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La République en Marche en Savoie, visible mais pas trop

Par Jérôme Bois • Publié le 02/03/21

Dans un contexte politique tendu depuis l’élection d’Emmanuel Macron et l’avènement d’un nouveau courant entièrement acquis à la cause du président de la République, les Marcheurs savoyards font de la résistance. Pas ou peu de perte d’adhérents, un noyau de personnalités fermement attaché à faire vivre le mouvement au-delà encore de 2022 et surtout, paradoxalement, aucune figure politique majeure – hormis la députée Typhanie Degois – pour porter sa parole. 
Il fut un temps où la République en Marche avait mis tout le monde d’accord. Le vent porteur venait placer un tout jeune président sur orbite et le parti, structuré comme le font les grands, avait fini par prendre sa place un peu partout. En Savoie, ce même vent porta une toute jeune députée aux nues, Typhanie Degois, vainqueur face à un cador local, Dominique Dord, sur la première circonscription. D’aucuns y ont vu un signal, celui d’un renouvellement en marche. D’autres se sont contentés de plaider la chance du débutant. 

Esman Ergul, référent départemental En Marche.

La purge des municipales

Quatre ans plus tard, ce formidable courant ascendant a décliné. Un peu partout en France et les prochaines échéances électorales pourraient en être un énième révélateur. Alexis Poulin, cofondateur du Monde Moderne et peu avare de piques assassines envers la Macronie, se réjouissait, il y a quelques jours sur Twitter : « La République en Marche : quatre ans après, on peut dire que ça n’a pas marché ». Un peu facile mais il n’a pas tout à fait tort. La démission du numéro 2 d’En Marche, Pierre Person, avait ébranlé l’édifice, en septembre dernier. « Il n’y a pas d’idées nouvelles et nous avons perdu l’enchantement des débuts » , reconnaissait Sacha Houlié, cofondateur des « Jeunes avec Macron », dans la foulée. Le bilan des élections municipales était des plus implacables : le feu sacré s’est éteint et de nombreux adhérents ont quitté le navire. Du reste le Canard Enchaîné, en juillet 2020, avait-il dévoilé ce chiffre accablant ; sur les 418 000 adhérents de 2017, n’en subsistaient que 20 000 trois ans plus tard… Crise de croissance ? Épiphénomène ? Les 18 prochains mois répondront très probablement à cette question.En Savoie, les candidats de la majorité, investis ou soutenus, n’ont pas été à la fête, au printemps dernier. A Chambéry, Christian Saint-André sortait dès le premier tour avec à peine plus de 6%. Même sanction pour Esman Ergul à Albertville. A Aix-les-Bains, Marina Ferrari avait reçu le soutien de la commission nationale d’investiture, un soutien devenu « investiture » en conférence de presse, mais un soutien qui n’avait pas manqué de déchirer les Marcheurs de Grand Lac et d’Aix-les-Bains. Car les faveurs de la députée Typhanie Degois allèrent vers le maire sortant, Renaud Beretti et non vers l’ancienne première adjointe. Un joyeux bazar dans lequel il était nécessaire de vite mettre de l’ordre. Le constat est implacable, en Savoie, LREM n’est pas visible. « Les municipales n’ont pas été à la hauteur de nos attentes, ce quinquennat est décidément très compliqué. Mais même si nous sommes dans une période de turbulences, la mobilisation de nos troupes en Savoie reste forte » , assure Esman Ergul, référent départemental. Il rappelle au passage combien cette présidence est à nulle autre pareille, entre gilets jaunes et crise sanitaire. « Certaines décisions prises au niveau national ne sont pas simples à vivre, nous sommes face à un état d’esprit de peur, certaines mesures n’ont pas été très populaires mais le gouvernement essaie de prendre les meilleures. Je tiens un café-bar, je suis moi aussi impacté par ce qu’il se passe ». La déception, l’incompréhension, n’ont pas amenuisé les ressources, « il reste beaucoup d’adhérents ». 2 000 environ, selon le référent, sympathisants compris, 1 153 adhérents en cumulant les six comités.

Des binômes paritaires à la tête des comités

Il y a même eu de la réorganisation dans l’air, le département est aujourd’hui découpé en six comités*, chacun ayant à sa tête un binôme paritaire, chacun étant parfaitement autonome. « Chaque comité a les outils pour s’auto-animer » , résume Esman Ergul, « à charge pour chacun d’impulser sa propre dynamique ». Aix-les-Bains Grand Lac et Grand Chambéry sont les principaux comités actifs, ceux de Maurienne, d’Albertville, de Moûtiers et de l’Avant-pays savoyard sont en retrait. « Le département est malgré tout bien quadrillé, le but n’est pas d’en mettre partout mais d’en avoir qui entretiennent une dynamique ». 

Vincent Charlet et France Bruyère, le binôme d’animateursà la tête d’En Marche Grand Lac Aix-les-Bains.
Le 10 janvier dernier, le nouveau binôme aixois a été élu par les 305 adhérents, France Bruyère et Vincent Charlet, déjà aux manettes avec Yannick Berteau jusqu’ici. Un système d’élection pour conserver « une gouvernance participative, paritaire et démocratique ». Le cahier des charges est écrit, il sera beaucoup question de cohésion, tiens, tiens… « Nous aurons la lourde tâche de redynamiser l’activité du Comité malgré le contexte de crise sanitaire toujours présente » , précise Vincent Charlet. Les objectifs seront ainsi de « valoriser au niveau local l’incidence des mesures votées au niveau national, et mieux faire connaître les conséquences des mesures décidées au niveau européen, de faire émerger les principales attentes des habitants du territoire de Grand Lac, de promouvoir une dynamique et une cohésion entre les conseillers communautaires membres du comité ou ayant une sensibilité proche de celui-ci, contribuant ainsi à soutenir les listes » majorité présidentielle « et de donner de la visibilité au comité, de façon à attirer les personnes de bonne volonté et souhaitant s’inscrire dans une démarche positive et constructive ». Voici quelle sera la feuille de route pour les mois à venir. Evidemment, c’est une forme de reconquête dont il sera question, pour ce comité, « nous avons vécu au rythme des soubresauts (lire notre article du 21 décembre 2019) et il nous a manqué une figure politique puisqu’on voit trop peu notre députée » , regrettait Vincent Charlet. Cette absence de figure a été compensée par Patrick Mignola, le plus sûr porte-voix de la parole gouvernementale en Savoie à ce jour. Une personnalité qui divise encore, au sein des Marcheurs. « Personne ne peut s’autoproclamer porte-parole du gouvernement » , coupe Esman Ergul, « il joue son rôle de parlementaire. Typhanie Degois, de son côté, abat un gros travail, sans pour autant se mettre en avant, alors que Mignola le fait ». 

« La Savoie, terre de droite, c’est de moins en moins le cas »

Fin 2020, Grand Chambéry (417 adhérents) aussi a changé de tête ; avec le retrait d’Olivier Marmet, c’est Anaïs Gomero-Pfenning qui a pris la relève au poste d’animatrice, en compagnie de Romuald Bendotti. Le constat est que s’il n’y a pas de grosse déperdition d’adhérents, le comité n’en gagne pas de nouveaux. « Nous connaissons des problématiques de mobilisations, nous ne pouvons organiser de réunions physiques, les visios ne remplacent pas le contact » , explique-t-elle. Alors, il faut composer tout en remplissant le cahier d’objectifs : « Établir des oppositions constructives, effectuer des consultations sur les élections à venir, travailler sur la jeunesse, l’attractivité économique du bassin… » les sujets ne manquent pas. L’heure est surtout à l’observation, les motifs d’explosion à la ville comme à l’agglo sont autant d’opportunités potentielles. « A l’agglomération, la rupture du 11 février, on s’y attendait, deux pôles si opposés, ça paraissait impossible de les voir s’entendre. Est-ce que cela va paralyser l’agglo ? » s’interroge-t-elle. A la ville aussi, En Marche observe, scrute les divergences de fond, autour des projets structurants comme Ravet ou le stade, qui ont écorné la solidité de l’édifice majoritaire. « Nous essayons par conséquent d’être une alternative pour les citoyens, nous mettons des ateliers en place pour décortiquer les séances du conseil et sur des sujets sensibles. Par exemple, le thème du centre social des Combes était ressorti dès octobre 2020 » avec les suites que l’on connaît. Pour l’animatrice chambérienne, s’il existe une « faiblesse » dans la communication, « les nouveaux adhérents jugent que le fond est bon, que la politique sanitaire est la bonne ». Il ne manque « que des élus ».

L’œil de Galy
Au conseil chambérien, LREM dispose toutefois d’un atout-visibilité, Philippe Cordier, au chaud au sein de la liste minoritaire de droite. « Ma logique ne consiste pas à tirer à boulets rouges sur cette équipe » , nous expliquait-il, en novembre dernier, « mais à lui envoyer un signal d’alerte. Je leur dis qu’il est temps de se mettre au boulot ». Alors, LREM, les nouveaux lanceurs d’alerte ? « Nous voulons être visibles en Savoie, on a été acteur des municipales tout en souffrant d’un véritable déficit d’ancrage territorial, nous en sommes conscient. Nous travaillons donc de concert avec le MoDem, Agir, le parti radical… La Savoie terre de droite, c’est de moins en moins le cas » , affirme Esman Ergul. « Notre mission est d’installer une nouvelle manière de voir les choses ». Sans arrogance. Son propos fait de facto écho à ceux qu’il nous tint en septembre 2019 : « L’idée n’est pas de déstabiliser ce qui fonctionne (…)Il existe une véritable volonté de voir la sphère politique évoluer, nous sommes sollicités mais nous nous refusons à tout dégagisme, nous ne voulons pas de listes partout. Seulement travailler avec des personnes ayant de bonnes intentions ». Il a le mérite de la constance dans les idées.L’opération de la reconquête débutera par les doubles élections départementales et régionales** au mois de juin. Avec Typhanie Degois, il aura la responsabilité de rencontrer les élus sortants, les membres de la majorité départementale, « pour affiner les stratégies voire les alliances ». Un exercice nouveau pour le référent : « J’ai intégré la politique depuis peu mais je comprends les enjeux, j’ai l’habitude de me battre contre les ambitions personnelles ». Il faudra sans doute un peu plus pour prendre pleinement part à l’échiquier politique local et attirer plus que des suiveurs mais de véritables meneurs, seulement, Esman Ergul y croit. « On a des personnes motivées, avec nous, il faut faire la différence entre les compétences et les appétences personnelles, on peut compter sur nos adhérents ». Juin sera-t-il le test que tout le monde attend ? « Il ne faut pas sauter les étapes, ce serait arrogant de dire que l’on sera présent à chaque élection, je dois faire de la pédagogie, du lien avec ces gens déçues par En Marche depuis le début du quinquennat, la fonction de référent est complexe ». La preuve, les deux précédents référents*** ne sont pas allés, pour des raisons diverses, au bout de leur mandat. Rendez-vous en 2022 pour un visuel plus définitif de l’empreinte laissée par En Marche en Savoie.
En Marche peut-il rassembler plus encore sur un département historiquement à droite ?

* La Savoie en Marche se compose d’un comité départemental, d’un comité territorial et des comités de secteur. C’est Esman Ergul qui est à la tête des deux premiers échelons. 
** Le mouvement appuiera la candidature de Bruno Bonnell aux Régionales sur Auvergne-Rhône Alpes.
*** Jean-Christophe Masseron et Muriel Béthoux

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1 commentaire

gerard Blanc

04/03/2021 à 19:35

Ah bon, ces braves et honnêtes marcheurs ne s'expliquent pas la fonte de leurs effectifs, de leur audience et de leurs électeurs ? Qu'ils demandent aux citoyen.nes de la Convention citoyenne pour le Climat (note 3,6/10 attribué au projet Macron !) ou à Nicolas Hulot "désarmé" face aux lobbies, aux gilets jaunes et autres manifestant.es victimes de violences policières non sanctionnées, aux défenseurs des libertés "vent debout" contre les Lois liberticides, aux victimes des pesticides ré-autorisés, ... Ils y trouveront peut-être des raisons de comprendre ce désenchantement, ce sentiment de trahison ou ces colères profondes face à ce président Jupiter et monarque... peu compatible avec ces démarches participatives locales. Bas les masques, la supercherie peut-elle encore "marcher" ?

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