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Chambéry : un comité de soutien pour Roxane, étudiante et mère, menacée d’expulsion du territoire

Par Laura Campisano • Publié le 04/02/21

C’est au détour d’un reportage sur la précarité étudiante que l’histoire de Roxane, jeune étudiante congolaise venue en France il y a trois ans pour démarrer ses études à la faculté de droit de l’Université Savoie-Mont-Blanc, a été mise à jour. Dans ce podcast dont nous avions fait mention dans notre article du 30 janvier sur les mesures mises en place pour venir en aide aux étudiants dans cette crise sanitaire, nos confrères de France Culture s’adressaient à des étudiants bénéficiaires de l’association Etudébrouille. Et parmi eux, Roxane âgée de 21 ans, dont la réalité était autrement complexe, puisqu’elle fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), une affaire actuellement en appel devant la Cour administrative d’appel de Grenoble.
Elle avait 19 ans, quand elle a débarqué en France, en Savoie après une courte étape chez un membre de sa famille à Paris. Roxane a choisi Chambéry, pour faire ses études supérieures en droit, afin de devenir juriste en droit privé. Mais le sort en a décidé autrement. Un déni de grossesse, découvert à l’occasion d’un examen médical pour valider son visa étudiant va totalement chambouler sa vie. Depuis, ne pouvant travailler faute de garde pour sa petite fille de 3 ans, ne pouvant obtenir d’aides sociales autres que des bons alimentaires, Roxane doit vivre avec la crainte d’une expulsion du territoire national. Alertés, des étudiants ont décidé d’agir en créant un comité de soutien et une cagnotte pour lui venir en aide.

Solidarité étudiante 

La vie des étudiants chambériens est décidément surprenante. Fragilisés par la crise qui frappe de plein fouet le pays et l’Europe, esseulés et sous pression, les jeunes peuvent toutefois s’enorgueillir de leur sens de la solidarité. Comme nous l’indiquions dans notre article du 30 janvier, Chambéry est une des villes qui attire le plus les étudiants étrangers, non seulement parce que son université est cotée, mais surtout pour ses capacités d’accueil et son cadre de vie. Mais il faut aussi mettre au crédit des étudiants du campus de Jacob-Bellecombette, un dépassement de soi, dans la solidarité et l’aide que chacun d’entre eux est en mesure d’apporter aux autres. Le cas de Roxane a ému les auditeurs de France Culture, et les marques d’affection et de soutien ont afflué en direction de la jeune femme. Son sort, précaire et plus qu’incertain, même si le recours en appel suspend les effets de l’OQTF, n’a laissé personne indifférent. Un petit groupe a d’ailleurs décidé de créer un comité de soutien, afin de ne pas laisser Roxane et Yahana, sa petite fille de 3 ans, sans solution. « Le but de ce collectif d’amis et de proches de l’étudiante est d’offrir de la visibilité à la situation de Roxane, qui malheureusement n’est pas la seule étudiante en France à être victime de la précarité, et de la politique migratoire répressive de l’Etat », précise la page, « notre objectif est la révision de la demande d’expulsion du territoire adressée à Roxane par la préfecture de Savoie, et le renouvellement de son titre de séjour. Pour toutes et tous les étudiants invisibles comme Roxane, nous exigeons qu’une carte d’étudiant vaille pour un titre de séjour ! » Pour Pierre, étudiant à l’USMB et créateur du collectif, conscient que l’histoire de Roxane n’est pas un cas isolé, ses « motivations résident dans le fait que la situation de Roxane fait écho à mon engagement politique, la liberté d’installation et d’études pour toutes et tous était une des revendications de mon syndicat et en cela, m’engager dans ce collectif me permet de mettre en pratique très concrètement les principes que je défends » précise le jeune homme, par ailleurs actif dans un syndicat étudiant. Dans le même temps, une cagnotte a été mise en place, afin d’apporter une aide financière à la jeune femme, qui ne peut compter sur personne d’autres que ses amis Savoyards. 

Rejetée par ses parents et sans aides sociales en France

Car l’arrivée de Roxane en Savoie était prévue, préparée, accompagnée : en arrivant en Savoie, elle avait réussi à trouver un appartement en colocation étudiante, aidée financièrement par sa famille restée au Congo. « Tout avait bien commencé », se remémore-t-elle, « j’ai fait mon inscription administrative, puis il fallait que j’aille faire valider le dossier auprès des autorités, avec un examen de santé. Mais avant de partir pour la France, j’avais déjà fait des examens, et on ne m’a jamais parlé de cette grossesse. Quand j’ai fait les examens pour valider mon inscription, là on m’a annoncé que j’étais enceinte de cinq mois. » L’annonce de sa grossesse a été un coup de tonnerre pour la jeune femme : du jour au lendemain, sa famille lui a coupé les vivres, l’insultant et la harcelant au téléphone en raison de cette grossesse hors mariage. Les seuls membres de sa famille qui continuent à lui parler le font « incognito » risquant eux-mêmes de se retrouver répudiés. « Pour eux, c’est une abomination », explique Roxane, « ils m’appelaient en pleine nuit pour m’insulter, ma tante a même appelé l’assistante sociale qui me suit, pour lui dire de me laisser tomber, d’arrêter de m’aider. » Le propriétaire de la colocation en a fait autant, jetant ses effets personnels par la fenêtre et la mettant à la porte, alors qu’elle venait de découvrir sa grossesse. Du côté du père de Yahana, avec lequel Roxane a vécu une histoire d’amour de trois ans dans leur pays d’origine, après le rejet, la colère, est arrivée l’indifférence, puisqu’étant lui aussi étudiant en Tunisie, parti le même jour que Roxane pour la France, il a refait sa vie sur place, sans plus de nouvelles, et encore moins d’aide. C’est donc seule, que la jeune femme a dû vivre la fin de sa grossesse, son accouchement, les nuits sans sommeil et l’impossibilité de passer ses examens, faute de connexion internet et de moyens. « Quand j’ai commencé à être à peu près organisée, j’ai reçu l’OQTF, l’été dernier », ajoute Roxane, « je ne me suis jamais cachée, j’ai écrit à l’université, à la préfecture, je me suis toujours présentée quand j’ai été convoquée. Ce que je voudrais, c’est rester en France, poursuivre mes études, scolariser ma fille, et si un jour je retourne dans mon pays, je veux le faire en étant indépendante, je ne veux pas gâcher mon avenir. Avec tout ce que j’ai déjà parcouru, pour moi-même, pour ma fille, j’ai dû être forte, renoncer maintenant ce serait terrible. » Épaulée par les associations étudiantes, la banque alimentaire, l’assistante sociale, Roxane réussit tant bien que mal à faire face au quotidien, même si les dettes de loyer s’accumulent, les dettes tout court. La caisse d’allocations familiales, qui a rejeté son dossier, ne lui est d’aucun secours. De plus, faute de moyens et en attendant la rentrée de septembre où sa fille sera scolarisée, c’est Roxane qui gère totalement son éducation, ne pouvant dès lors se consacrer, ne serait-ce qu’un peu, à ses études. Bien qu’entraînée dans la famille, « De ce côté-là, ça va, on t’apprend à être maman, mais c’est tout à fait différent quand c’est ton propre enfant qui pleure la nuit, quand tu es seule », reconnaît-elle. C’est pourquoi Roxane est émue face à l’élan de générosité que ses compagnons d’études ont lancé pour lui venir en aide, n’arrivant pas à croire que des gens puissent se mobiliser pour elle, après tout ce parcours tortueux et inattendu.

Un nouveau combat, judiciaire cette fois 

Pourtant, un nouveau combat a déjà été engagé, avec José Borgès, son avocat grenoblois, conseillé par le Secours catholique. Le premier recours devant le Tribunal administratif de Grenoble a été rejeté, l’affaire est à présent entre les mains de la Cour administrative d’appel, qui doit encore statuer. Côté administration, la Préfecture de Savoie à l’origine de l’OQTF ne mettra pas sa décision à exécution, avant que le dernier recours juridique n’ait été rendu définitivement « même si officiellement, le délai d’appel n’est pas suspensif dans ce type de procédure », rappelle Me Borgès. Mais elle peut également revenir sur sa décision, comme l’expose Maître Borgès, « La Préfecture n’a pas tenu compte des difficultés de Roxane, elle a estimé qu’il s’agissait d’une fausse étudiante et qu’elle avait mis l’administration devant le fait accompli », explique l’avocat, « or nous avons des pièces qui démontrent qu’elle a fait un déni de grossesse, et des documents émanant de l’université que la préfecture est allée jusqu’à suspecter faux. Il y a un élément important à relever : même si le dossier est en appel, la décision n’est pas définitive, la préfecture peut très bien faire machine arrière. » Objectif de la procédure menée par José Borgès, obtenir le retrait de l’obligation de quitter le territoire et la régularisation de Roxane. « L’université Savoie Mont-Blanc avait permis à titre dérogatoire à Roxane une année de césure, compte tenu de sa situation. A l’audience de première instance, les services de la Préfecture lui ont reproché de ne pas avoir utilisé cette année pour enrichir ses expériences professionnelles, alors qu’avec un titre de séjour étudiant, elle n’aurait pu travailler qu’à temps partiel, et surtout, qu’ils savaient qu’elle avait un enfant en bas âge. » A présent, la situation de Roxane a alerté les étudiants, les syndicats et la presse, au moins peut-on espérer que ces manifestations de soutien feront pencher, sinon le point de vue de l’administration, au moins la justice, dans son sens. 

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1 commentaire

Unknown

05/02/2021 à 07:57

Continuez à garder l’esperance, chère Roxane. J’espère que d’autres personnes de bonne volonté se joindront à nous pour vous soutenir moralement et financièrement.

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