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Savoie / Haute-Savoie : être « jeune élu », ça ne s’improvise pas

Par Jérôme Bois • Publié le 06/01/21

Sollicités pour leur fougue, leur dynamisme, leurs idées nouvelles, pour un renouvellement des cadres ou pour faire le nombre et atteindre un quota de jeunisme, les jeunes futurs élus sont des spécimens recherchés à défaut d’être toujours considérés. Trois élus, jeunes, savoyards, se sont servis de leur expérience pour créer la fédération des jeunes élus de Savoie Mont-Blanc, une initiative née à Aix-les-Bains qui vise à rassembler ces novices, à décrypter leurs problématiques, à leur faire bénéficier d’un réseau de contacts et de connaissances sur les sujets majeurs des deux Savoie. Cette fédération, si récente soit-elle, a déjà attiré de nombreux curieux, désireux de faire connaître leur témoignage et de s’impliquer dans l’aide apportée à ces élus lancés dans le grand bain.

Pierre-Louis Balthazard et Nicolas Poilleux, deux des créateurs de cette fédération des jeunes élus.
Trois élus, Nicolas Poilleux et Pierre-Louis Balthazard, d’Aix, et Florent Benoît, maire de Vulbens, dans le Genevois, ont imaginé une association pour rassembler les jeunes élus, de 18 à 40 ans, pour qui l’entrée en fonction est souvent plus délicate qu’il n’y paraît. Tout est parti de l’esprit du premier nommé, en 2014 : « J’entrais au conseil municipal, il s’agissait de mon premier mandat, il m’était, à l’époque, difficile de me positionner, je n’avais pas de visibilité, il était difficile d’exister ». Lancé dans le grand bain par Dominique Dord, Nicolas Poilleux faisait partie des petits nouveaux avec les Lorène Modica, Lucie Dal Palu et Soukaïna Bouhnik, notamment. Hormis la deuxième nommée, les autres n’ont pas poursuivi l’aventure au-delà de ces six années preque dans l’ombre. « J’avais eu alors l’idée de cette fédération » , poursuit Nicolas Poilleux, « je ne l’ai pas fait » , ce ne sera que partie remise, le temps d’en affiner les objectifs. 

« Les jeunes démocratisent la politique »

Six ans plus tard, accompagné de Pierre-Louis Balthazard, tout frais conseiller municipal, ancien président des Amis du jardin vagabond, il matérialise ce vieux souhait, impliquant Florent Benoît, maire de Vulbens, dans la partie. « Nous nous adressons à ceux qui n’ont pas de réseaux, qui ont eu du mal à entrer dans leurs fonctions, surtout en 2020 avec la crise sanitaire, qui se posent des questions sur leurs interlocuteurs, sur les codes à connaître » , avancent-ils en préambule. « Ils ne savent pas forcément comment fonctionne la vie publique ». « Nous sommes partis d’une problématique, chaque élu doit bénéficier d’un réseau personnel et politique et souvent, dans les petites communes, ces jeunes élus sont les parents pauvres, moins informés, moins au fait des usages. L’idée est de permettre à chacun de faire remonter ses problématiques et d’avoir une tribune pour le faire » , précise Nicolas Poilleux, « car les jeunes démocratisent la politique ». La plateforme sera donc savoyarde et exclusivement. « Les jeunes ont besoin d’être fédérés, notamment autour de problématiques locales et nous, nous avons besoin de pouvoir repérer les talents ». Rien de comparable n’existait alors, sinon en Normandie, où a été créée l’association des jeunes élus de France, qui a rapidement pris contact avec nos Savoyards, l’été dernier. « Nous voulons rester Savoie Mont-Blanc » , tranche le jeune Aixois, « sans étiquette politique ». 

« J’ai été choisi pour ma capacité de travail »

Organisée autour de deux présidents, Pierre-Louis Balthazard et Florent Benoît, la fédération, si elle n’a pas été officiellement lancée, s’est déjà faite connaître puisque de nombreux élus ont pris attache : « Les jeunes n’ont pas vocation à être des potiches » , souligne le jeune maire (30 ans) de Vulbens, après un mandat de conseiller municipal, « ni pour entrer dans des cases. Nous avons des idées ». Parfois attirés par la lumière des projecteurs, plus par ego que par conviction (parfois, donc), ces jeunes peuvent rapidement se brûler les ailes, rattrapés à un échelon où la faute et la méconnaissance des sujets ne sont pas tolérées, mais Florent Benoît refuse d’en faire une généralité : « Le bling-bling, ça dure deux minutes, il faut travailler, avec les autres, avec les services et dans mon cas, savoir animer une équipe ». 

Emilie Acquistapace, première adjointe au Bourget-du-Lac.
Lorsqu’il sera amené à couper le ruban de la future maison de santé de Valleiry-Vulbens (vraisemblablement au printemps 2021), les flashes crépiteront, l’écharpe tricolore brillera de mille feux « mais là, on ne pensera alors pas au travail des élus et des techniciens, en amont, pour en arriver là ». Sébastien Jacob n’a pas eu trop de problèmes à entrer dans ses nouvelles fonctions d’élu à Saint-Alban-Leysse, tout a été fait pour le mettre en confiance. « Deux tiers des élus étaient déjà là lors du ou des mandats précédents, il y avait une forme de continuité dans l’équipe ». Infirmier de profession, âgé de 32 ans, il a tout de suite trouvé sa place au pôle santé en plus d’avoir été plongé dans le grand bain par la crise sanitaire, qui a expressément réclamé ses aptitudes. « En tant que benjamin du conseil, j’ai été bien accueilli et intégré, je suis rattaché à une adjointe qui me guide, je ne me suis pas senti perdu ». Ce chaperonnage est souvent la clé pour bien se fondre dans un milieu aussi complexe, Nicolas Poilleux peut en témoigner, aiguillé qu’il a été par Renaud Beretti durant ce premier mandat et aujourd’hui devenu adjoint au maire : « Il voulait des compétences à tous les postes » , soutient-il, sans distinction d’âge ou d’expérience. Pas étonnant que Pierre-Louis Balthazard se soit retrouvé affecté, à Aix, aux parcs et jardins. La transmission peut se faire en douceur à condition que le maire en soit le premier promoteur. « J’ai dû faire mes preuves » confesse Sébastien Jacob, « mais je n’ai pas eu de difficultés à me faire ma place ; être élu n’est pas juste un titre, c’est du travail. Cette dynamique est surtout impulsée par le maire ». « J’ai été choisi pour ma capacité de travail » , embraie Florent Benoît, « j’étais président d’associations, je connaissais le tissu de ma commune ». Lorsque la scission est arrivée au sein de l’équipe majoritaire de Frédéric Budan, le premier adjoint est parti de son côté, Florent Benoît, qui était alors simple conseiller municipal, du sien, accompagné de cinq élus. « Il n’y avait pas d’élus dans ma famille, j’ai dû me créer mon propre tissu et m’informer sur les bonnes pratiques. Mon maire avait alors vingt années de service en tant qu’élu, le tuilage s’est fait naturellement ». Et le voici maire. 

Former les élus, une première étape essentielle

De son côté, au Bourget-du-Lac, Emilie Acquistapace, 32 ans, a également rapidement trouvé ses marques. « Nicolas Mercat a été désigné tête d’une liste composée aussi d’élus expérimentés, comme Edouard Simonian et Roland Meunier. Nous avons mis en place un système de binômes pour accompagner les élus dans leurs fonctions » , une situation qui a facilité la tâche de celle qui est devenue première adjointe. Les bonnes pratiques parlons-en : « C’est l’un des objectifs de la fédération » , suggère Emilie Acquistapace, « partager ce que sont les bonnes pratiques pour aller au-delà de ce qu’offrent les seules équipes de campagne ». En somme, pouvoir sortir de la zone de confort offerte par le cocon municipal. Le code général des collectivités territoriales (CGCT) indique dans son article L-2123-12 que « les membres d’un conseil municipal ont droit à une formation adaptée à leurs fonctions » , dont les frais sont à la charge de la commune. Elles sont nombreuses, tournent autour des problématiques rencontrées par tout élu sur sa commune, telles que les fondamentaux à l’urbanisme, les relations entre les élus et l’administration, la communication dans les petites communes, les responsabilités des élus locaux… Encore faut-il le savoir et c’est pourquoi la fédération se propose de faire le lien avec les associations des maires, la fédération des élus de Savoie et même avec les entreprises jusqu’à devenir centre de formation. Une plateforme internet devrait rapidement voir le jour afin de recenser les principales ressources à destination de ces élus et de proposer des ateliers thématiques sur le Lyon-Turin ou la digitalisation des territoires, notamment, des sujets en lien avec la diversité sociologique des deux Savoie. d’où la volonté assumée de « rester Savoie Mont-Blanc ». « Il y a tellement de choses importantes, qu’il ne faut surtout pas que l’âge justifie qu’on les prenne à la légère. L’association doit servir à former sur ces sujets » , poursuit l’élue bourgetaine.

Chercher du sens

Florent Benoît, co-président de l’association
Sera-ce, pour ces jeunes élus, l’occasion de changer en profondeur la façon de faire de la politique ? « Il faut qu’ils en aient envie » , souffle Sébastien Jacob. Pour cela, il convient de connaître les motivations qui poussent un jeune à embrasser une carrière politique. « Les jeunes ont besoin de donner du sens à un engagement, le renouvellement générationnel a débuté il y a six ans, il s’est accéléré depuis » , relance Florent Benoît. L’effet Macron. « Il a en effet été l’un des éléments déclencheurs ». « Je ne suis pas inquiet » , reprend l’élu de Saint-Alban, « beaucoup de retraités occupent des places en politique mais le renouvellement s’opère, les jeunes ont des idées ». Le conflit de génération existe, ceux qui en sont victimes pourront venir en discuter et se saisir de l’expérience de leurs pairs. Emilie Acquistapace avait saisi, lorsqu’elle s’est lancée, qu’aujourd’hui, « la politique n’est plus en adéquation avec les attentes des gens, il faut que les jeunes élus se retroussent les manches, je crois aux valeurs de l’engagement ; il ne faut ni bloquer les ambitions ni les personnes » , une ambition qui doit, pour Nicolas Poilleux, rester mesurée : « La politique n’est pas une fin en soi, nous voulons aussi expliquer cela ». Vouloir faire une carrière pleine et entière en politique est à double tranchant, « souvent, ils ne savent pas qu’il n’y a pas de chômage derrière » , que tout peut s’effondrer sur la foi d’une élection ou d’une erreur. « Nous voulons leur donner les clés pour comprendre et maîtriser la fonction et les sujets, il fallait lancer une initiative collective » , conclut la première adjointe du Bourget.Décidément, être jeune n’a rien d’une sympathique sinécure… Cet outil peut donc être salutaire.
Fédération des jeunes élus Savoie Mont-Blanc, 18 – 40 ans : adhésion 15 euros. 80 avenue du Petit-Port, Aix-les-Bains.

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