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« Chambéry à Venir », ou l’éveil à la citoyenneté de tout un quartier

Par Jérôme Bois • Publié le 28/04/21

Créé à l’orée de la campagne des municipales, à la fin de l’été 2019, le collectif Chambéry à Venir s’est depuis fait un nom, par son abattage auprès des habitants, par son message aussi : la citoyenneté commence en allant voter. Depuis, il a fait du chemin et le voici amené à jouer un rôle déterminant dans l’avenir des Hauts de Chambéry. Cela pourrait même passer par les élections départementales, qui sait…
Ils ne sont pas tous restés, certains ont quitté le navire pour divergence de vues, des divergences qui portaient sur la coloration politique à donner à ce collectif qui n’en a jamais voulu. Radia Ghani, Omar Belarouci, Salim Bouziane, Mohamed Daif, pour ne citer qu’eux, étaient tous à la génèse de Chambéry à Venir, un collectif bâti pour « faire prendre conscience aux gens de l’importance du devoir de citoyen ». Nous étions en septembre 2019, à la veille de la compagne des municipales, dont les Hauts de Chambéry allaient (re)devenir cette terre traditionnellement à conquérir pour tout candidat qui se respecte. « On sait qu’on est en campagne lorsqu’on voit les candidats venir au marché, nous disent les habitants » , souffle Mohamed Daif. Tout un symbole. 

Les sept candidats aux dernières municipales chambériennes et les membres de Chambéry à Venir.

Haro sur la récup’

Sur les Hauts, le clientélisme passe mal, les parades des postulants ont fini par user le Chambérien des Hauts, abusé ou étourdi par les promesses, les entreprises de séduction lorsque le reste du temps, le quartier se dit livré à lui-même. « Le quartier subit la politique à tous les niveaux, il est pourri par la récupération ». Sentiment tenace ; les Hauts n’intéresseraient donc que lorsque le calendrier électoral l’impose. Il en résulte une défiance, au mieux, un rejet, la plupart du temps, de ces parades, de la politique et par conséquent, du devoir de citoyen. « Dans les quartiers populaires, les zones plus défavorisées, on constate de façon flagrante l’absence de toute action politique. Sur les Hauts on a fini par entendre beaucoup de gens s’en plaindre, se dire dégoûtés ». Rien de tel qu’une élection pour raviver le « tous pourris ». 
Fort de ce constat, assez regrettable il est vrai, le collectif est né. « Nous voulions être présents, montrer que nous étions là et inciter les gens à aller voter » , rembobine Radia Ghani. « Avec les instigateurs du collectif, nous avons œuvré à raviver cette envie de citoyenneté. Nous avons inscrit 200 personnes sur les listes électorales, imprimé des tracts pour expliquer l’importance d’un vote, fait du porte-à-porte, occupé les marchés et ce tout au long de la campagne ». Inciter sans plaider pour tel ou tel candidat, Chambéry à venir s’en est toujours tenu à sa neutralité. « Certains membres voulaient soutenir la liste de Thierry Repentin, ce n’était pas notre objectif » , se remémore Radia Ghani, « ils sont partis, nous avons continué le travail ». Et plutôt bien puisque ce travail de longue haleine a permis de raviver (un peu) la flamme sur le quartier, avec en point d’orgue ce débat du 27 février, organisé par le collectif au Scarabée ; y figuraient les sept candidats. « Aucun média n’avait couvert l’événement mais les gens nous ont félicité pour cette action. Les habitants ont eu un temps d’échange nécessaire avec les candidats, nous sommes très fiers de l’avoir fait ». 

« Faire bouger les lignes »

Des membres du collectif en visite au Biollay, le 22 mars dernier.
La fin de la campagne et l’élection d’une nouvelle équipe n’a pas pour autant atténué l’énergie de Chambéry à Venir, bien au contraire. « On a sensibilisé, utilisé les réseaux sociaux pour dire qu’être citoyen, ce n’était pas seulement aller voter » , ajoute Radia. Donner son avis, être acteur de son quartier, voilà ce que préconise le collectif. Ainsi, le 3 avril dernier, il a participé à la Cleanwalk, opération de nettoyage des rues et de ramassage des déchets. Il informe régulièrement des activités organisées dans le quartier, soutient le monde associatif local, interroge l’habitant sur ses désirs, ses espoirs… Peu à peu, son influence grandit et attise les convoitises. « Jusqu’à présent, cette majorité n’a pas beaucoup bougé, elle n’a peut-être pas conscience de nos besoins et des enjeux d’un tel quartier » , constate Mohamed. C’est pourquoi alors qu’approchent les campagnes des départementales et des régionales, les sérénades sous le balcon du collectif s’intensifient. « Les tentatives de récupération n’ont pas cessé entre les municipales et les départementales, de la part de presque tous les candidats » , abonde Radia, « moi-même j’ai été approchée pour les Régionales ». L’ancrage territorial, la proximité avec les habitants conféraient à ses membres une aura particulière, une utilité à exploiter, « mais on ne veut plus être des faire-valoir ni des suppléants ». Alors leur est venue l’idée d’aller eux-mêmes se confronter au verdict des urnes, il reste à la concrétiser. « Entrer en politique, c’est donner l’exemple, montrer qu’on peut être acteur sans avoir fait sciences politiques ». Le constat est clair pour Radia, « il est impossible de savoir ce qu’il se passe au Département, notamment en commission. Nous voulons de la transparence » , assène-t-elle. Même constat chez son collègue : « Quand on s’approche de ce conseil départemental, on a le sentiment d’une secte, tout est hermétique, les citoyens sont loin de tout alors que c’est de l’info citoyenne ». La conclusion est qu’il vaut encore mieux y être pour « changer tout ça » et « faire bouger les lignes ». Un ligne qui pourrait être celle du cumul des mandats, une hérésie qui atténue toute crédibilité aux politiques, selon eux.

Départementales : ira ? Ira pas ?

C’est pourquoi le collectif envisage très sérieusement la possibilité de se montrer lors de ces élections, sur les Hauts (Chambéry 1) et au Biollay (Chambéry 3). Rien n’est encore acté, « nous sommes novices, on ne maîtrise pas tout » , sourit Radia Ghani, mais l’envie y est, elle transpire depuis le début d’année. « Tout le monde peut être élu » , confie-t-elle même si l’on n’appartient à aucun appareil. « Il n’y a aucun opportunisme dans notre démarche, nous avons nos vies, notre action est bien perçue, on montre l’exemple bien que n’étant pas politisé ». 

La photo de famille du conseil départemental. Et ce sentiment tenace, pour le collectif, la diversité n’est pas au rendez-vous.

Lorsque l’on observe la photo de classe du conseil départemental, nous fait remarquer Mohamed, « on n’y voit pas de diversité alors qu’on en parle à longueur de journée. C’est sans doute de notre responsabilité car nous n’étions que des clés pour les autres pour aller chercher des populations qui leur étaient moins accessibles ». Taxé parfois de communautarisme pour avoir refusé toute association, Chambéry à Venir doit combattre les raccourcis. « Parfois, j’ai l’impression qu’on fait peur, je ne comprends pas pourquoi. Si les gens croient en nous, c’est tant mieux. Il faut dire aux gens de notre communauté que l’on peut y arriver grâce à leur mobilisation ». Le cas échéant, « nous serons attentifs aux actions menées et demanderons des comptes aux vainqueurs ». « Nous ne voulons aucune alliance : l’important, c’est le message que nous souhaitons transmettre » , poursuit Radia Ghani. « Nous voulons être dans quelque chose de vrai, de concret ». Il reste une semaine à ce collectif pour affiner ses ambitions politiques et officialiser sa participation aux Départementales de juin. Ou alors, il sera temps de se recentrer sur sa mission première, transmettre le principe de citoyenneté dans tous les logements des Hauts et du Biollay. 

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