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Profession discrète et méconnue, les commissaires aux comptes veulent se montrer sous une apparence moins austère

Par Jérôme Bois • Publié le 17/03/21

Alors que se profile la coupe de France des instituts d’administration des entreprises (IAE) organisée par l’Université Savoie-Mont-Blanc, dont la CRCC est partenaire, la profession des commissaires aux comptes se mobilise afin de montrer son activité sous un jour nouveau. Le président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes Dauphiné de Savoie affiche la volonté de faire la lumière sur un métier méconnu, discret, que l’on pourrait même considérer comme mal nommé.
Ni sexy ni attractifs, les métiers de la comptabilité mais indispensables et multitâches. Encore faut-il le savoir. La compagnie régionale des commissaires aux comptes de la région Dauphiné-Savoie (CRCC), née de la fusion des CRCC de Chambéry et de Grenoble en novembre 2020, s’attelle à rendre public et digeste un métier aux contours indistincts, celui de commissaire aux comptes. 

« Nous avons la volonté de communiquer »

La CRCC Dauphiné-Savoie rassemble 450 personnes physiques, 270 personnes morales, contrôle une dizaine de milliers de mandats sur l’ensemble du ressort, « le spectre est large » , sourit Philippe Machon, président de la compagnie. « Les clients que nous contrôlons représentent 67 milliards de chiffre d’affaires et 300 000 salariés » , ça dit quelque chose de l’importance du CAC. Mais qu’en savons-nous réellement ? Pas grand chose, « faites un micro-trottoir, vous verrez que la plupart des gens ignorent tout de nos activités », insiste le président. Pas faux. Du reste, l’appellation un poil barbare (un commissaire, vraiment ?) porte en elle quelque chose de dissuasif. Gendarme de la finance d’une entreprise ? Ce serait presque ça. Heureusement, c’est aussi bien d’autres choses. « Nous avons la volonté de communiquer », assène-t-il, l’envie d’expliquer à quel point la loi Pacte a été « un séisme » dans le petit monde de la comptabilité mais aussi une chance.Pour mémoire, la loi « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », votée en novembre 2017, a largement modifié le paysage de ces métiers ; les seuils ont été relevés pour tous les types d’entreprises (les SA, SARL et SAS). Désormais, le commissaire aux comptes intervient auprès d’une entreprise présentant au minimum deux des trois critères suivants : 8 millions d’euros de chiffre d’affaires, 4 millions d’euros de total bilan et 50 salariés*, ce qui semble exclure de nombreuses petites entités. « Cette loi a fait diminuer de 70% le nombre de nos mandats et 50% de notre chiffre d’affaires, c’est énorme… Ce qui était obligatoire est désormais facultatif » pour les entreprises en-deçà de ce minimum. En conséquence de quoi « il nous faut communiquer » pour garder le contact avec les structures de plus petite taille. Et tant pis si le risque avec cette loi controversée est de « baisser la qualité des comptes ». Dur pour une profession indépendante, dont la liberté d’intervention aboutit à un niveau d’exigence extrême, dur pour une profession que Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, définissait comme « les sentinelles de l’économie ». 

Philippe Machon, président de la CRCC Dauphiné Savoie.

« Créateurs de confiance »

« Notre triptyque est la certification des comptes, la prévention des difficultés et la révélation des faits délictueux et la loi Pacte a ouvert ce champ » , énumère Philippe Machon. Aujourd’hui, avec cette loi, dont les bénéfices ne peuvent être passés sous silence, « nous sommes à même de réaliser des diagnostics sur la cybersécurité, depuis janvier 2021, nous pouvons effectuer des examens de conformité fiscale, même si ce ne sont pas nos missions de bases » , détaille-t-il. Ce champ d’actions élargi, la CRCC, dépendant du ministère de la Justice**, a pris contact avec les présidents des chambres de commerce et d’industrie des cinq départements concernés***, avec les différents tribunaux de commerce, s’est liée avec les Parquets, avec les banques, même, « car elles sont un partenaire privilégié des entreprises, et nous pourrions collaborer sur des thématiques comme les délais de paiement, les attestations de conformité fiscale, etc. Enfin, nous intervenons également dans la lutte contre le blanchiment bien que nous soyons encore faibles en termes de nombre de révélations » , poursuit Philippe Machon. « Nous voulons donc montrer ce que nous sommes capables de faire ». La loi Pacte a eu ses mauvais côtés, il a aussi ses bons aspects. Et tout cela s’opère en toute indépendance. « Nous sommes rémunérés par le client, nous ne sommes pas une mission d’Etat. Et malgré ce, si nous sommes en désaccord avec les comptes du client, nous pouvons le dire ». « Créateurs de confiance » dit le slogan de la CRCC, « cela traduit bien la confiance que nous devons apporter à l’entreprise et à son environnement ». Contactée par l’Université Savoie-Mont-Blanc, la CRCC a accepté de parrainer la coupe de France des IAE (instituts d’administration des entreprises), ajoutant de la visibilité à sa force de frappe. Une compétition sur deux axes, sportif et culturel. Les universités françaises en découdront les 26, 27 et 28 mars avant une remise des prix prévue début mai. Pourquoi participer à cette opération, annulée en 2020 et revisitée pour cette édition ? « Parce que nous sommes préoccupés pour les générations futures, nous avons la volonté de montrer qu’il y a de l’avenir à travailler dans notre secteur, où le chômage reste faible ». Les IAE préparent à rejoindre des professions de la finance, du management, de l’audit, des secteurs qui ne connaissent pas la crise, la filiation entre cet événement et la CRCC a donc du sens. Et de l’avenir.

* Auparavant, on faisait appel aux CAC dès 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et un million de total bilan pour les sociétés par actions simplifiées (SAS), 3,1 millions d’euros de CA et 1,55 million de total bilan pour les SARL. Cette loi avait été vertement contestée par les professionnels du chiffre, ceux-ci regrettant « un passage en force » .
** Les experts comptables dépendent du ministère de l’économie et des finances.
*** La CRCC Dauphiné-Savoie couvre les Hautes-Alpes, la Drôme, l’Isère et les deux Savoie.

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