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Grand Lac : de nouveaux créateurs d’entreprise en 2020, un mouvement en plein essor

Par Laura Campisano • Publié le 12/02/21

Avec 4 % de créations d’entreprises au niveau national par rapport à 2019, l’année 2020 a finalement créé une bonne surprise. Près de 850 000 entreprises ont ainsi vu le jour malgré la crise sanitaire. Recherche de sens, projets de longue date qui n’avaient pas trouvé leur timing, en tous les cas, la tendance nationale s’est également ressentie sur le territoire de Grand Lac, avec une forte poussée de porteurs de projets qui ont pu sauter le pas, soit en 2020 soit au tout début de l’année 2021. La crise sanitaire aura aussi été inspirante, créant de nouveaux besoins et de facto, de nouveaux acteurs pour les combler. 
Ils sont 60 à avoir créé leur entreprise avec le dispositif CitésLab de Grand Lac en 2020, et ce n’est pas une illusion d’optique. Ceux qui ont accepté de nous raconter leur aventure entrepreneuriale se sont montrés heureux et enthousiastes, tant ces projets leur tenaient à cœur et que leur concrétisation coïncidaient avec leur ressenti, et ce en dépit de la double crise sanitaire et économique qui frappe le pays. Accompagnés, conseillés et guidés, ces créateurs d’entreprises ont l’intention de dynamiser l’économie locale grâce à leurs initiatives.

« Un nouvel envol » 

Tout comme ses camarades de création, Laure-Anne Gobet n’a pas encore eu le temps de faire de la communication autour de son projet. Tout au plus, la presse locale, mais c’est sur le bouche-à-oreille, que la jeune entrepreneuse peut compter pour voir s’envoler les commandes de son « Choucas Food ». « Cela faisait deux ans et demi que je travaillais sur le projet », explique-t-elle entre deux livraisons de repas faits maison, à domicile. « Pendant le premier confinement je devais intégrer un labo de cuisine et ça ne s’est pas fait. Et finalement mon compagnon m’a proposé de faire des travaux à la maison, et c’est comme cela que je peux cuisiner à domicile, je dois reconnaître que c’est bien pratique », sourit-elle. Investie dans la dynamique du développement durable, Laure-Anne Gobet n’est pas dans le métier de bouche depuis toujours, c’est sa passion qui l’anime dans ce projet qui lui permet d’allier ses engagements personnels en faveur du développement durable. Issue d’une famille où la cuisine occupe une place centrale, épaulée par son oncle restaurateur qui lui a fait découvrir tous les postes, elle s’est formée, et a monté ce projet devenu aujourd’hui un succès savoyard. « La cuisine, c’est un moyen simple de faire plaisir », glisse-t-elle entre deux livraisons. 
Avec une campagne de financement participatif sur Miimosa, elle a pu livrer des repas en prévente aux participants, avant d’enchaîner avec les livraisons de repas durant les fêtes. « Cela fonctionne très bien », s’enthousiasme-t-elle, « mes points de vente à Trévignin et Saint-Ours marchent bien, l’approvisionnement passe par des producteurs locaux chaque jour, je cuisine le matin jusqu’à 11h et en théorie, je prépare également ce qui peut l’être l’après-midi. » Laure-Anne court d’Aix-les-Bains à Grésy-sur-Aix, Trévignin et Saint-Ours, avec des livraisons de repas chaque midi de la semaine en point relais. Devant une telle énergie, la question paraît presque déplacée : pourquoi se lancer en 2020 ? « Ce n’est pas parce qu’il y a une crise, qu’il faut tout arrêter » répond Laure-Anne, qui a judicieusement nommé son projet « Choucas » en clin d’œil à « un oiseau de nos montagnes, une symbolique de ce nouvel envol ». Au-delà du symbole onirique, c’est le projet – équitable, écologique, respectueux de l’environnement et local – qui démontre que le business n’est pas la motivation première de ces jeunes entrepreneurs, comme le souligne Sébastien Baboulaz, conseiller création d’entreprise et animateur du dispositif Citéslab, à Grand Lac « Majoritairement, les personnes qui proposent ces projets ont une motivation entrepreneuriale, des valeurs, une quête de sens. Ils ont aussi une envie de transmission de leur passion, comme l’ont les artisans et les commerçants », expose-t-il, « tout l’objectif est de sécuriser le projet d’un point de vue économique et financier pour que le démarrage se fasse dans de bonnes conditions. La preuve du dynamisme de ces projets, c’est leur développement, presque uniquement par le bouche-à-oreille. »  2020 n’aura donc pas tout emporté sur son passage.

« 90% des porteurs de projets sont revenus après le 1er confinement »

Dès le début de l’année 2020, il a fallu à ces porteurs de projets en devenir apprendre la patience, puisque le premier confinement a fait cesser tout accompagnement du jour au lendemain. On aurait pu penser que les quasi trois mois d’interruption auraient pu les dissuader de revenir, ce ne fut pas le cas, loin de là même. « 90 % des porteurs de projets sont revenus après le premier confinement », souligne Sébastien Baboulaz, « il n’a pas ralenti le dynamisme entrepreneurial ! Sans compter les nouvelles personnes qui sont venus avec une envie, une idée, qu’ils avaient depuis longtemps. De nombreux besoins sont aussi apparus du fait de la crise sanitaire, certains ont donc eu envie de lancer des activités de proximité, de faire fonctionner les circuits courts, de répondre à des besoins locaux et 2020 a permis de pousser ceux qui n’osaient pas passer le cap. » Près de 200 personnes ont donc rencontré Sébastien Baboulaz au cours de l’année 2020, sans peur, sinon celle de leur entourage familial et amical, mais l’accompagnement mis en place par les Citéslab permet justement d’éviter les erreurs, la précipitation ou de ne pas optimiser l’activité en termes de rentabilisation du projet. Parmi ces dynamiques porteurs de projets, il y a également ceux pour qui la perte d’un emploi a été un tremplin. C’est le cas de Corto Arnoux, dont l’activité de développeur web a été officiellement lancée en tout début d’année 2021 : « Le confinement m’a aidé, les gens se mettaient davantage au web », détaille Corto, « cela a boosté le lancement de l’activité. Ça démarre fort, encore mieux qu’espéré ! J’ai l’opportunité de choisir avec qui je veux travailler et beaucoup de chance d’être accompagné par Sébastien Baboulaz, qui a toujours l’information précise, parce que beaucoup de choses ont changé, de procédures qui ont évolué, côté administratif. » Le jeune entrepreneur n’est pas Savoyard d’origine et, venu pour ses études à l’IUT de Technolac, avant de reprendre une licence pro à Annecy, il est tombé amoureux de la région et a décidé d’y demeurer. « Il est encore trop tôt, mais de la façon dont je vois les choses aujourd’hui, j’ai un sentiment de liberté et d’accomplissement. Je peux travailler avec des clients que je connais plutôt que sur des bouts de projets, et cela apporte énormément, ça motive à faire un travail complet. » Petit plus dans la démarche de Corto Arnoux, un tour de France à pieds d’une année, entre l’IUT et la licence « pour réfléchir, et montrer aux gens que l’on peut se faire confiance. » 

Jeunes, dynamiques et pleins d’avenir 

Le point commun de ces entrepreneurs est leur dynamisme, à l’instar de Rémy Cotton, qui a lancé son entreprise d’électricité en 2020 à l’âge de 23 ans, lequel avait « toujours rêvé de créer mon entreprise » et qui à la suite d’un accident du travail au début du premier confinement, a pu peaufiner son projet avant de donner son préavis le 1er juillet 2020. Une étude de marché plus tard, en dépit des craintes de sa famille de le voir quitter un CDI pour se lancer, « ça marche mieux que je l’espérais sur la cible que je m’étais mis, malgré le confinement et le déconfinement, grâce à la partie agricole et industrielle, ça aide. »  Déjà équipé en matériel et véhicule pour aller chez ses clients, Rémy Cotton a réussi à se faire une place sur son marché, près de 140 électriciens officient entre Aix-les-Bains et Chambéry, grâce au bouche-à-oreille, encore. « En septembre, je n’ai quasiment rien fait, en rapport avec la crise, et en octobre grâce à la communication sur les réseaux sociaux, c’est reparti. »  Dépannages, nouveaux chantiers, rénovation, les commentaires sur la page Facebook de Nexyya, qui signifie chance et réussite, ne tarissent pas d’éloges sur le travail du jeune entrepreneur. Pour Justine Labbé, à l’origine de l’entreprise de décoration d’intérieur et d’objets décoratifs « Au pays de Ju », c’est aussi une très bonne expérience de s’être lancée en auto-entreprise, bien qu’elle garde actuellement un emploi salarié en parallèle. Maman solo, la jeune femme s’est prise de passion pour le book-folding, l’art de sculpter les livres anciens, qui ont une histoire, pour les faire devenir des objets de décoration. « En le posant sur les tranches, on voit le motif qui en ressort », explique-t-elle, avec enthousiasme, « je travaille sur des livres qui ont vécu, mon objectif est de retranscrire les émotions, cela amène un plus à la sculpture. » Pour elle aussi, le confinement a été vécu comme une aubaine, afin de passer du temps avec sa fille et de passer du temps à préparer ce projet qui lui tient à cœur et la passionne. « J’adore les livres, et cet art que j’ai découvert par hasard permet de les sublimer. J’ai trouvé un équilibre, après le décès de mon compagnon, une sécurité financière également, pour me permettre de mener à bien ce projet. » Grâce à une expo-vente en Vendée, où l’une de ses collègues créatrices a une boutique, elle a intégré un cercle d’homologues, ce qui aide également à percer. « La volonté d’entreprendre est un élément très positif du territoire », conclut Marie-Pierre Montoro Sadoux, vice-présidente de Grand Lac et présidente de Chambéry Grand Lac Economie, « tous les dispositifs qui ont perduré au quotidien, comme Citéslab, ce qui a permis à ceux qui en avaient envie de poursuivre leurs projets. Cette crise est peut-être pour des individus l’occasion de se demander si ce n’est pas le moment de se lancer. C’est véritablement encourageant. » Plus tard, il sera temps de se pencher sur les défaillances des entreprises en 2020, au travers du Réseau Aura Entreprises, d’être au chevet des cafetiers et des restaurateurs, mais pour l’heure, ces créations qui fonctionnent apportent un réconfort inespéré à une économie locale en souffrance. Comme un nouvel envol. 

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