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Chambéry : le Préfet s’oppose à l’autorisation de travaux d’aménagement des locaux d’Al Andalous
Par Jérôme Bois • Publié le 26/04/21
Le 25 mars dernier, l’association Al Andalous annonçait, non sans fierté et soulagement, que les travaux d’aménagement de ses futurs locaux pouvaient débuter. Par arrêté municipal en date du 8 février 2021, le maire, Thierry Repentin, avait en effet autorisé ces travaux, ce que son prédécesseur n’avait pas consenti à faire. Fin de l’histoire ? Certainement pas puisque lundi 26 avril, nous apprenions que le Préfet de Savoie avait déposé un recours gracieux contre cet arrêté, adressé directement à la mairie de Chambéry.
Le soulagement n’aura été que de (très) courte durée pour l’association Al Andalous qui, via quelques clichés, montrait avec délice l’avancement des travaux d’aménagement de ses futurs locaux. Le 25 mars, l’association se disait heureuse car elle avait enfin « reçu toutes les. autorisations pour pouvoir commencer les travaux dans nos locaux et pouvoir ouvrir dès que possible ». Elle rappelait en préambule qu’ « après le mutisme de l’ancienne équipe de la mairie de Chambéry » , le dialogue avait enfin pu se nouer « avec la nouvelle municipalité et plus particulièrement avec les adjoints au maire, Sophie Bourgade et Farid Rezzak que nous avons pu rencontrer à plusieurs reprises ». Tout semblait donc aller pour le mieux après des mois de combat sur les terrains juridique et judiciaire, de doutes autour des activités de cette association, après la perquisition de l’un des salariés d’Al Andalous, Farid Slim, directeur pédagogique et enseignant, en décembre 2020, perquisition dont le parquet de Paris, début février, avait reconnu le caractère injustifié. C’était promis, plus aucune anicroche ne viendrait polluer l’horizon d’une association symbole du lien social tissé dans le quartier.
Al Andalous, plusieurs mois dans l’œil du cyclone
Et puis voilà que Pascal Bolot, Préfet de Savoie, ébranle, sur la foi d’un recours gracieux*, tout le frêle édifice. Ce recours vient contrer l’arrêté municipal du 8 février 2021, pour des raisons purement urbanistiques dont nous n’avons pas le détail au moment d’écrire ces lignes. Mais, insistons sur ce point, seuls des éléments urbanistiques ont motivé cette démarche. Il faut se souvenir qu’Al Andalous avait été indirectement impliquée dans les défaillances multiples du centre social des Combes (lire notre article du 9 février 2021), qui lui avait permis d’occuper sans convention les locaux de Pugnet à l’automne dernier. Elle disposait pourtant – après le refus de l’ancienne majorité de lui en attribuer – de locaux, place du Forum, ancien établissement bancaire, ils n’attendaient alors plus qu’une autorisation municipale pour que des travaux d’aménagement y soient entrepris. Ce que refusera de faire Michel Dantin durant de longs mois, jusqu’à son départ de la mairie. Les motivations de l’ancien maire portaient sur le caractère prétendument religieux de ses activités**. « Nous ne pratiquons pas de culte, nous étudions l’islam et organisons des séjours pour les adolescents et les familles » , se justifiait à l’époque Teddy Dupin, vice-président. « Avec Michel Dantin, nous n’avions pu avoir aucune discussion ou temps d’échange. Une association musulmane, ça crée des peurs » , s’indignait-il, début février. Aujourd’hui, le dialogue a repris depuis le changement de têtes à la mairie : « Lorsqu’on a rencontré les nouveaux élus, nous avons pu dire qui nous étions, ce que nous faisions, ils ont été rassurés. Ils ont bien vu que nous respections le cadre légal, républicain, laïc, que notre dossier respectait toutes les règles. Légalement, le refus de l’ancienne majorité ne reposait sur rien ». Sur le recours gracieux déposé par le Préfet, Teddy Dupin estime ses motivations « tout aussi légères. Certes, ce n’est pas une injonction mais un recours gracieux. Or, je rappelle que les services de l’Etat ont bien validé ce dossier. Ce recours ne nous étant pas adressé, nous allons continuer. Franchement, ça pose question » , conclut-il. Une question que ne se pose pas Aloïs Chassot, conforté en tant qu’élu de cette ancienne majorité. « Ce recours démontre que notre refus de l’époque était déjà justifié, ça nous conforte dans l’action que l’on avait menée ». Il s’avoue néanmoins surpris de cette démarche « compte tenu de l’arrêté pris par la ville » , arrêté dont il n’avait pas eu connaissance mais sensé déjà répondre à toutes les exigences en matière d’urbanisme.
« Nous allons instruire ce dossier sérieusement »
Pour la municipalité, ce dossier n’est pas jugé « insurmontable ». Le courrier du Préfet est arrivé lundi 26 avril sur le bureau du maire, « nous ne réagirons pas trop vite, nous prendrons même tout le temps nécessaire » pour répondre aux préconisations urbanistiques inscrites sur le courrier, des considérations qui avaient, nous dit-on, bien été étudiées en amont. Il faut savoir que dans le cadre d’une autorisation de travaux sur un établissement recevant du public, le maire bénéficie d’un pouvoir délégué par les services de l’Etat après avis rendu par deux sous-commissions, à la sécurité et à l’accessibilité. A l’origine, l’avis rendu avait été favorable. Les deux sous-commissions avaient-elles suffisamment bien évalué les points d’urbanisme justifiant le recours gracieux ? Le Préfet peut-il avoir dès lors agi sous la pression, après l’affaire Albertville qui a tant défrayé la chronique début avril*** ? « La ville ne peut, de toute façon, qu’appliquer le droit, ce dossier étant strictement urbanistique, nous n’avons que le droit d’urbanisme à appliquer. Nous allons donc instruire ce dossier sérieusement de façon à répondre à chaque point ». Puisqu’en l’état, un maire ne peut pas refuser cette autorisation de travaux pour d’autres motifs. Thierry Repentin a désormais deux mois pour répondre. La première phase des travaux d’aménagement (consistant à enlever l’existant) suit quant à elle son cours.
* Le recours gracieux est une démarche amiable qui permet de saisir le maire qui a délivré une autorisation pour lui demander de l’annuler. Le maire a alors deux mois pour annuler l’autorisation d’urbanisme ou rejeter la demande de recours. En cas d’absence de réponse, la demande est rejetée. En cas de rejet, vous avez deux mois pour introduire un recours contentieux devant letribunal administratif (retrouvez l’ensemble de la démarche ici).
** Al Andalous a été classée dans la rubrique « spiritualité et religion » sur le portail de la ville tandis que la Préfecture nous informait, début février, qu’elle avait été reconnue comme culturelle et non cultuelle.
*** Pour mémoire, Frédéric Burnier-Framboret avait refusé à l’association CIMG le permis de construire d’une école islamique turque de 16 classes et de 400 élèves. Décision motivée uniquement par des considérations urbanistiques alors que ses craintes portaient davantage sur le vivre-ensemble, le risque de siphonnage des effectifs des écoles publiques alentours et l’équilibre social général d’un quartier prioritaire. Or, depuis, un amendement a été déposé pour inscrire à la loi Séparatisme la possibilité de s’opposer à une ouverture d’école hors contrat sous influence étrangère. Pour en savoir plus, retrouvez nos articles des 9 et 12 avril.
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1 commentaire
paul
26/04/2021 à 20:51
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Le Petit Reporter
26/04/2021 à 22:12
Bonsoir, cela nous a été confirmé par les services préfectoraux eux-mêmes. Pour la Préfecture, il s'agit d'une association culturelle.
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Unknown
30/04/2021 à 17:37
Concernant les rubriques et journal officiel des associations.
Tout cela relève du déclaratif.
..."** Al Andalous a été classée dans la rubrique "spiritualité et religion" sur le portail de la ville tandis que la Préfecture nous informait, début février, qu'elle avait été reconnue comme culturelle et non cultuelle." ...
N'est ce pas là une dicotomie ?