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André Gimenez : « J’avais envisagé laisser ma place… »

Par Jérôme Bois • Publié le 19/01/21

Seul en scène pour représenter son groupe, défait aux dernières élections municipales, André Gimenez a mis un moment avant de digérer son faible score obtenu en mars dernier. Au point de songer à laisser sa place. Mais cet irréductible bosseur a trouvé, en Grand Lac, le lieu idoine pour tenter de faire valoir son expertise sur plusieurs dossiers d’envergure. Faute de l’avoir trouvé à Aix-les-Bains. Après 10 mois de silence, le moment était venu pour lui de rappeler de quel bois il était fait. 
Les plus assidus des séances du conseil municipal ont pu s’étonner de ne pas entendre les saillies verbales d’André Gimenez, au cours de ces derniers mois. Il faut dire qu’il s’était fait plutôt discret depuis mars dernier. Le 15 au soir, sa défaite était amère. « Ça reste une bonne petite gifle. Malgré toutes les bonnes choses qu’on a vécues durant cette campagne, on n’a pas réussi à faire mordre les Aixois à notre projet », nous confiait-il, ce soir-là. « J’ai fait une bonne campagne mais peut-être que les Aixois avaient besoin d’une étiquette, d’une case, quand je vois Dominique Fié soutenu par des appareils, ne pas avoir d’étiquette n’était peut-être pas le bon choix. J’observerai néanmoins ma ville avec attention ». La faible participation des électeurs au scrutin, la crise sanitaire et un score faiblard (10,89%, soit un siège au conseil) avaient sérieusement entaillé sa motivation. « J’avais une liste vraiment très belle, très engagée » , prête à bosser sur les sujets, dossier par dossier, « sans dogmatisme ». Et depuis ? Une intervention sur les subventions allouées à Musilac, le 29 juin, puis plus grand chose. 

« Les minorités ne sont jamais associées »

Pas besoin d’aller chercher bien loin les raisons de cette faible présence médiatique. « Je suis déçu parce que ce début de mandat me semble verrouillé, peut-être même plus qu’avant. On peut tout mettre sur le compte de la Covid mais le fonctionnement de ce conseil n’est plus participatif et mes propositions ont toutes été ignorées, jusqu’ici ». Que ce soit en commission ou en séance, « les minorités ne sont jamais associées, les délibérations nous parviennent déjà ficelées, nous n’avons rien à dire dessus » , un sentiment d’inutilité qui colle d’ordinaire à la peau de tous ceux qui œuvrent en silence dans des minorités de l’ombre. Son engagement s’était pourtant manifesté par des « motions » fortes : « J’avais proposé d’être adjoint aux sports, pour faire profiter la ville de mes réseaux, d’être un intermédiaire autour des cultes, pour tempérer les ardeurs concernant la construction de la mosquée… J’ai globalement fait beaucoup de propositions visant à participer davantage à l’exécutif par souci du travail en bonne intelligence ». Seulement, une majorité est rarement partageuse, celle de Renaud Beretti ne prête pas davantage. En tout cas, rien n’a altéré son positionnement critique à l’égard du système qui prive un élu d’opposition de toute forme de représentativité. « Ils m’ont traité avec mépris » , lâchait-t-il à l’endroit de la majorité, en novembre 2019, « quand j’ai demandé au conseil de l’essence pour ma voiture. Ils ont tiré sur moi alors que j’avais fait 120 réunions, j’étais même le numéro 1 en présentiel. Je n’ai pas été traité correctement. En conseil d’agglo, j’étais même le seul n’appartenant pas à la liste de Dominique Dord à y être ». 

Une attention accrue sur Grand Lac

Aujourd’hui ? Son discours n’a pas varié d’un iota. « Plutôt que venir le soir du conseil et dire devant tous que je ne suis pas d’accord avec telle ou telle délibération, je préfère le travail en amont. Or, il n’y pas de discussions avec la majorité. Il ne reste plus que le petit show devant la presse pour dire qu’on s’oppose à quelque chose, mais clairement, je ne veux plus de ce petit jeu-là ». André Gimenez a donc reporté son attention sur Grand Lac où ses prises de position trouvent un meilleur écho auprès « des collègues des communes alentour » , ceux qui « ne [me] rejettent pas ». Un changement de stratégie assez radical. « Toutes les compétences sont à Grand Lac et le travail d’ouverture d’esprit a payé, je me suis immiscé dans l’exécutif, comme au syndicat mixte des stations des Bauges » , où son positionnement, rétif à la neige de culture, peine toutefois à convaincre les 37 autres élus. « Je suis isolé pour dire qu’il ne faut pas se lancer à tout prix dans ces gros travaux ». Un projet à 3,9 millions d’euros, moindre toutefois que l’alimentation en eau potable des communes du piémont, ou le raccordement de la station d’Albens à Aix, voire l’agrandissement de celle du Bourget « pour repousser le moment où il faudra en reconstruire une nouvelle ». L’argent public doit être utilisé à bon escient, c’est son sacerdoce. Même si les perspectives démographiques sur les 15 prochaines années appelleront de gros investissements. Car il siège également à Métropole Savoie, instance en charge de préparer le territoire allant de Montmélian à Albens à un accroissement de population, « de 96 000 âmes » à l’horizon 2035. « Ça va nous prendre à la gorge, ça doit se préparer en amont ». André Gimenez se dit aussi attentif au Lyon – Turin qu’il a longtemps été « le seul à défendre, à Aix-les-Bains. Un tel projet engage notre avenir et voici qu’un jour, j’apprends que tout le monde y avait adhéré, sans même qu’on en ait parlé entre nous, sans savoir ce qui les a amenés à adopter cette attitude ». 

La crémaillère, il y croit encore

On sent autant de lassitude que de frustration, celle de ne pas être sollicité à sa juste valeur. « J’avais envisagé laisser ma place » , avoue-t-il, quelques mois après cette déception électorale. Ce qui l’a dissuadé ? Ses 1 100 électeurs, d’abord, et le risque de perdre son siège à l’agglomération. « Dommage de n’avoir eu qu’un seul élu, finalement » , soupire-t-il. Il s’accroche tant bien que mal à ses convictions, estime toujours avoir une expertise à livrer. N’est-ce pas à l’agglo que le sujet de la crémaillère a fait l’objet de plusieurs réunions ? « J’avais travaillé là-dessus depuis plusieurs mois, nous avions presque réussi à trouver l’intégralité des 100 millions d’euros nécessaires (en majorité provenant d’investisseurs privés). Je pense que 300 000 touristes par an peuvent largement remplacer 27 000 curistes et la ville a grand besoin d’un totem, objet touristique plus que de transport ». Car selon lui, le thermalisme, qui pèse le tiers du PIB de la ville, vivrait ses derniers feux à Aix. « Les thermes, je ne les sens pas. On fait cadeau, à Grand Lac, du financement de la ligne 3 à Valvital*, je me suis du reste suffisamment insurgé contre ce vote, car ce groupe investit massivement par ailleurs » , dont sur Grand Nancy thermal, un projet à 97 millions d’euros. « Un jour, Valvital va s’en aller » , prophétise-t-il. En attendant, il suit son idée fixe de réhabiliter le train à crémaillère, sur le parcours déjà existant, « la ligne historique existe, les financiers sont prêts à démarrer le chantier dès demain » , assure-t-il, « alors que je viens d’apprendre que certains élus ont relancé l’idée du transport par câble, pourtant moins fiable, 20% moins attractif, soumis aux vents et à l’arrêt la nuit » … Le voici donc une nouvelle fois gêné aux entournures par une politique « des alliances et des amis » , peu propice à son goût, à l’élaboration collective dans laquelle il prétend pouvoir donner sa pleine mesure. « La porte n’est pas fermée mais certains tirent en douce dans un autre sens ».Les champs de bataille s’additionnent, de la crémaillère aux anciens thermes, de l’eau potable au Lyon – Turin jusqu’à la piste cyclable de la plage, des thématiques aux vertueux contours, de nature à maintenir l’élu sous pression. Car il s’en est fallu de peu pour que cet Aixois pur jus ne s’en retourne à ses distractions. « J’espère toujours faire changer les choses et je sais quels sont les combats perdus d’avance. Je travaille pour la ville et ses habitants » , conclut-il. Autant alors prendre de front les batailles qui en valent encore la peine…
* 75% du coût de la ligne 3 conduisant aux thermes Chevalley sont d’ordinaire financés par Valvital. Grand Lac avait décidé, en décembre dernier, d’exonérer la société de cette dépense, qui s’élevait pour 2020 à 110 000 euros. En raison des difficultés rencontrées par le groupe du fait de la chute du thermalisme.

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