Qu’il semble difficile de gérer une commune, qu’elle soit de l’envergure de Chambéry ou de la taille de Mouxy. Il semble que quels que soient les efforts mis en oeuvre, il sera toujours temps de demander des comptes et de se trouver face à des riverains ou à des élus d’opposition courroucés. C’est en effet le constat qui peut être fait au travers des différentes passes d’armes dans les communes des bassins chambériens et aixois, où la majorité est incarnée par de nouveaux visages. Si l’expression de la démocratie incite au débat, il semble que dans la petite commune de Mouxy, l’exercice du pouvoir soit tout sauf une sinécure pour l’équipe et pour Laurent Filippi lui-même.
C’est sans doute coutumier, mais les rumeurs vont bon train dans cette commune de quelques 2 300 habitants. Outre celles d’une « municipalité fantôme », au-delà du spectre de démissions en cascades au sein de la majorité, d’absence de communication de la part de l’équipe municipale, il faut aussi y ajouter les revendications de collectifs d’habitants, pestant contre un projet immobilier chemin des Raymonds, dont ils ne veulent entendre parler. Des recours, Laurent Filippi en a découvert quelques-uns, dont le premier par l’ancien maire, Gabrielle Koehren, aujourd’hui élue d’opposition. Alors que se passe-t-il à Mouxy ? Est-ce un passage obligé de l’exercice du pouvoir que d’être attaqué de toutes parts, ou bien y a-t-il un vrai problème de fond, à bas-bruit ?
« On ne peut pas travailler ensemble de cette manière », estiment majorité et opposition
Restons factuels : il est vrai qu’une conseillère municipale a quitté la majorité moussarde en début de mandat. Vrai aussi que la secrétaire générale de mairie a quitté son poste et a souhaité se mettre en disponibilité, après 25 ans « de bons et loyaux services », rien de surprenant pour le maire, là où l’opposition y voit au contraire un vrai signal d’alarme. « Quand quelqu’un qui a un vécu, qui a très bien fait son travail pendant 25 ans, s’en va et se met en disponibilité, que le centre de gestion envoie une autre secrétaire générale qui n’arrive pas à travailler avec cette équipe, c’est qu’il y a un problème », s’inquiète Gabrielle Koehren, ancienne édile de la commune. « C’est vrai que l’exercice du pouvoir est difficile, mais il y en a pour qui ça l’est plus que d’autres ! » Lors de sa prise de fonctions, en 2016, la menace d’une gestion par le Préfet était brandie à moins de faire de drastiques économies et d’augmenter les impôts. Alors, Gabrielle Koehren se dit dépitée aujourd’hui : « J’ai œuvré pendant 4 ans et ils cassent tout ! Les services n’ont pas un fonctionnement normal, y compris les écoles, et cela va avoir une répercussion sur les enfants. La coupe est pleine. » « Il est difficile d’accepter la défaite », estime pour sa part Laurent Filippi, « depuis le début du mandat, c’est sans arrêt, c’est épuisant. » Certes, mais pour Gabrielle Koehren, qui n’a pas interjeté appel du rejet de son recours contre la sincérité du scrutin, « le premier contact avec lui a été très négatif », se souvient-elle, « sinon on aurait pu travailler sur les dossiers. » Pour l’ancienne édile, les dysfonctionnements sont légion, tant et si bien qu’il se murmure qu’une démission du maire pourrait être envisagée, ici et là. « Que l’on fasse le point au bout d’un certain temps, et que j’envisage de passer la main était prévu », explique Laurent Filippi, coupant court aux rumeurs. « Le mandat est compliqué et l’opposition ne nous a pas facilité la tâche. C’est monstrueux tout ce qu’il y a à embrasser, le nombre d’informations, le retard déjà pris. Ce rythme-là n’est pas tenable. Une fois que le feu de l’ambiance de campagne est passé, c’est un flot continu dans tous les domaines. Donc, revoir notre copie, nos engagements, cela était prévu. » Ainsi, serait-il possible que la « tête » change tout en gardant l’équipe en place, sans passer par la case de nouvelles élections à organiser, mais en passant néanmoins par la case Préfet, si le maire devait décider de partir. Pour le moment, du côté de la préfecture de Savoie, rien de tel n’est dans les tuyaux, et pour cause, le point dans la majorité n’a pas encore été fait. « Il n’y a pas de volonté de cacher quoi que ce soit, il est clair qu’il y a eu des départs à la mairie. Quand nous sommes arrivés, le maire sortant avait supprimé un poste à l’urbanisme : il a fallu redéployer le travail sur les agents, qui ont dû, dans la période actuelle s’adapter à de nouveaux élus. » soutenait le maire.Pourtant, des deux côtés, on s’efforce d’expliquer que des efforts sont faits : « Nous ne tirons pas la sonnette d’alarme pour le plaisir », explique la minorité, là où le maire explique faire « des efforts, nous continuons à vouloir travailler avec toutes les bonnes volontés. Mais l’équipe est très choquée par cette posture d’ego : leur équipe n’a pas fait campagne, c’est une des rares équipes sortantes à avoir été sortie en période de crise sanitaire », souligne Laurent Filippi, « il faut quand même se souvenir qu’après que nous ayons gagné les élections, madame Koehren nous a installé le plus tard possible, et que lorsque je suis arrivé dans mon bureau, il était vide ! On ne nous a transmis aucun dossier, pourtant c’est dans l’intérêt général de le faire ! » Argument rejeté en bloc par l’intéressée, qui réplique que le travail de passation se fait avant tout avec les services, et qu’ « une équipe qui n’a pas été faite pour de bonnes raisons, ni a été élue pour de bonnes raisons n’a pas de légitimité. Moins d’un an après avoir été élue, des délégations ont été retirées, des départs sont chuchotés, la majorité prend l’eau de partout. Moi non plus je n’étais pas préparée quand je suis devenue maire, c’était aussi mon premier mandat. Tout ce qu’on leur demande c’est de faire leur boulot, d’informer correctement le conseil municipal, pour commencer. » Car c’est le deuxième point d’accrochage entre majorité et opposition.
« Pas de communication, pas de conseil municipal depuis 3 mois » : « pas d’urgence à l’ordre du jour » pour le maire
L’absence de communication, et plus encore de conseils municipaux depuis trois mois, le dernier datant du 7 décembre 2020, agite aussi l’opposition. « Nous avions commencé sur des chapeaux de roue avec un conseil toutes les trois semaines pour trois ou quatre sujets à l’ordre du jour, et depuis trois mois, plus rien, alors que le code électoral impose un conseil municipal minimum par trimestre », relève la minorité, ,c’est bien simple on a l’impression qu’il n’y a personne à la mairie ! « » On ne va tout de même pas faire un conseil municipal sans objet urgent ni saisissant, « rétorque Laurent Filippi, » le prochain conseil est prévu, il faut faire le bilan du compte administratif, nous avons encore du temps. Je peux comprendre que les séances du conseil soient des occasions pour l’opposition de montrer sa ferveur, son désaccord et son désarroi « concluait-t-il. Deux salles, deux ambiances. Que dit, sur ce point, l’article L2121-7 du code général des collectivités territoriales ? » Le conseil municipal se réunitau minimum une fois par trimestre sur convocation du maire.Par ailleurs, le maire peut réunir l’assemblée délibérante de sa propre initiative chaque fois qu’il le juge utile. « S’il ne nous appartient pas de distribuer les points, il apparaît que de part et d’autre, la lecture de ces dispositions semble acquise. D’un côté, une inquiétude de voir l’absence de commissions et de séances du conseil, notamment vis-à-vis de la prochaine présentation du budget, de l’autre, aucune raison de céder à la panique, quand rien d’urgent n’est à noter. » Grand Lac attend des délibérations avant le 31 mars, nous préparons tout cela «, reprend Laurent Filippi, » dans les conditions actuelles, on évite autant que faire se peut, de réunir les gens sans raison. De plus, nous n’avons pas toutes les informations sur les taxes applicables. Il y aura vraisemblablement une séance du conseil fin mars début avril «, a-t-il indiqué.
Le point culminant de la discorde, chemin des Raymonds
Enfin, le point d’orgue de la discorde se trouve chemin des Raymonds où un collectif d’habitants s’est constitué pour s’opposer à la construction d’un programme d’habitations. Çà et là, des affiches à l’adresse directe du maire poussent comme des champignons, estimant qu’ils n’était ni entendus, ni pris au sérieux, et encore moins reçus. « Le collectif se plaint de ne pas avoir de réponses à sa demande de rendez-vous avec le maire. L’adjoint à l’urbanisme ne donne pas suite, n’apporte aucune réponse. Ça brasse », nous expliquent les élus de la minorité « Il y a eu des dizaines de rendez-vous déjà, je leur ai indiqué de contacter mon adjoint à l’urbanisme », oppose le maire avec lassitude. Lui qui voulait faire de la politique autrement, le voilà mis face à une problématique qu’il n’avait peut-être pas vue venir. « Le permis de construire est conforme au PLUi, un ou deux riverains refusent à d’autres le droit d’habiter au même endroit. Différents recours ont été formulés, la règle a manifestement été bien appliquée, nous y avons répondu avec les instructeurs de Grand Lac. Forcément, faire peur aux gens c’est une chose, les réponses techniques et juridiques sont plus difficiles à partager que la peur. » Selon le maire, non seulement le promoteur a rencontré les riverains en amont de la construction, mais bien plus, une somme a été inscrite pour aménager la voirie aux abords de ce programme de deux bâtiments de six logements. « Cela va considérablement améliorer l’attractivité de Mouxy de faire venir de nouveaux habitants, tout autant que les recettes de la commune. » Bien sûr, il va falloir mettre les passants en sécurité, créer des trottoirs, mais pour Laurent Filippi, cela est une conséquence du mandat précédent qui « n’a pas fait de travaux en 4 ans alors qu’ils étaient prévus à leur budget ! Nous sommes arrivés avec 220 000 euros d’excédent ! Une commune n’a pas pour but de faire des bénéfices. Il faut entretenir, faire la maintenance sur les bâtiments, les systèmes, la formation des agents qui pour certains n’avaient pas été formés depuis 10 ou 15 ans. Donc je ne suis pas d’accord avec leur bonne gestion. Il a fallu redéployer un personnel fatigué, et nous avons fait en sorte d’améliorer leurs conditions de travail, de les équiper pour le télétravail, de mettre en réseau et en sécurité les données. Je ne veux pas rajouter d’huile sur le feu, mais l’ancienne équipe a mis la pression a tout le monde. Avec son attitude d’attaques, ce sont les Moussards qui sont pénalisés. Nous voulons vivre avec notre temps, faire vivre et dynamiser Mouxy et pour cela il faut investir, se mettre aux normes. La commune est en retard sur tout ! » regrette-t-il. Difficile communication, quand les méthodes et les visions ne sont pas les mêmes, et que l’équipe sortante se retrouve de l’autre côté de la barre. Les semaines à venir, avec la tenue d’une nouvelle séance du conseil, des réponses aux questions posées et peut-être du mouvement dans l’équipe majoritaire suffiront-elles à apaiser ce climat de tensions ?
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