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Chambéry : Crous, université, associations et municipalité, tous unis autour des étudiants

Par Laura Campisano • Publié le 30/01/21

L’isolement qui frappe depuis près d’un an les étudiants fait davantage de bruit depuis la rentrée de septembre dernier. Leur réalité, à l’université Savoie-Mont-Blanc, l’une des meilleures au niveau national, et la deuxième pour la participation au programme Erasmus, est criante : si certains tiennent encore le coup, ont rejoint le domicile parental, nombreux sont ceux qui ont perdu leur job étudiant, manquent de ressources pour se nourrir et ressentent une solitude inédite. Pour les aider, une véritable chaîne humaine et logistique s’est mise en place et tentera de résister à un prochain reconfinement. 
Etudébrouille, la Fédération des étudiants de l’Université Savoie-Mont-Blanc (FEUS), la banque alimentaire, les femmes cheffes d’entreprise de Savoie, le Crous, l’USBM et la municipalité de Chambéry sont tous mobilisés, pour soutenir moralement et matériellement aux étudiants. Prêts d’ordinateurs et de clés 4G, colis-repas, ouvertures d’espaces municipaux pour accueillir les étudiants, afin qu’ils sortent de chez eux, distribution de kits d’hygiène et même mise en place d’une épicerie sociale et solidaire, les initiatives ne manquent pas. Face au spectre d’un troisième confinement*, elles devront se maintenir, pour « tenir bon » jusqu’à la fin de cette crise sans précédent, à tous niveaux.

Denrées alimentaires et soutien psychologique, même en cas de reconfinement 

C’est désormais trois soirs par semaine, les mardis, mercredis et jeudis soirs, que Nadia H’Maïdi et les bénévoles de l’association étudiante Etudébrouille, assurent des distributions de denrées alimentaires à 150 bénéficiaires sur le campus de Jacob-Bellecombette. Cela n’a pas toujours été le cas, puisqu’à la première distribution au début de l’année 2020, 35 étudiants étaient venus pousser la porte du local mis à disposition gracieusement par le Crous de Chambéry. « Ensuite, il y a eu l’arrivée du COVID et le premier confinement et il a fallu tout arrêter », commente Nadia étudiante en 3e année de psychologie et présidente de l’association depuis la rentrée 2020. « Les nouvelles distributions n’ont repris que le 10 novembre, et là ce sont 150 personnes qui se sont inscrites. Nous leur distribuons des denrées, des vêtements, des articles de literie, des produits d’hygiène, des chaussures, de la vaisselle mais aussi des fournitures scolaires, qui étaient notre priorité, ainsi que des masques et du gel hydroalcoolique, quand on en a. » De bénévoles, certains sont même devenus bénéficiaires, tant la situation de crise, n’a cessé de creuser un fossé déjà ressenti dès le début de l’épidémie. Pas question donc, pour Etudébrouille, de ne pas continuer, même si un nouveau confinement devait être décrété. « Parmi nos bénéficiaires, 80% sont des étudiants étrangers », reprend la jeune femme, qui a repris le flambeau de cette association, lancée au cours de l’année 2019 par deux assistantes sociales du Crous, « pour la plupart, nous sommes en résidence universitaire, on ne bouge pas trop. Donc comme on ne peut pas travailler, à cause de la crise, on a décrété qu’on poursuivrait nos distributions, et ce jusqu’à la fin de l’année universitaire, le 30 juin prochain. » Pour que les distributions puissent continuer, Etudébrouille peut compter sur la banque alimentaire, le Crous mais aussi sur la délégation Savoyarde des femmes cheffes d’entreprise, qui se sont associées à cet élan d’entraide, activant le réseau et collectant toutes sortes de denrées pour venir en aide aux étudiants, mais pas uniquement. « Nous avons fait des appels aux dons sur les réseaux sociaux », explique Annie Viand, présidente de FCE73, « nous les aidons pour leurs besoins prioritaires, et aussi en recherchant des CDD. Les étudiants manquent de tout, couvertures, couettes, ils n’ont pas beaucoup de moyens pour se chauffer non plus**. Grâce au réseau, nous avons pu faire une razzia de matériel dans les locaux de la Banque de France, et embaucher un étudiant en interne, à la FCE73, parce que nous voulions aussi du travail pour eux. Il ne faut pas oublier qu’il y a également une réelle détresse psychologique chez ces jeunes, et c’est pourquoi nous avons mis en place un soutien psychologique dont ils peuvent bénéficier individuellement, au cabinet de l’une de nos adhérentes. » Avec la coordinatrice fraîchement nommée de la FCE73, Mireille Paget Chivilo, qui fait le lien entre les donateurs et l’association étudiante, Annie Viand et ses collègues cheffes d’entreprise espère pouvoir mettre en place des cours de yoga dans un local qui pourrait prendre la forme d’une cellule bien-être et être mise en place par Zoom, en cas de reconfinement, tout comme les consultations de soutien psychologique, par ailleurs. « Nous poursuivrons bien sûr ce type de soutien-là », reprend Annie, « car c’est aussi important de s’occuper de leur mal-être. Nous souhaitons apporter des petits plus, mettre en place de la confiance en l’autre, un lien. » 

Ouverture des médiathèques de la ville, épicerie sociale et solidaire et prêts d’ordinateur par l’Université de Savoie 

Devant cette situation, la ville de Chambéry a souhaité créer une coordination entre les différents acteurs concernés, quand bien même la municipalité ne soit pas administrativement responsable des étudiants. « La ville a voulu faire sa part », précise Aurélie Le Meur, 1ère adjointe déléguée à la jeunesse, « pour cela nous avons mis en place une cellule solidaire, tous les mardis, ainsi que des salles à disposition pour les étudiants, afin qu’ils puissent travailler dans d’autres conditions, telles que les médiathèques de la ville, la Dynamo, le O79, et les structures jeunesse. » Sur les 13 000 étudiants présents à Chambéry, 1 500 sont des étudiants étrangers et c’est pourquoi la ville a souhaité maintenir le Noël partagé pour l’édition 2020. « Il y a plusieurs problématiques », détaille l’élue, « financière d’abord, puisque peu de jobs étudiants peuvent se poursuivre et que cela fait baisser les ressources, l’isolement, qui rend difficile le suivi des cours, car les étudiants n’ont pas eu le temps depuis la rentrée de faire des rencontres, de créer des liens, alors qu’ils sont pour la plupart loin de leur famille. » Aussi, Chambéry a-t-elle souhaité en lien avec l’USMB, renforcer ses liens et partenariats avec le Crous. Mais au-delà de cela, un focus spécifique pour les étudiants sera mis en place très prochainement pour « faciliter l’accès à l’information, listant toutes les propositions faites par l’USMB, le Crous, la ville » sur la plateforme des solidarités du CCAS de Chambéry. Parmi les initiatives mises en place par les étudiants relais de l’Université Savoie Mont-Blanc, des prêts de matériels (ordinateur et/ou clé 4G) sont possibles sur dossier, assistés par les étudiants relais-numérique. Ainsi, « au mois de novembre 2020, ce sont plus de 200 clés 4G et plus de 100 ordinateurs portables qui ont été mis à disposition des étudiants en difficulté. » nous précise-t-on à l’Université, « Depuis la rentrée, le service vie étudiante et de campus (SVEC) de l’université organise également des actions de soutien auprès des étudiants, notamment financées par la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC). A titre d’illustration, des ateliers BOOST ont permis à près de 180 étudiants de bénéficier gratuitement de conseils et d’outils pour étudier efficacement tout en étant confinés. Au travers de méthodes pour s’organiser dans son travail et prendre des notes durant un cours à distance, par des astuces ou des échanges entre pairs, les ateliers BOOST ont pu apporter un soutien aux étudiants dans leurs études. Forts de leurs succès, ils seront également proposés au cours du second semestre. » De nombreuses initiatives internes au campus sont également mises en place, relayées dans une newsletter envoyée aux étudiants. 
Parmi celles-ci, la Fédération des étudiants de l’Université Savoie-Mont-Blanc (FEUS) est actuellement en discussion avec la ville de Chambéry, dans le but d’obtenir un local pour mettre en place une épicerie sociale et solidaire à destination des étudiants. Le projet, lancé par la Fédération des associations générales étudiantes, a pour but de proposer des denrées entre 10% et 20% moins chères, constituées de produits locaux et frais, mais aussi un espace bien-être ainsi que des ateliers-débats. Encore en cours de finalisation, le projet a déjà recueilli 170 réponses d’étudiants intéressés. « Les demandes de subventions et de partenariats privés sont en cours, on croise les doigts pour avoir une salle rapidement, afin de mettre les choses en route concrètement » précise Camille Oliviera-Dufour, 21 ans et étudiante en double licence, en 3e année. Elle-même concernée par la fin des jobs étudiants, elle souligne les efforts faits par les professeurs, dans une période où conserver les liens sociaux est complexe. Ce projet, initié il y a 5 ans, puis stoppé, devrait prochainement revoir le jour, car c’est « le moment de le mettre en place, quand on voit la détresse psychologique » unanimement soulignée par les acteurs locaux, et nationaux.Pour Aurélie Le Meur, « c’est dans l’ADN de la ville de Chambéry, classée 2e dans la qualité de l’accueil des étudiants, de tout mettre en œuvre pour accompagner les étudiants, dans leurs besoins, répondre à leurs attentes. Nous demanderons des dérogations au Préfet, pour maintenir les services et les lieux accessibles, dans le respect des règles, mais en se donnant les moyens pour sortir de l’isolement et reprendre un peu d’espoir. »  La mobilisation est en tous cas visible, gageons qu’elle soulage au mieux des étudiants davantage en détresse que leurs aînés. 
* Depuis le 29 janvier au soir, le couvre-feu a été renforcé mais le reconfinement n’a pas été acté.
** L’émission radiophonique de France Culture « les pieds sur Terre » a dédié un reportage aux étudiants du campus de Jacob Bellecombette le 19 janvier dernier, lesquels revenaient sur leurs difficultés à se chauffer depuis le début de l’année universitaire. 

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1 commentaire

Unknown

31/01/2021 à 09:48

Tout cela est bien triste...Ayant été moi-même étudiante à l'étranger, je mesure le problème... Une petite remarque cependant: en décembre, j'ai laissé mes coordonnées à la mairie au service concerné par le Noël partagé pour proposer mon aide et je n'ai jamais été rappelée. Dommage...

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