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La Motte-Servolex : des agents municipaux font état d’un profond mal-être au travail

Par Jérôme Bois • Publié le 11/12/20

Depuis le début de la crise sanitaire, plusieurs voix se sont discrètement élevées, en mairie et dans certains services publics motterains, pour regretter voire dénoncer des conditions de travail devenues anxiogènes : manque de moyens de protection, de communication, protocoles sanitaires inexistants… Le deuxième confinement a fait du mal alors que Luc Berthoud, le maire, se défend de toute négligence. Il invite ces personnes à émettre des propositions et à s’exprimer en toute transparence.
On ne saurait évaluer, à cette heure, l’impact de ces huit mois de crise sanitaire sur la santé mentale des gens. Il est sans doute trop tôt même si Luc Berthoud, maire de La Motte-Servolex, soutient que les services psychiatriques sont déjà submergés. La suite des événements ne portera pas seulement sur les conséquences sociales et économiques de la crise que nous vivons mais aussi psychologiques. Déjà des manifestations d’humeur apparaissent, çà et là, des mouvements, souvent non coordonnés, timidement énoncés, peu relayés.

Des conclusions « enterrées » ?

A La Motte-Servolex, quelques voix se sont fait entendre, elles font état d’un mal-être jugé « général » , un sentiment partagé par les responsables syndicaux de ces agents municipaux. Qu’en est-il ? « Depuis le premier confinement, le personnel n’est pas pris en compte, la gestion de la crise privilégiant l’extérieur au détriment du personnel municipal. Nous avons été sans masque, sans protection, sans la possibilité de passer en télétravail » , relate une voix parmi les agents municipaux. Et la deuxième vague n’a rien arrangé à l’affaire : « Nous nous sommes demandés s’ils allaient changé les choses. Nous avons réclamé un bilan, avons fait remonter les difficultés vécues pendant le premier confinement. Après deux jours de débriefing avec le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), beaucoup de choses sont ressorties, en particulier un certain mal-être au travail ». Seulement, selon ces agents, « les conclusions ont été enterrées ».Il y avait les masques, « peu confortables » , pas distribués en assez grand nombre – « nous avons dû prendre les nôtres » -, il y avait l’absence de télétravail, « alors que Monsieur le maire n’y était de toute façon pas favorable » , il y avait le manque de moyens techniques comme la possibilité de « se connecter à distance » , il y avait la pose de plexiglas de sécurité pour les bureaux accueillant du public « uniquement » et pas pour l’ensemble des services, il y avait l’absence de « protocole sanitaire » qui fait que, par exemple, « les voitures de service ne sont pas nettoyées ni désinfectées » … « Nous étions, nous autres, parfois trois dans le même bureau, sans protection. Cinq bureaux ont été libérés pour nous permettre de nous dispatcher mais ils n’y a ni ordinateur ni connexion » , complète un agent. Des conditions qui ne permettraient pas, en outre, de procéder à des recrutements, « personne ne veut venir travailler chez nous » lance une salariée, « il n’y a aucun avantage à venir ici ». Lorsque le télétravail est finalement mis en place, « c’est une journée seulement, ce qui nous réclame d’anticiper, de se munir des dossiers que nous allons traiter, des clés USB dont nous aurions besoin car nous ne pouvons travailler à distance faute d’un réseau connecté ». Et s’il semble que certains s’en soient émus auprès de l’agence régionale de santé et de la médecine du travail, rien n’est redescendu à ce jour. 

« Cela manque de remarques concrètes », rétorque Luc Berthoud

Des remontées acides qui ont fait bondir le maire, Luc Berthoud : « Le télétravail s’applique dans deux cas : pour les gens ayant entre 1h30 et 1h45 de trajet en transports en commun et pour les salariés qui peuvent se le permettre. A La Motte, moins de cinquante agents peuvent y prétendre car vous imaginez bien que la police municipale, les agents des espaces verts, les bibliothécaires ne peuvent pas travailler à distance ». Côté moyens, faute d’un réseau suffisant et sécurisé, les services compilant des données sensibles (les ressources humaines, les agents affectés aux finances…) ne peuvent faire l’objet de travail à distance, « or nous dépendons de la direction des systèmes d’information mutualisés de Grand Chambéry (DSI), durement touchée par la Covid ». Il poursuit : « Nous avons investi des milliers d’euros pour renforcer le réseau, ce sera encore le cas ces deux prochaines années ». 

Luc Berthoud appelle aux propositions et aux améliorations.

Alors que certains employés regrettaient l’absence d’un protocole spécifique plus élaboré que celui « du gel et du lavage de mains », Luc Berthoud reconnaît s’être simplement servi « du protocole sanitaire national : nous avons donné à chacun une note rappelant les éléments qui le composent Dès le 30 octobre, nous avons rencontré chacun des services, nous avons réuni le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pour aboutir aux mesures suivantes : des hygiaphones ont été posés pour les postes en contact avec le public, nous avons mis du gel partout, effectué quatre distributions de masques, libéré des bureaux. Un agent d’entretien nettoie et désinfecte les locaux trois fois par jour. On peut toujours faire mieux. Lorsqu’on a demandé aux chefs de service de nous faire remonter les suggestions des salariés, hormis votre appel, rien ne nous a été confié. Finalement, cela manque de remarques concrètes ». Si le malaise semble palpable, le maire regrette que ces agents déçus « ne parlent que pour eux. Ils ne représentent pas les 300 agents de la ville et du CCAS » , insiste-il. Il est vrai que sur ce point, le maire partage l’opinion du représentant du personnel Jimmy Gallois (Force ouvrière) : « Il y en a qui parlent, d’autres qui ne préfèrent pas… Alors il nous faut faire de la médiation. Nous essayons de prendre tous les retours en compte, c’est un travail délicat ». Un peu comme être entre le marteau et l’enclume. Un fait n’a pas manqué de brouiller la ligne entre les agents et leur maire, la contamination de ce dernier par le coronavirus, « événement que j’ai rendu public, par souci de transparence. J’ai voulu limiter les contacts mais suis venu travailler à deux reprises, pour tenir le CHSCT et pour le 11 novembre. Durant deux jours, j’ai travaillé seul à l’étage sans contact avec qui que ce soit » , se justifie Luc Berthoud. « Le fait qu’il soit resté au travail » , rembobine Jimmy Gallois, « nous a posé problème, nous le lui avons fait remarquer ». Le personnel semble avoir été marqué par cet épisode : « Il a tenu une réunion du conseil municipal, la cérémonie du 11 novembre, une réunion du CHSCT, il y a eu de nombreuses contaminations dans les services et parmi les élus ». Selon eux, le maire aurait dû rester en retrait. « Je ne pense pas avoir été contaminant » , réagit le maire, « je portais en permanence un masque FFP2, j’ai renvoyé ma secrétaire chez elle, j’ai assuré mon travail durant 48 heures mais j’ai été dépisté tard, c’est vrai, après avoir entendu des gens se plaindre d’avoir perdu le goût et l’odorat. J’ai donc fait cette annonce en toute transparence, afin de prévenir, aussi ».

Les délégués du personnel évoquent un problème de management

S’il fallait résumer la pensée générale, « tout le monde se sent mal aimé, , il y a un mal-être et beaucoup d’incompréhension » , estime le délégué du personnel. Les agents évoquent même « une ambiance morose au travail ». « Pour moi » , reprend Jimmy Gallois, « mais ce n’est que mon avis, la véritable source de ce problème est le manque de communication : les uns se sentent mal aimés mais ne le disent pas, les autres ne communiquent pas assez sur ce qui est fait. C’est un problème de management, cela fait des années qu’il n’y a pas de discussions avec le personnel ». Finalement, « on ne sait pas avec exactitude où ça coince. Nous voulons une réunion Covid sur les protocoles, les moyens, la gestion des malades etc. Nous devons la faire ». Un exemple d’incompréhension lui revient alors à l’esprit : « La prime Covid à destination du personnel soignant n’était pas attribuée aux ASH (aide sociale à l’hébergement) travaillant en Ehpad. Le maire leur en a attribué une mais cette prime d’Etat n’est pas imposable, or, nos ASH ont appris que la leur n’était pas défiscalisée ». D’une démarche constructive naît un malaise alors que « rien n’imposait à la municipalité de voter cette prime ». Les représentants du personnel promettent désormais de rapprocher les deux parties de façon « constructive ». Luc Berthoud, lui, appelle les agents en souffrance à faire connaître leurs doléances et prône des échanges productifs : « Je suis dans le dialogue, on peut me joindre, me parler. L’esprit négatif pour être juste négatif, ça ne sert à rien. Nous avons géré les choses avec opiniâtreté*, il a fallu se battre, face à une succession d’obstacles. Ce qui est sûr », ironise-t-il, « nous n’avons pas fait pire que l’Etat. Qu’ils viennent proposer, discuter ! » 
* La cérémonie des vœux aux habitants et le spectacle de Noël ont d’ores et déjà été annulés.

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