiés par cette affiche et surtout atterrés pour les commerçants, qui sont nos partenaires et non nos ennemis, ils animent la ville et font vivre le centre ville. Nous sommes contre le parking mais pas contre les commerçants. Ils sont pris en tenaille dans une guerre qui ne les concerne pas ». Ça allait trop loin, titrions-nous alors et Ravet déchaînait un peu trop les passions. 

Ravet a-t-il seulement été un sujet pour les Chambériens ?

Bref, en septembre et octobre, les habitants allaient pouvoir s’exprimer durant cinq réunions de concertation. 550 personnes répondirent à l’appel de la majorité, un score mitigé compte tenu de l’importance prise par la thématique et par ses enjeux transversaux mais jugé très satisfaisant par la mairie. La mobilisation qui avait, selon la majorité, poussé à remettre en cause la construction d’un parking de près de 500 places, avait-elle seulement existé ? Y’avait-il eu une lame de fond ? Non, et aujourd’hui encore, il est difficile de savoir si ce parking a réellement été un « sujet » pour les Chambériens. Les retours ont majoritairement porté sur des considérations esthétiques et sécuritaires (lire notre article du 20 octobre). Sur la ligne de départ de la concertation, trois suggestions : le maintien du projet initial, un autre sur 4 niveaux, le dernier sur 5. Pour le projet sur 4 niveaux, le surcoût se situerait entre 5,3 et 5,5 millions d’euros (entre 1,6 et 1,8 million de surcoût de construction et 3,7 de surcoût de perte d’exploitation), celui sur 5 niveaux allant de 9,2 à 9,7 millions d’euros (4,5 à 6 millions de surcoût de construction et les 3,7 millions de perte d’exploitation). Il sera décidé, in fine, que la ville « terminera le projet selon le permis de construire initial, soit le parking de six étages plus un étage de stationnement sur le toit » , moyennant quelques améliorations çà et là. Pour un problème de forme, donc, – l’absence de concertation – tout a été remis en cause. Pour rien. Ou plutôt en échange de 2,4 million d’euros, chiffre prenant en compte le risque Covid, les manques à gagner liés aux recours, à l’arrêt des travaux en élévation de l’été dernier… Un surcoût qui ne pèsera pas sur la ville et ses habitants, a promis le maire. « Nous regrettons d’avoir à assumer cette charge, elle aurait été évitée si la concertation avait eu lieu sous le précédent mandat » , se justifiait Aurélie Le Meur, ce 26 novembre. Les enjeux financiers étaient à leurs yeux trop importants, le contrat de délégation de service public – signé sur 30 ans en 2017, sous le mandat Dantin – trop contraignant.Un échec ? Sûrement pas, pour Thierry Repentin qui se félicitait que cette concertation ait pu changer la façon de pratiquer la politique en ces lieux. Une victoire, alors ? On peut ne pas aller jusque-là.
* « Les mécontents ? Des gens qui habitent dans des R+7, ce qui était la norme à Chambéry durant de nombreuses années », rappelait Michel Deronzié, le garant du processus du concertation, dans on discours lors de la réunion de restitution de la concertation, le 19 octobre dernier.

Tous les commentaires

2 commentaires

Unknown

29/11/2020 à 23:59

Madame Le Meur donne des leçons de démocratie citoyenne, a-t-elle demandé une concertation pour s'octroyer 53 % d'augmentation de ses indemnités de première adjointe ? Quant à Monsieur Thierry Repentin, il peut se féliciter d'être le responsable d'un manque à gagner (certains ayant l'outrecuidance de dire qu'un manque à gagner ce n'est pa de l'argent) d'argent public de 2.4 millions d'euros. J'espère que les Chamberiennes et les Chambériens sauront s'en souvenir....

Répondre

Unknown

03/12/2020 à 04:12

http://www.aixlesbains-lejournal.fr/article/20201201-1076-parking-ravet-ils-osent-tout-regrette-ridicule-ne-tue-plus.html

Répondre

Commenter