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Aix-les-Bains : l’étrange manège du grand Passage

Par Jérôme Bois • Publié le 29/12/20

Le sujet est vieux, il n’a toujours pas été traité : l’allée du grand Passage, cet escalier partant de la rue Boyd qui rejoint le haut de la rue de Genève desservant quelques commerces et, dernièrement, un point d’accueil de l’office de tourisme, est un sempiternel problème. Lieu de squat, de rassemblement de marginaux, il fait le désarroi des riverains – habitants ou commerces alentours – qui attendent une réponse ferme de la mairie. La problématique du grand Passage a même été transmise à la députée Typhanie Degois. 

Un passage déserté.
Nous sommes quelques jours avant les fêtes, une dizaine de riverains dissertent et relatent les diverses exactions commises par ces marginaux, connus des services, qui ont élu domicile sous le grand Passage. Sous ? Oui, car l’escalier menant aux commerces du haut est abrité, presque éloigné des regards trop indiscrets. Il est depuis longtemps l’endroit idoine pour des rassemblements à l’improviste, le temps de vider quelques canettes, de palabrer, de brailler, d’insulter, de frapper, de casser… Bref, l’allée du grand Passage telle qu’elle est devenue depuis une douzaine d’années. Cette dizaine de riverains n’en peut plus. De jour comme de nuit, ils sont dérangés, réveillés, certains évoquent de la peur, d’autres l’envie de régler la question à coups de batte mais tous ont ce ras-le-bol en commun. Et puis, voici que vers 16h30, leur heure, alors que la rue principale de la cité thermale se gave encore de chalands lancés dans le rush des fêtes, une poignée de jeunes gens, de vingt à quarante ans, se pointe avec l’intention de prendre place sous leur habituel abri. « Vous voyez » , soulève un riverain, « vous tombez bien, ils sont là, pile à l’heure, ils ne s’arrêtent pas car nous sommes tous rassemblés ici, où ils squattent habituellement ». Qu’à cela ne tienne, le petit groupe remonte la rue Boyd jusqu’au Monoprix avant de redescendre 5 minutes plus tard, le plein effectué, les bras chargés de bières en boîtes et l’espoir nourri de reprendre la place occupée par les Jacques, Charly, Laurent, Valérie, Maire-Thérèse… ces riverains exaspérés par tant d’impunité.

De jour comme de nuit…

Au quotidien, les marches sont sans cesse squattées, « on a même du mal à passer », explique un riverain, « d’ailleurs, plus grand monde ne passe par là, désormais ». Les commerces du haut n’ayant pas tous ouverts, l’Office de tourisme à l’arrêt, en effet, plus grand chose ne justifie de se frotter à ces marginaux, le détour est souvent privilégié par les passants. « Parfois, ils se font agressifs, voire violents, ils se battent et font du bruit jusqu’à tard dans la nuit. Ils urinent partout, laissent leurs déchets au moment de partir » énumère Charly… De quoi agrémenter la vie ici-bas. Lui-même, résident de l’immeuble adjacent, se souvient : « Il y a trois semaines, j’entendais crier, c’était une voix de femme, sans doute la petite amie d’un des squatteurs ; ils étaient en train de la frapper. Je suis descendu, j’ai dû me battre avec eux et ils ont fini par partir avec la jeune femme ». La police ? Sur place cinq petites minutes après le coup de fil, l’endroit avait déjà été déserté. Valérie, commerçante, va même jusqu’à évoquer « du deal et de la prostitution ». Parfois, les voitures en stationnement subissent les frais de ces débordements de vie. Sinon, les vitrines, vitres, portes et tout ce qui passe à portée de canette. Un couple avait, lorsque Dominique Dord était encore maire, lancé une pétition qui n’avait abouti à rien. Le temps n’a rien arrangé à l’affaire, la crise sanitaire encore moins puisque lors du premier confinement, le squat était en journée, « ils pissaient partout, au su et au vu de tout le monde » , relate Laurent. Le reste du temps, c’est « tous les soirs, tout le temps ». Valérie a même été agressée dans son propre commerce l’été dernier. « Le syndic connaît le problème, les gens ne passent plus par là ». Et rien ne se passe, tout court. « Si l’on décide de fermer le passage, il faut l’unanimité de la part de la copropriété » , détaille Jacques, car c’est là le nœud du problème, le passage est privé et les discussions sont âpres avec la municipalité afin de parvenir à un accord. « La surface du grand Passage devrait passer dans le domaine public après de longs échanges avec la copropriété car actuellement, il s’agit d’un espace privé » , souffle Renaud Beretti, conscient du problème. « Il ne s’agit malheureusement pas d’une question nouvelle, c’est le même groupe de marginaux qui déambule du square Alfred-Boucher au parc de Verdure en passant par le grand Passage ». 

Le recours à la vidéo

La police fait ce qu’elle peut, « ce groupe est régulièrement contrôlé » , insiste le maire, « il y a même eu des tentatives pour qu’il soit pris en charge par les associations caritatives, en vain » , soupire-t-il. Que reste-il aux riverains ? Le recours aux caméras. Là-dessus, Renaud Beretti se veut rassurant, « nous sommes en train de procéder à l’implantation d’une caméra de vidéo-protection à cet endroit, ce qui devrait sécuriser l’espace ». Il comptait beaucoup sur l’installation du point d’accueil des touristes, en haut de ces maudits escaliers, inauguré le 16 septembre dernier, pour drainer plus de monde, pour l’instant et le coronavirus n’a rien arrangé, le grand Passage est déserté car le point d’accueil est resté fermé du 30 octobre au 19 décembre. Las, Valérie avait pris contact avec la députée de la première circonscription de Savoie, Typhanie Degois, attendant « un minimum de prise en considération » de l’exaspération des riverains ainsi qu’ « un rendez-vous entre l’ensemble des personnes concernées et la mairie » ; la députée lui a assuré « avoir pris attache avec l’édile et la commissaire de police, Houria Khemissi ». Pour le reste, « il s’agit bien d’individus connus, difficilement appréhendables car arrêtés le soir, ils ressortent le lendemain ». La députée compte également beaucoup sur l’implantation de caméras « qui permettront de caractériser plus facilement les infractions commises par leurs auteurs ». A ceci près qu’avec des marginaux, la réponse pénale appropriée reste à trouver. Et on sait que les caméras ont le défaut de leur avantage, celui de repousser le problème… un peu plus loin.

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