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Drumettaz-Clarafond : Maude Dumas, grâce universelle

Par Laura Campisano • Publié le 08/01/21

Ouverte dans la plus grande discrétion en septembre 2020, l’école de danse de Maude Dumas accueille actuellement, crise sanitaire oblige, uniquement les petits danseurs en herbe. Ouverte à tous ceux et celles qui souhaitent danser, du classique au contemporain, s’épanouir dans cet art et prendre du plaisir à s’y adonner, l’école 6th Art est à l’image de sa créatrice : généreuse, gracieuse et harmonieuse, loin des diktats et des codes que la danse impose, parfois même malgré elle. 
« Mon école est petite, comme moi, elle me plaît. Ce n’est pas parfait mais les élèves sont cocoonées. » Du haut de son mètre 58, Maude Dumas a créé son petit royaume : un lieu ouvert sur le monde, où les valeurs de la danse côtoient les valeurs humaines qui manquent parfois au monde feutré de la danse. Ici, personne n’est jugé, tout le monde peut vivre sa passion comme il l’entend, et le port du sourire est recommandé. Une petite révolution dans le bassin aixois, puisque le bouche-à-oreille a si bien fonctionné que le studio s’est rapidement rempli. 

Le 6th Art, lieu de connexion et d’ouverture avec tous les milieux artistiques 

L’année 2020 a été plus que surprenante pour chacun, mais pour qui lance un projet qui lui tient à cœur, c’est un grand chamboulement, en même temps qu’un grand bonheur. « Je suis contente de cette année », reconnaît cette professeure de danse diplômée, « depuis que nous avons trouvé le local, qui était en liquidation judiciaire, avec l’aide de mes parents et de mon mari, nous avons dû mettre les bouchées doubles pour que ce soit prêt pour la rentrée de septembre. En janvier 2020, il a fallu vider les lieux, tout était à faire. Puis, dès le mois de mars nous étions en confinement, et cela a généré une grosse période de doute… A compter du 11 mai et du déconfinement, il a fallu bosser jusque fin août, à la veille de l’ouverture. Cela s’est donc fait de manière un peu précipitée, je n’ai pas pu le savourer comme je le souhaitais », conclut la jeune femme. Une pression certaine qu’ont connu tous les porteurs de projet, sans doute, ajoutée à celle de ne décevoir ni ses rêves, ni ses parents, qui lui avaient apporté son aide. « Il fallait assurer », se souvient-elle, « j’ai mis une annonce sur le groupe » Aix’prim toi « sur les réseaux sociaux, et le bouche à oreille a fait le reste. » Une belle récompense pour Maude qui a connu un parcours jonché de péripéties avant d’en arriver au seuil de son studio de danse. Studio vidé au second confinement, avec une reprise progressive des mineurs dans un premier temps, poursuivant ses cours sur zoom pour les adultes en attendant, avec espoir, la réouverture prochaine à tous les élèves, de tout âge et de toute spécialité. Le 6th Art, nom qu’elle a souhaité donner à son école, symbolise le lien entre tous les milieux artistiques « dans une école, on mêle tous les arts », précise-t-elle, « on est à la fois maman, musicienne, couturière, informaticienne. On fait de tout et c’est très important. L’art, ce n’est pas fermé, c’est ouvert à tout, c’est un melting-pot »,  s’enthousiasme-t-elle. 
Plus tard, quand enfin, cela sera possible, le temps viendra d’inaugurer ce lieu artistique et de laisser exprimer une joie longtemps contenue. D’ici là, « j’arrive à payer les factures », sourit Maude, « mais les élèves me manquent, j’ai besoin de ce contact humain. Les élèves et les parents ont les mêmes valeurs que moi, ils sont sympas et me tirent vers le haut. Je sens de nouveau, même si c’est encore timide, l’harmonie que j’ai pu connaître précédemment », explique-t-elle, se remémorant les 10 ans de bonheur passés avec ses élèves de la MJC de Créteil, avant de venir s’installer dans la campagne aixoise.

Une seule passion depuis l’enfance : la danse 

Originaire de Roanne, dans la Loire, la petite fille qu’était Maude a rapidement compris que la danse allait devenir une passion dont elle ferait son métier. Ne nous méprenons pas, Maude ne voulait pas devenir danseuse, intégrer les ballets prestigieux et faire le tour du monde des parquets rutilants. « J’ai voulu être professeur de danse dès l’âge de 3 ans. Au début, mes parents ont pensé que j’avais encore le temps de changer d’avis, mais j’ai persisté », se souvient-elle, « vers 7-8 ans, ma prof de danse a prévenu mes parents, leur expliquant que j’étais mordue de danse, et qu’il allait falloir mettre des sous de côté. » « Pas de boums avec les copines, de goûters d’anniversaire les samedis après-midis : Maude s’adonnait à la danse, dès que possible, ses moindres moments de libre y étaient consacrés.  » Mes parents ne me forçaient pas, au contraire, c’est moi qui les saoulais dès petite ! « s’amuse-t-elle. A partir de la 6e, alors qu’elle découvre les joies de la danse jazz, Maude passe du temps en stage, les vacances scolaires, les vacances d’été, tandis que sa famille se détend au camping.  » Mes parents ne pouvaient pas m’accompagner à chacun de mes stages, cela coûtait vraiment très cher, alors ils organisaient tout : le voyage en TGV, le taxi qui m’attendait à l’arrivée «, se souvient-elle, » il n’y avait pas de vacances d’été, je ne faisais que danser, mais je n’étais pas malheureuse. « Issue d’une famille modeste, alors que ses camarades de pointes étaient elles, d’un sérail plus aisé, il a fallu la jeune Maude accepter de partir de l’école de danse où elle s’entraînait en 3e près de chez elle, suite à la dépression de son professeur de l’époque, qui avait tout donné à son art et n’avait pas réussi à s’en relever. Nouvelle école, gros bouleversement, d’autant qu’elle le confesse, Maude n’a pas le physique d’une danseuse classique,  » je suis petite, je n’ai pas de coup de pied, j’ai un corps atypique pour la danse classique «, détaille-t-elle, » c’est dans cette école que j’ai découvert le contemporain. Là j’ai compris que c’était mon truc, ce fut une illumination : liberté du corps, de la gestuelle. C’est ainsi que j’ai remporté des concours et des prix. J’avais des profs dans le milieu de la danse dans lesquels je me retrouvais. «Bac en poche, direction Paris, avec celui qui deviendra son mari. Objectif, celui fixé à 3 ans : devenir professeur de danse. Alors se prépare l’examen, qui ne se présente qu’une fois par an, en avril de chaque année, attrapé au vol avant d’enchaîner avec la deuxième année pour obtenir le diplôme d’Etat, qui depuis 1989, prévoit l’apprentissage de l’anatomie, afin que les professeurs de danse  » prennent en compte le corps des danseuses, explique Maude, cela nous permet de prendre conscience des symptômes, d’éviter, comme nos aînées, les scolioses ou les hanches en plastique auxquelles certaines sont contraintes. Il y a encore des progrès à faire de ce côté-là, mais les choses ont déjà avancé sur ce point. «  Pratique de la danse, histoire de la danse bien sûr, connaissance de la musique pour comprendre comment se compose et se décompose un ballet.  » Le monde de la danse est très fermé, pour être professeur de danse il ne faut pas nécessairement être une très bonne danseuse étoile «, précise encore Maude, » on peut être une excellente danseuse et avoir zéro pédagogie. « Faiblesse de la formation, la pédagogie s’apprend surtout sur le tas, en présence des élèves pendant les cours. Pour parfaire cette technique d’enseignement si chère à Maude, elle a dû multiplier les stages et continuer à se former, une fois son diplôme obtenu. Inépuisable, la jeune femme cumulait plusieurs emplois pour tenir et estime que son milieu modeste lui a permis de toujours garder la valeur des choses à l’esprit. S’ensuit une candidature spontanée à la MJC de Créteil qui va changer plus d’une vie. La sienne d’abord parce qu’elle va y couler des jours heureux, alors qu’à ses 21 ans ; fraîchement diplômée et débutant avec deux heures de cours par semaine, jusqu’à 17 heures, ce poste lui permettra d’apporter ce qui l’anime depuis toujours.  » J’ai apporté ce que je voulais «, se souvient-elle avec émotion, » nous avons fait de la danse, pas rigide comme dans les écoles classiques. Nous avions des points communs avec ces jeunes filles, moi c’était mon corps qui n’allait pas avec les standards, elles, c’était leur couleur de peau. Mais j’y suis arrivée, elles ont une bonne mentalité, ne sont ni hautaines ni aigries. C’est ce que je montre à mes petites élèves, j’aurais pu sombrer, mais même s’ils ont fait des progrès ils regardent cela au casting, le corps, le coup de pied, le port de tête, la taille, les jambes… Moi je leur dis quand vous voulez faire de la danse, gardez votre personnalité, votre identité ! Je veux communiquer aux filles que l’on peut y arriver ! « Après dix ans, une » deuxième famille « créée avec les danseurs et leurs parents, qu’elle a quittés avec déchirement – certains élèves de Maude ont d’ailleurs fait une apparition remarquée à l’émission » la France a un incroyable talent «- la trentaine a pointé la nécessité de se rapprocher des parents et beaux-parents, et c’est ainsi que Maude et son mari sont revenus en Auvergne Rhône-Alpes en 2018. 

Un retour aux sources pour concrétiser son rêve, ouvrir son école de danse

Il y a eu d’autres déclics pour décider le couple à quitter la région parisienne. Son mari travaillant dans l’audiovisuel et Maude motivée à poursuivre son rêve, tous deux acceptent de venir en Savoie, pour une opportunité professionnelle qui n’a pas convaincu la jeune femme. Pire, sa petite flamme a parfois risqué de vaciller, face à certaines déconvenues. Retour à la case départ en 2019, et à huit heures de cours au conservatoire d’Annecy en classique cette fois. Puis, comme on le dit souvent, une porte qui se ferme, c’est un portail qui s’ouvre : une association de Brison St Innocent lui propose quelques heures de cours. Puis, c’est dans un local de danse country où elle propose quelques heures de cours à des adultes, que la magie opère : la porte du local d’à côté deviendra celle de son studio. 
Les étoiles dans les yeux, Maude les a surtout en voyant ses élèves, petites, ado ou adultes, oser enfiler des tutus pour s’éclater dans les cours, alors que certaines n’osaient même pas s’autoriser à danser. « Mon bonheur, c’est de voir briller mes élèves, pas moi, je suis en coulisses et ça me va très bien », souffle-t-elle, avec une pointe de timidité. Elle qui a vécu des moments hors du temps, dans les coulisses de l’Opéra Garnier, elle qui a découvert, appris, dévoré la culture et le savoir à Paris, a ensuite dû apprendre à concilier sa passion, et l’entrepreneuriat, ce qui n’est pas toujours aisé. Férue de communication, elle incite ses élèves à regarder des spectacles, des reportages, à découvrir, dans le prolongement de ses cours. « Je faisais cela avec mes élèves à Créteil, ce sont des enfants équilibrés dans leur tête, qui ont appris beaucoup, qui savent aujourd’hui plein de choses », expose-t-elle, admirative et fière du travail de ses protégées. Surtout, Maude insiste sur l’indispensable savoir-être de ses élèves : ne pas se comparer, ne pas juger les autres et encore moins s’en moquer. Par respect des aînés, l’enseignante n’a jamais levé la voix et a accepté la critique sans broncher, des années durant, dans une discipline presque martiale. Toutefois, dans son école, il n’est pas question pour la jeune femme de voir quiconque rabaisser un autre élève, comme elle a pu le voir, l’entendre et parfois, le subir. « Si j’entends un jugement déplacé par rapport aux petites, c’est simple, c’est dehors », assène-t-elle, « je ne veux pas de ça dans mon école, on se dit bonjour, on se répond, on ne se moque jamais. Il n’y a pas de compétition entre parents, ni entre élèves, et les adultes arrivent maintenant à se moquer de leurs propres défauts, dans les cours. Je leur rappelle qu’elles ne sont pas sur le point d’intégrer un corps de ballet, qu’elles peuvent prendre du plaisir pendant 1h30. Tout ce que l’on se dit doit être bienveillant, sinon, on oublie ça. Je suis comme je suis, mais je suis droite dans mes bottes », conclut Maude. Bienveillance, pédagogie, ouverture, patience et surtout, passion pour ce qui la porte depuis 1989, nul doute qu’avec de telles valeurs, l’école de Maude Dumas ne désemplisse pas de sitôt. 

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