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Aix-les-Bains : le vote du budget 2021 soumis à un âpre débat

Par Jérôme Bois • Publié le 30/03/21

Le vote du budget primitif 2021 a fait l’objet d’un long débat idéologique – la forme – et mathématique – le fond. Pas assez vert, le budget ? Pas assez de mobilités douces, dans ce budget ? Trop de tours de passe-passe, dans ce budget ? Pas assez de social ? Les élus aixois se sont une nouvelle fois attaqués et défendus alors que, comme le fit remarquer une jeune élue, tenir les rênes de la ville depuis un an en pleine crise sanitairo-économico-sociale n’a rien d’une sinécure. Faut-il dès lors se montrer indulgent lors de cette première année d’exercice ?
Le système est tel que ce budget primitif 2021 a été approuvé. C’est comme ça, une majorité n’a pas à s’embarrasser des votes contres pour faire valoir ses choix. Lu, débattu et approuvé par la totalité des élus moins six contres et une abstention Aix a brillé, lundi 29 mars au soir, par ses débats ce qui est toutefois une bonne chose ; alors que d’aucuns font de la ville thermale une cité politiquement en sommeil, où la parole contradictoire est réduite à peau de chagrin, il y a quelque chose de rassérénant à voir ces minorités s’emparer des sujets, celles-là mêmes qui promettaient d’être constructives en début d’exercice. On objectera que l’envie d’en découdre joue sur la notion de temps, la séance du 29 mars s’est étirée sur 5 heures, il fallait avoir envie de s’y remettre après les 5h30 de la précédente séance, celle du débat d’orientation budgétaire.

« Malgré la chute des recettes, la ville est saine »

Que la crise sanitaire ait affecté les finances de la ville, on le savait, le DOB était allé dans le sens de la recherche d’économies et de rationalisations, l’analyse du compte administratif 2020 en était le témoin. Aix a perdu des rentrées d’argent (3 millions), du fait de la lourde baisse des recettes sur le prélèvement des jeux (-1,27 million d’euros), du fait des dépenses exceptionnelles pour soutenir l’économie et les associations (2,1 millions de gratuité et d’exonération de taxes) et alors que les recettes du stationnement, après deux confinements, ont perdu 800 000 euros. Le résultat n’a été « sauvé » que grâce au report de l’excédent de l’année précédente (1,739 million d’euros). Côtés dépenses, « la fermeture de certains services publics en 2020 comme les restaurants scolaires et les crèches » a été contrebalancée par l’augmentation des dépenses de personnel (+2,9%), un point qui fera jaser jusqu’au vote du budget. Michel Frugier, rapporteur de ce compte administratif 2020, poursuivait avec des chiffres qui témoignent de la complexité de la situation que nous vivons. Ainsi, l’épargne brute a chuté de 2,3 millions d’euros entre 2019 et 2020 et l’épargne nette, promise à un résultat négatif lors du DOB, sera finalement positive, de justesse (100 000 euros, elle s’élevait à 2,5 millions d’euros en 2019). La ville a été contrainte d’emprunter, 7,2 millions d’euros, comme prévu pour pourvoir aux investissements, à taux réduit, certes (0,46%) mais un emprunt qui fera grimper l’encours à 37,5 millions, et sa capacité de désendettement, à 9 ans et 6 mois. Malgré tout, l’activité a été soutenue en 2020, les investissements n’ont que peu fléchi (12,5 millions d’euros contre 14 millions en 2019. Citons le réaménagement des archives (531 000 euros), la réfection de la cathédrale Notre-Dame (989 000 euros), le désamiantage des anciens thermes (1,17 million d’euros), les bâtiments scolaires (1,206 millions) et les travaux de voirie (4 millions). Ainsi va la vie pour une ville touristique, impactée plus que d’autres du faite de la fermeture des casinos et des divers confinements. Marina Ferrari fut la première à regretter « un résultat de fonctionnement en équilibre seulement grâce au report de l’année précédente d’1,739 million sans quoi l’exercice se finissait en négatif, à – 548 000 euros ». Elle saluait le « haut niveau d’investissements » , sur les écoles, la desserte des Combaruches, mais l’élue cherchait « le cap, je sais, c’est ma marotte, mais je cherche les projets structurants » justifiant les 4 millions d’euros investis dans la voirie. Dominique Fié, lui, ne vota pas ce compte administratif, faute d’avoir partagé les orientations suivies par la majorité. « Il fallait relancer l’économie » , tranchera Marie-Pierre Montoro, première adjointe. « Certains » , poursuivit Renaud Beretti, « auraient adoré que ce compte administratif soit négatif, c’est un CA de soutien à l’économie et au social, car malgré la chute de nos recettes, malgré nos choix, la ville est saine, nos finances ne sont pas dans le rouge ni même dans le orange, nous avons un CA qui colle à la réalité et je veux mettre en garde contre les agitatrices de chiffon rouge ». Son ancienne première adjointe aujourd’hui dans la minorité appréciera.

La fiscalité inchangée

Cependant, en dépit des difficultés, la fiscalité ne basculera pas et comme depuis 2008, les taux resteront inchangés. Avec le transfert de la part départementale de la fiscalité sur le bâti foncier (11,03%), la part communale s’élèvera à 36,07% (25,04% + 11,03%), ceci compensant la disparition progressif de la taxe d’habitation. Le foncier non bâti restera à 41,92%. On pouvait dès lors s’attaquer au gros morceau, le budget primitif 2021.
La politique sociale et salariale portée par la ville en faveur des agents municipaux est assumée pour l’année en cours*, la fiscalité n’augmentera pas, la plus grande prudence sera de mise sur les recettes, les charges de fonctionnement seront abaissées et les charges de personnel en hausse, voici quelles seront les grandes orientations du budget primitif dont il allait falloir épouser les contours. L’investissement sera revu à la hausse (15 millions) « pour préparer les futurs chantiers » , reconnaîtra Marie-Pierre Montoro « et la recherche de subventions pour tout programme d’investissement » sera systématique. Le budget total 2021 se montera à 74,37 millions d’euros (43,6 millions en fonctionnement, 30,77 millions en investissement). Et ce malgré une dotation de l’Etat encore en baisse (de 6,3%, à 3,15 millions) ce qui porte la perte sèche en DGF depuis 2014 à 2,66 millions et il est probable que cela se poursuive. De nombreuses études vont être lancées, quelles soient de faisabilité (pour la rénovation des thermes, du musée Faure, la rénovation thermique du groupe scolaire Franklin…) ou de projets (accessibilité des écoles du Centre et de la Liberté, pour la création d’un skate-park et d’un pump-track, l’extension du cimetière…). En définitive, tout apport extérieur et toute économie seront bons à prendre. Pas de quoi faire frémir la moustache de Dominique Fié dont on n’attendait pas un large satisfecit. « Ce rapport présentant les principales orientations s’apparente à un tract électoral. Vous placez la sécurité et la tranquillité des gens en priorité, une ville bienveillante, plus économe, verte, culturelle, sportive, certes, mais le plus surprenant, c’est que je ne vois rien sur le social, sur la lutte contre la pauvreté. Quels sont vos chiffres en matière de modes doux ? Quid enfin de la lutte contre le réchauffement climatique ? Aix a pourtant des possibilités, vous l’avez dit, que n’ont pas les autres villes, d’importantes subventions et cessions vont arriver… » 

« Nous pourrions donner la leçon à beaucoup d’entreprises… »

La ville n’en ferait-elle pas assez ? Une assertion qui fit tousser dans le camp d’en face, c’est Jean-Marc Vial, en charge de la sécurité, qui s’étrangla le premier: « La sécurité et la tranquillité, ce ne sont pas seulement les agents en tenue, ce sont 25 agents, dont 12 en tenue, des recrutements en cours pour la création de la brigade de nuit (qui arrivera en mai, NDLR). La tranquillité de nos citoyens, ce sont des moyens humains d’abord ». En un an, 1 620 infractions ont été constatées, 190 mises en fourrière, indiqua-t-il comme pour mieux justifier ce choix qui était un engagement de campagne, rappelons-le. « Le 19 mars dernier, un individu a même pénétré dans un établissement scolaire de la ville pour tenter d’agresser des enseignants : heureusement, les forces de police ont pu intervenir au bout de 10 minutes, il a été maîtrisé ». Amélie Darlot-Gosselin espérait, pour sa part, mieux de la part des minorités, « j’aurais aimé que face à un contexte que personne n’a jamais connu auparavant, vous disiez que ce n’est pas simple de gérer une ville. Il a fallu tenir la baraque. Dans le privé, on réduit la voilure quand les revenus baissent, c’est vrai, nous avons fait un autre choix et nous pourrions donner la leçon à beaucoup d’entreprises en France ». Quid de la promesse faite par ces minorités qui promettaient construction et travail de concert, interrogea-t-elle ? « Je tiens mes engagements de campagne et ça, personne ne le dit. Nous aidons nos agents dans cette crise en les titularisant car nos agents doivent être au rendez-vous » , s’agaça Renaud Beretti. « C’est un budget qui répond aux actions pour lesquelles on a été élus » , reprit Marie-Pierre Montoro. « Quand on ne vous parle pas d’actions vertes, vous critiquez et lorsque nous menons des actions vertes, vous critiquez quand même, je ne comprends plus rien. La rénovation thermique de la maison Mémard ou du foyer d’animation du quartier de la Liberté va pourtant dans ce sens. Nous allons poser des panneaux photovoltaïques, c’est une première. Vous critiquez notre faible participation à la rénovation du quartier Marlioz ; certes, le pourcentage peut paraître faible (de l’ordre de 10%) mais ça représente 5,5 millions d’euros ! N’est-ce pas là une priorité sociale ? » Philippe Laurent attendait son tour de parole avec impatience et agacement : « Vous n’avez ni le monopole du social ni de l’environnement et je goûte très peu à vos critiques. Vous êtes sans doute plus un théoricien qu’un praticien mais vous n’avez pour autant pas à traiter l’action publique de cette manière ».

« Je n’agite pas le chiffon rouge… »

Les commentaires de Dominique Fié n’étaient pas les seuls visés par ces élus dont certains vivaient pour la première fois dans les habits de conseillers municipaux ; Marina Ferrari se fit assez critique sur « cette politique RH » à contre-courant. « Par gros temps, on cherche surtout à réduire la voilure, c’est du bon sens ». Par communiqué, le groupe Aix Naturellement fit valoir, après coup, « qu’à l’heure où l’on parle regroupement des collectivités, où des transferts de compétences ont été faits au profit de l’agglomération, il est difficile de comprendre une telle inflation dans les effectifs municipaux ». Le choix de soutenir l’économie locale ? « C’est bien mais vous avez recours à l’emprunt à hauteur de 8,4 millions d’euros ce qui fait qu’à la fin de l’année 2021, nous pourrions voir passer notre capacité de désendettement à 12 ans et nous faire basculer dans la zone rouge. Je n’agite pas de chiffon rouge mais j’alerte sur une situation qui nous paraît inquiétante. A ce rythme-là, plus de dépenses, des recettes en baisse et bien plus de dettes, les finances de la ville vireront rapidement dans le rouge vif ». Le maire réagit de façon assez abrupte : « En 2016, la masse salariale avait augmenté de 9%, il me semble, vous étiez déjà là, pourquoi cela vous effaroucherait-il maintenant et pas à l’époque ? » Marie-Pierre Montoro : « Encore un emprunt, dites-vous ? Mais c’est un emprunt d’équilibre ! » Philippe Laurent : « Nous avons eu une année perturbée mais peut-être qu’elle vous a perturbée dans l’élaboration de vos propositions parce que tous vos commentaires ne sont pas très structurés ». Thibaut Guigue rappelait que les dépenses de fonctionnement allaient être en baisse de 850 000 euros. « Vous disiez que dans un ménage, par gros temps, lorsqu’on gagne moins on dépense moins, ça tombe bien, c’est ce que l’on fait. Nous avons moins de recettes mais plus d’actifs que nous pourrons re-céder à l’avenir ».In fine, « ce n’était pas un budget déséquilibré, ni électoraliste » , conclut Renaud Beretti, « ce qui le caractérise, c’est d’abord la non-augmentation des taux communaux, c’est une règle, nous la perpétuons, c’est ensuite le maintien des subventions aux associations et aux clubs, la baisse des dépenses de fonctionnement de 2%. Quant à la masse salariale, ce n’est que la tenue de nos promesses de campagne, nous mettons l’humain au cœur de nos préoccupations. J’aime bien les leçons de morale mais encore faut-il mettre la main à la pâte. Enfin, le recours à l’emprunt est maîtrisé même si l’on voudrait nous faire croire que c’est sale, mal. L’endettement par habitant est inférieur aux villes de notre strate (1 076 euros par habitants, NDLR). La structure financière de la ville est saine » , martela-t-il. « En période de crise, on pouvait espérer qu’on nous fasse grâce des procès d’intention ».Plus de trois heures auront été nécessaires pour boucler ces affaires financières de premier ordre

* La masse salariale sera en hause d’1,4 million d’euros pour 2021.

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