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Centre social des Combes : La politique s’en(m)êle

Par Jérôme Bois • Publié le 06/02/21

Il est dit que l’affaire qui agite le petit monde chambérien depuis quelques jours ne se satisfera pas du départ du controversé directeur du centre social des Combes, aujourd’hui parti d’un commun accord avec le conseil d’administration, après la révélation des turpitudes entourant ce pilier de la vie sociale des Hauts de Chambéry. Il était dit que l’opposition ne pouvait que s’emparer de ce dossier avec le désir de lumière, certes, et aussi sans doute de voir des têtes tomber après avoir rendu des comptes. 
Inlassablement, les murs du centre social des Combes (CSC) n’en finissent plus de se fissurer. Chaque fêlure est une faille dans laquelle tente de s’engouffrer – non sans gourmandise – l’opposition, dont la saillie était attendue. Elle nous est parvenue le 5 février, au matin. Sous les traits d’un communiqué fort en gueule, dans lequel le nom de Michel Dantin apparut. L’ancien mandat face au nouveau, comme si la campagne ne voulait pas se clore sur une victoire des gauches. L’affrontement s’éternise et cette affaire est une aubaine pour les défaits de juin 2020. 

« Dépanniers » dans le viseur

Après que le nom de Guillaume Hoslteyn a été jeté en pâture à toutes les sauces, il n’aura fallu que 48 heures pour que l’affaire du CSC ne prenne une tonalité plus politique, échanges d’amabilités en sus. Les allusions allaient bon train (lire notre article du 3 février), elles ont pris corps. Le communiqué du 5 février était sans appel : « Suite aux révélations dans la presse quant aux agissements du directeur du centre social des Combes, nous demandons la plus grande transparence de la part de la mairie, ainsi que la copie de l’audit financier demandé par la ville de Chambéry. Actions lancées sans financement, absence de procédure, achats de véhicules sans assurances, recrutements nombreux et non financés, absence de transparence vis-à-vis du conseil d’administration, non règlement de prestataires, harcèlement : les fautes et manquements annoncés sont graves et importants. Nous demandons des sanctions exemplaires. Un centre social est un acteur majeur de la vie d’un quartier. Nous appelons à la mise en place rapide d’une solution transitoire avant la refonte de cet outil de lien social pour les habitants. Les fautes de gestion – si elles s’avèrent réelles – d’un directeur ne doivent pas être supportées par les Chambériens ». 

« Dépanniers », une initiative née en mai 2020.
La suite allait plus loin laissant plusieurs noms apparaître personnalités concernées par l’initiative « Dépanniers », élément que nous évoquions dans notre article du 7 mai. « S’il s’agissait d’une action louable » , reconnaissait Aloïs Chassot, le 3 février, « il ne fait aucun doute que cette association avait des visées politiques, pendant la campagne, nous avions eu ce genres d’échos ». Car au-delà du centre social, feue l’association « Dépanniers » a jailli du chapeau, avec dans sa musette les noms de deux élus de la majorité de Thierry Repentin, Christelle Favetta-Sieyès et Jimmy Bâabâa, présents dès l’origine de cette action à but solidaire, à un moment où ils n’étaient pas encore élus municipaux. But de la manœuvre, selon les contestataires, mettre en valeur l’ambition « électoraliste » de « Dépanniers », ce que déplorent vivement les intéressés, nous le verrons : « Michel Dantin et les colistiers », poursuit le communiqué, « demandent à ce que soit faite toute la lumière sur les agissements du directeur et du centre social dans le cadre de la campagne électorale et notamment la participation et les liens de l’association » Dépanniers », dont plusieurs élus sont co-fondateurs en particulier Madame Favetta-Sieyès (co-présidente) et Monsieur Bâabâa (vice-président). L’association n’aurait jamais été créée en Préfecture, les personnes livrées sans leur consentement, les fournisseurs non réglés et du matériel aurait été utilisé au profit d’une campagne électorale. En effet, ces graves collusions ont été constatées pendant la campagne. Les agissements, s’ils sont avérés, sont proprement inacceptables et incompatibles avec la fonction d’élu. Ces faits méritent une clarification des autorités compétentes«. Il est fait mention ici de ce que nous révélions le 3 février, à savoir que les statuts de l’association n’ont jamais été déposés. Toutefois, il était convenu qu’en cas de victoire électorale, les deux élus se seraient immédiatement détachés de « Dépanniers » afin d’éviter tout conflit d’intérêt, ainsi que nous l’a expliqué Christelle Favetta-Sieyès. 

« Je me laisse la possibilité de déposer plainte pour diffamation »

On est bien loin de la responsabilité du seul ex-directeur du centre, l’affaire étant devenue politique. Pour mémoire, « Dépanniers » avait été créée le 7 mai 2020 : son objet visait à distribuer des paniers repas aux plus nécessiteux sur le quartier des Hauts de Chambéry et s’articulait plus généralement autour de cinq axes : économique, social, sanitaire, environnemental et solidaire. Guillaume Hoslteyn, ancien directeur du CSC, et Christelle Favetta-Sieyès, sous sa casquette de conseillère départementale, en étaient les deux chevilles ouvrières et s’en partageaient alors la présidence. Selon l’adjointe, tout était en règle, les autorisations des services de l’Etat avaient été accordées. Si plusieurs témoignages ont fait état de livraisons de paniers à des personnes n’en ayant jamais fait la demande, de repas non facturés, d’agents municipaux bénéficiaires de paniers repas… ces allégations n’ont pas été étayées mais sont de nature à noircir l’immaculée ambition initiale. 

Christelle Favetta-Sieyès
« A ce stade, je n’ai pas rassemblé tous les éléments » , expliquait Michel Dantin, « je m’exprimerai sur ce sujet prochainement. Les autorités compétentes devront se saisir de ce dossier car il y a un mélange de tout, une salade d’argent public, de campagne électorale… J’avais bien compris que le directeur s’occupait de tout, au printemps, j’avais alerté la présidente du centre » … avant qu’elle ne démissionne. Aucun recours n’avait été déposé à ce moment-là. Derrière les termes « campagne électorale » se cache l’allusion à « Dépanniers », ce qui a « choqué » l’ancienne co-présidente Christelle Favetta-Sieyès : « Je me laisse la possibilité de déposer plainte pour diffamation suite à la parution de ce communiqué, c’est une instrumentalisation d’une initiative solidaire ». Une menace qui n’effraie en rien Aloïs Chassot : « Qu’elle y aille, au tribunal. Nous, nous souhaitons avant tout faire la lumière sur toute cette histoire ». 

Trois options, peu de possibilités

Quelles sont les options dont dispose l’opposition dans le cas où elle souhaiterait se servir de ces insinuations et ainsi aller plus loin ? L’invalidation de la dernière élection municipale paraît inimaginable. Lorsque Michel Dantin nous suggère l’exemple de la ville de Trappes, dans nos échanges, il fait référence à l’annulation par le tribunal administratif de Versailles de la victoire aux dernières municipales du candidat Ali Rabeh (Génération.s) suite au recours déposé par la liste adverse d’Osthman Nasrou. L’affaire est aujourd’hui entre les mains du Conseil d’Etat. « Selon la décision du tribunal » , détaille le Figaro du 3 février dernier, « Ali Rabeh a mené des » actions de propagande « entre les deux tours des élections municipales, en utilisant son association » Cœurs de Trappes « à » des fins de propagande et de promotion personnelle «. Il a notamment organisé une distribution » d’environ 15.000 masques «, est-il écrit. Ces lots de masques comportaient » une notice d’utilisation où figurait une photo d’Ali Rabeh, identique à celle utilisée pour ses documents et affiches de campagne «. Or, ces actions n’ont pas été déclarées dans les comptes de campagne du candidat, souligne le tribunal ». L’opposition, en cherchant à démontrer le caractère électoraliste de « Dépanniers », peut-elle faire invalider l’élection ? « Nous n’avions déposé aucun recours » , rétorque Aloïs Chassot. Il est aujourd’hui trop tard pour le faire et rien ne dit qu’un tel recours aurait abouti. A défaut de pouvoir aller devant le tribunal administratif, il reste le pénal. Selon l’article L97 (modifié par ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002), « ceux qui, à l’aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s’abstenir de voter, seront punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros ». Il faudra néanmoins le prouver et ce ne sera pas simple. Dernière option, la plus probable, finalement, à trois mois d’un prochain scrutin électoral – les départementales, dans lesquelles sont d’ores et déjà impliqués Aloïs Chassot (qui souhaite faire acte de candidature pour la droite) et Christelle Favetta-Sieyès, en tant que sortante – jeter un voile sur la probité de futurs adversaires. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » , disait Francis Bacon. Il n’en faut parfois pas plus…

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