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Chambéry : Goupil aux mains d’argent

Par Laura Campisano • Publié le 13/12/20

Présent sur le marché de Noël de Chambéry depuis plus de 20 ans, Ludovic Goupil est un artisan joaillier peu ordinaire. A la forge, au marteau sur l’enclume, il crée des bijoux avec passion, à l’instinct. Avec fougue, il a porté le projet du marché de créateurs et d’artisans qui se tient actuellement dans la cité des Ducs, et c’est aussi, sans doute, ce qui a permis de le voir aboutir. Rêveur, un brin philosophe, c’est en autodidacte que Ludovic Goupil marche dans les pas de son père, avec une passion intacte.
C’est son père qui lui a transmis la passion de la chose bien faite, alors qu’il était enfant, plutôt tourné vers les étoiles et l’envie de conquérir l’espace. Ludovic Goupil a donc commencé très tôt à observer les gestes, le savoir-faire, de son père lui-même autodidacte. Ni l’un ni l’autre n’avaient projeté ce plan de carrière, père et fils ayant en effet, l’un un métier en parallèle, l’autre un diplôme d’école de commerce. Pourtant en 1999, âgé de 23 ans, Ludovic propose à son paternel le pari fou d’en faire leur unique profession. 

Des techniques ancestrales « comme au temps d’Excalibur » 

Leur collaboration aura duré quinze ans, avant qu’il ne se lance en solo. Depuis bientôt 40 ans, le joaillier crée, forge, tape, dialogue avec sa matière première pour la façonner et lui donner l’allure d’un bijou unique, parfois même sur mesure. « Je travaille à l’ancienne, avec des techniques comme la gravure à l’eau forte, qui date du XVe siècle, lancée par Gutemberg », explique-t-il, « ainsi que la forge, comme au temps d’Excalibur. Ce sont des méthodes éternelles, et leur avantage est de pouvoir faire des choses authentiques, sans imprimante 3D, de pouvoir travailler le métal à chaud comme à froid. C’est ce qui fait notre force, notre plus-value. Cela me permet de me différencier des autres. » Qu’on ne s’y trompe pas, le bling-bling et les paillettes, ce n’est pas la démarche de Ludovic Goupil qui y préfère largement le cadre naturel de sa maison sur les hauteurs de Chambéry, avec une vue imprenable sur le lac, partager du temps avec sa femme et ses enfants, loin des honneurs. Il a le succès modeste, ce joaillier chambérien, encore une valeur transmise par son père, dès le début et tout au long de leur travail commun. « Mon père me disait toujours, il faut rester humble », se remémore-t-il, « on apprend tout le temps. C’est important de ne pas prendre le melon, pour progresser. Pour réussir, il faut avoir le plaisir, être sensible à ce que vous faites. Et moi, j’ai du plaisir chaque matin quand je retrouve mon enclume pour façonner un bijou. Le plaisir, c’est très important. Je ne fais pas cela pour la gloire, j’aurais pu, j’ai d’ailleurs déjà vendu des bijoux pour des Miss, mais je n’ai pas envie de faire la star dans Paris-Match. »  Voilà qui est clair.Ce sont des valeurs qui se transmettent, le plaisir, l’humilité, la simplicité, et il faut croire qu’alliées à un caractère déjà sensible, cela aboutit à des bijoux qui durent dans le temps, eux-mêmes empreints de cette sensibilité, de cette mémoire. « Quand j’étais jeune, on me disait que j’étais un actif exubérant, toujours poète, toujours avec ce besoin de m’évader », sourit-il, « je lisais beaucoup de romans, j’avais déjà une part féminine très développée et quand on crée, il faut de la sensibilité. J’ai beau être marié depuis 20 ans, père de famille, j’ai toujours gardé mon âme d’enfant, je suis resté émerveillé. Quand je crée un bijou, je le sens bouger dans mes mains, il est à fleur de peau, comme un violoniste, vous voyez ? » N’est-ce pas ce que l’on appelle la « passion » ? 

« Je travaille à l’instinct, je suis tenace, comme disait Jacques Brel, le talent c’est 5% de don et 95 % de transpiration »

Nul doute que l’aventure entrepreneuriale n’a pas pas été de tout repos. Pour autant, Ludovic Goupil a pu démarrer avec un héritage paternel de liens, de connaissances et de réseau, ce qui a soufflé sur sa voile pour des débuts prometteurs. « Mon père avait déjà une certaine notoriété, les fournisseurs de métaux, de matières premières », souligne-t-il, « grâce à cet arriéré, quand j’allais sur les salons les gens me connaissaient. Après, à force de persévérance, de ténacité, j’ai pu aller dans de nouveaux salons. Pour cela, je pense être un bon exemple pour mes enfants, je ne m’arrête jamais au milieu du chemin, préférant aller toujours au bout de mes objectifs. » Depuis, de salons en salons, entre trois et quatre par an, puis la vente sur internet depuis cinq ans, ce créateur infatigable a réussi à marquer les esprits, à les interpeller, avec une patte Goupil, qui fait que ses bijoux sont reconnaissables entre mille. « Il y a une ligne, c’est vrai, les gens me le disent souvent, mes bijoux ont des bosses », s’amuse-t-il, « c’est vrai, rien n’est lisse chez moi, il y a du relief, les bijoux doivent transpirer l’amour du travail du métal. J’aime aussi beaucoup les courbes, ce qui est rond, regardez dans la nature, les fleurs, les femmes, tout est courbe, tout est poésie. Les gens le sentent, c’est comme un chanteur, le public sait tout de suite si la personne a les yeux qui pétillent si elle est authentique ou si elle fait juste le job. J’aime les choses fluides, non chargées, il y a des classiques que je ferai toujours, parce que ces bijoux sont intemporels, ils seront toujours à la page. Je travaille à l’instinct, je suis tenace, comme disait Jacques Brel, le talent c’est 5% de don et 95 % de transpiration. »Jamais en panne d’inspiration, Ludovic Goupil peut créer en pleine nuit d’insomnie, dessiner pour avoir de la perspective, pourvu que ses créations correspondent à quelque chose d’authentique. Sur mesure, ses clients lui commandent aussi des bijoux pour marquer des occasions spéciales, pour faire plaisir aux gens auxquels ils tiennent, à titre symbolique…et reviennent des années plus tard, pour en commander de nouveaux. Intemporel, le Goupil.

« Il y aura toujours des gens pour la qualité »

Entreprenant aussi, nous le décrivions tenace et c’est ce qui a permis la tenue d’un marché des créateurs à Chambéry, alors que la crise sanitaire risquait de gagner ce bras-de-fer de plus. « Je suis très content que ce marché se tienne, j’y suis allé au culot, associé à CréaSavoie, voir Raphaëlle Mouric, qui a un tempérament et une droiture que j’apprécie. Elle nous a suivi et c’est une grande chance », s’enthousiasme-t-il, « nous avons fait un beau projet pour tout le monde, les commerces, les Chambériens, la ville et les artisans, c’est pour le bien commun, c’est une démarche altruiste. C’est un beau marché, de qualité. C’est incontournable pour les gens, il y en aura toujours pour la qualité. Quand on aime, qu’on flashe pour une pièce, même si cela demande des sacrifices, on est toujours prêt pour cela. » D’autant que parmi les bijoux de Ludovic Goupil, les prix varient de 40 à 300 euros, une fourchette qui laisse de la place pour de nombreux clients.Pour l’heure, le marché des créateurs chambériens a débuté sous de bons auspices, même si cela s’est un peu calmé, aux dires du joaillier. « Nous avons eu un week-end pas mal, là c’est plus calme, mais nous avons encore 15 jours devant nous et ce sont les meilleurs. D’habitude nous avons des visiteurs de Maurienne, de l’Ain, de Tarentaise, mais avec la règle des 20 km, ils ne peuvent pas être au rendez-vous. C’est une année particulière on ne peut pas la comparer aux années précédentes. En tous les cas, il y a une bonne ambiance entre les exposants. Nous avons été bien aidés par les services de la ville, et cela ne peut mener qu’au succès. Les gens sont contents, il faut leur donner envie, c’est important de leur dire que la vie peut être belle, tout dépend comment on la regarde », philosophe-t-il, « ce qui compte, c’est de vibrer, de faire des choses qui nous élèvent, la vulgarité est à la portée de tout le monde, s’élever, grimper jusqu’au sommet, ça demande un effort, mais cela rend heureux. »  Qu’il s’agisse de ses créations, du marché des artisans ou de la vie, tout simplement, Ludovic Goupil sait inspirer et insuffler les ondes positives dont, semble-t-il, le monde a besoin, en ce moment. 

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1 commentaire

Unknown

16/01/2021 à 15:53

Bravo Ludovic, continuez,

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