Cela fait maintenant depuis lundi 15 mars que le théâtre Malraux est occupé par le monde de la culture. Jour et nuit, les intermittents du spectacle et ceux qui n’en ont pas le statut mais font partie de la famille, les chanteurs, danseurs, musiciens, comédiens, occupent le sol plutôt que la scène. Sans nouvelles réjouissantes, sans ouverture d’horizon, sans date de retour à une forme de normalité où ils pourraient enfin retravailler. Réunis en collectif « Préc-Art-Ités en lutte, unissons », ceux dont le métier est de donner le sourire n’ont plus le cœur à la fête depuis – trop – longtemps.
Depuis le début de la crise sanitaire, les cris de détresse des intermittents du spectacle et autres artistes n’ont pas réussi à faire fléchir la décision de fermeture des salles de spectacle. Nous avons porté la parole de ces artistes désemparés, dont le statut avait été reconduit pour une année « blanche », mais un après le début de la crise, leur situation n’est plus tenable. Alors, quand l’Odéon à Paris a été occupé, l’initiative a rapidement fait boule de neige, jusqu’à la scène nationale de Malraux, le 15 mars dernier.
« Joyeux 1 an (de prison) »
« Nous, artistes, compagnies, techniciens, enseignants et étudiants dans la musique, le théâtre, la danse, le cirque, organisateurs de spectacles, bénévoles d’associations et collectifs culturels, avons décidé ce lundi 15 mars, dans le sillage de nombre de nos collègues à travers la France, d’occuper La Base à l’Espace Malraux en concertation avec son équipe dirigeante. » Voilà comment démarrait la semaine chambérienne du monde du spectacle vivant, avec des pancartes et des mises en scène de fête d’anniversaire « joyeux 1 an (de prison) » pouvait-on lire, çà et là. Un an sans travailler, sans jouer, sans sentir l’émotion des spectateurs. Certains ont pu poursuivre répétitions et résidences, mais quel sens cela peut avoir si personne ne pourra les voir performer sur scène ? Au départ, le mouvement avait démarré à la MJC de Chambéry, puis s’est décalé sur Malraux, pour que l’impact du mouvement soit plus fort, plus visible. « Mais toutes les autres salles peuvent être occupées », explique Delphine, artiste musicienne, chanteuse et membre d’une petite compagnie à Chambéry, « si on doit le faire, on le fera. Nous n’avons aucune hostilité, nous occupons les lieux avec l’accord de la directrice. Moi, ce qui m’anime en tant que citoyenne, c’est de réunir un maximum de personnes de tous milieux professionnels pour défendre une cause commune. » Car les assemblées générales ont lieu chaque matin à 11h et sont ouvertes à tous, « pour que les gens viennent voir, échanger et parler de leurs problématiques, tous les oubliés du système, nous avons nos revendications, mais on a souhaité ouvrir un peu plus, aux étudiants, aux infirmières, par exemple » même s’ils sont en grande majorité du milieu culturel. Jour et nuit, ils se relaient, dorment sur place, organisés avec lits et nourriture, et n’ont pas l’intention de bouger de là « On reste ici jusqu’à nouvel ordre », précise Delphine. Du côté de Malraux, en effet, un message avait été posté sur les réseaux sociaux au premier jour de l’occupation « L’équipe de Malraux affirme sa solidarité et son soutien à cette mobilisation des artistes et des professionnels en situation de précarité. Cette coordination a été accueillie dans le dialogue car nous partageons un objectif commun : que revive au plus vite le spectacle vivant. Cet acte de mobilisation a aussi pour objectif d’interpeller le gouvernement sur la gravité de la situation et sur l’amélioration des droits des intermittents touchés par la crise sanitaire, en particulier la prolongation de l’année blanche. Il a été acté que cette occupation s’effectuerait dans le respect des consignes sanitaires et dans des espaces du théâtre permettant la continuité du travail des équipes et de l’activité artistique. » Interrogée par nos confrères de France 3, Marie-Pia Bureau a confirmé le 19 mars, que « la première chose serait de parler aux professionnels intermittents » à l’approche de la fin de cette année blanche, « il y a un manque de parole […] ce qu’on aimerait c’est pouvoir travailler sérieusement un protocole de la réouverture, et pour l’instant, on n’a aucun horizon, ça c’est difficile pour tout le monde. » a-t-elle fait valoir.
Réouverture des salles, revendication majeure
Sur la route de l’AG du matin, Loïc nous précise que ces premiers jours ont été utiles pour que les revendications soient plus précises « C’est ciblé sur la réouverture des salles, et on espère que l’AG de dimanche matin apportera de quoi alimenter l’assemblée citoyenne de l’après-midi, à 14h devant Malraux. » HK et les saltimbanques, le groupe nordiste aux multiples facettes artistiques sera présent lors de cette grande assemblée, comme il le fait dans d’autres villes de France, mercredi 17 à Montpellier, samedi 20 aux Vans en Ardèche. Un seul mot d’ordre : « laissez-nous travailler ! » ce que disaient peu ou prou l’ensemble des artistes que nous avons interrogé tout au long de cette longue année de crise. Pour l’heure, pas de nouvelles des institutions, « il faut dire que nous n’avons pas encore fait remonter nos revendications, ni sollicité les instances nationales, nous attendions que cela se précise pour le faire », renchérit Loïc. Côté municipalité, Aurélie Le Meur et Jean-Pierre Casazza se sont rendus à l’AG du mardi 16 mars, le maire ayant adressé fin février une lettre ouverte à la ministre de la culture afin de proposer une expérimentation de réouverture de lieux culturels à Chambéry, jusqu’ici restée sans réponse.Samedi 20 mars, le collectif « Préc-Art-Ités en lutte, unissons » sera présent sur la manifestation contre la loi de sécurité globale « pour la convergence des luttes », précise Loïc, après avoir déjà rejoint la manifestation des Youth For Climate du 19 mars, place du palais de justice. En attendant d’avoir au moins la garantie que leur statut d’intermittent sera reconduit, que leur mouvement sera entendu et compris, les artistes Chambériens semblent déterminés à tout mettre en œuvre pour faire réapparaître la culture dans le quotidien – complexe – de leurs concitoyens.
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