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Contrat passé avec Q Park : « ce sont les Chambériens qui surpaieront l’addition », s’indigne l’opposition
Par Jérôme Bois • Publié le 13/04/21
Comme si le vote d’un budget de crise, de transition, de combat ne suffisait pas, un autre thème, presque aussi vieux que nous, a resurgi des profondeurs. On plaisante à peine, la négociation avec Q Park ne pouvait que faire renaître ces grands débats façon attaque-défense, durant lesquels une minorité s’ingénie à rivaliser de synonymes et d’hypertrophie verbale pour qualifier un accord qui devait sceller le dossier du parking Ravet. Avec gourmandise, Aloïs Chassot et les siens se sont emparés de la délibération n°18, celle que nous vous présentions le 7 avril, lors de la dernière séance du conseil municipal, lundi 12 avril. Fin du débat désormais ? Non, le début « de la facture » pour les Chambériens, selon l’opposition.
La visite courtoise mais fermement déterminée d’une délégation formée de Cap à gauche, du NPA, de la France insoumise et d’Alternatives et autogestion, mardi 6 avril, en mairie avait donc valeur de galop d’essai pour Martin Noblecourt et l’ensemble de la majorité. Car derrière ces courtoisies se cachaient des intentions bien moins amènes de la part d’ « Aimer Chambéry, c’est agir pour vous ». Six jours plus tard, donc, à l’occasion de la séance du 12 avril, la délibération n°18 fut posée sur la table.Il était question du fruit des négociations passées entre la ville et Q Park, société gestionnaire du parc de stationnement chambérien (en dehors du parking du Palais-de-Justice), du préjudice financier total* pour celle-ci, suite aux arrêts intempestifs du chantier Ravet – entre les recours et la concertation – et des moyens mis en œuvre pour parvenir à un accord satisfaisant pour les deux parties. C’est donc cet avenant au contrat de DSP qui était présenté.
Cuisine de chiffres
Benoît Perrotton mit du cœur à l’ouvrage, en qualité d’ancien adjoint aux finances, à déconstruire cet avenant pour, in fine, dénoncer un contrat « flou, dont on ne sait rien » et jugé au bénéfice de Q Park à défaut d’être à celui des Chambériens. Il dénonçait une délibération « qui a déterminé le budget principal de la ville » , par son ampleur financière, « donnant lieu à une épargne nette négative, issue de votre négociation avec Q Park » , ampleur dont il allait faire la démonstration ensuite. « En premier lieu, la perte de recettes 2020 par rapport à 2019, liée à la crise Covid, détaillée par le délégataire s’élève à 859 000 euros. Comment les indemnisez-vous ? » Par la suppression de la taxe foncière et de la taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères, en 2020 et 2021. Et par le paiement de la moitié, en 2022. « Si l’on chiffre tout ça, en 2020, 400 923 euros en dû sur le CA 2020, 399 000 euros en 2021, 200 000 euros en 2022. Si vous faites le total, cela fait 999 923 euros de remise, pour indemniser une perte de 859 000 euros ». L’annexe présentant le tableau d’exploitation qu’envisage Q Park jusqu’en 2048, terme du contrat, intéressa également l’élu. « On lit à la ligne recettes qu’en 2019, Q Park a perçu 3,269 millions, en 2020, c’est 2,718 millions d’euros, soit un écart de 551 000 euros. Alors, la perte de recette est-elle de 859 000 ou de 551 000 euros ? » En résumé, « Q Park indique une perte de recettes de 859 000 euros alors que le chiffre réel est de 551 000 euros et la ville, elle, indemnise à hauteur d’un million d’euros ». Quant au préjudice lié à l’arrêt du chantier du parking Ravet, « il s’établit à 2,474 millions d’euros ; il inclut la compensation des taxes d’aménagement et d’archéologie (724 000 euros). La solution ? La redevance annuelle fixe passe de 260 000 à 185 000 euros par an, le delta est donc une baisse drastique de 75 000 euros. Sur la durée résiduelle du contrat (27 ans), cela représente donc 2,025 millions d’euros de remise. Donc pour compenser 2,474 millions d’euros, il est ristourné à Q Park des taxes pour 724 000 euros et 2,025 millions d’euros, soit 2,749 euros. Je vous fais l’écart, il y a encore 275 000 euros de trop-versé ». En ajoutant l’écart de 450 000 euros (1 million – 551 000 euros), « cela donne 725 000 de trop versé ». Benoît Perrotton poursuivit sa peu digeste démonstration : « Vous prolongez d’un an la durée de contrat, en 2048, Q Park se verra verser un cash flow (solde comptable indiquant la capacité d’autofinancement d’une entreprise) de 5,7 millions pour l’exploitation de sa DSP extrapolée à 12 mois (cette dernière année de contrat s’arrêtera en août 2048, NDLR). C’est donc un bénéfice supplémentaire de 5,7 millions que Q Park se verra verser ». Enfin, la compensation de 40% sur des recettes supérieures à 5,5 millions « ne se déclenchera jamais, à quoi bon l’avoir négociée ? »
« Cet avenant prouve que vous avez menti »
En définitive, « vous avez reconsidéré le contrat avec un bonus de près de 10 millions d’euros en faveur de Q Park, jamais personne n’aurait revalorisé à un tel niveau un contrat de DSP ; je dirais que ce dossier est à l’image de l’exploitation que vous avez fait du parking Ravet pour remporter la mairie, c’est flou, c’est incohérent, c’est incompréhensible ». Ce sont « les Chambériens et les automobilistes qui surpaieront l’addition ».
Martin Noblecourt, adjoint en charge de l’administration générale et de la commande publique, partageait bien les réticences affichées par l’ancien adjoint aux finances, ce contrat ayant toujours été décrit comme un pesant « héritage » , il justifia ces compensations par la négociation « d’un package global avec coût Covid, coût Ravet et taxe d’aménagement face un autre package de compensation ». Il regretta « des projections, des conjectures sur plusieurs décennies: nous étions pris par un contrat en place, un contrat à vie, quasiment. A partir de là, on a essayé de se garantir d’un enrichissement supplémentaire de Q Park, c’est une clause de protection. L’idée est de coller au niveau de rémunération du délégataire, telle que prévu au contrat originel. Ce sera revisité annuellement en comité de suivi ». Des clauses de revoyure « prévues par vous à l’origine. Si ça venait à ne pas suffire, nous en serions collectivement responsables, vous et nous ». C’est ensuite Aloïs Chassot qui prit le relais, dans un style bien moins comptable que fantassin, celui qu’on lui connaît : « Cette délibération n’est pas la fin du feuilleton mais bien le début, le début de la facture pour les Chambériens. Vous aviez dit le 19 octobre que ce n’est pas au contribuable de régler la note, pas un centime ne sera demandé au budget et aux Chambériens. Cette délibération nous montre donc que vous avez menti ». L’impact est selon lui, « au-delà des montant affiché. Vous saviez dès juillet combien l’arrêt du chantier allait coûter : cher, très cher. Ce soir, nous apprenons que ce sont plusieurs dizaines de millions d’euros qui iront dans les poches de Q Park. C’est cet avenant qui rend le contrat de DSP toxique ». Il s’attaqua même à Marielle Thievenaz, à qui il demanda « la justification de la disparition miraculeuse des recours pour un parking qui n’a pas bougé d’un iota ». Membre du collectif du Faubourg Nezin, la néo-élue fut en effet à l’origine de nombreux recours déposés pour empêcher la construction du parking.
« Vous avez monté un beau scenario »
« Vous avez réussi l’exploit, finalement, de mécontenter tout le monde » , résuma Philippe Cordier, « les partisans du projet, que nous sommes, qui vous reprochent un retard de six mois dans la réalisation de ce projet, retard qui va coûter cher aux Chambériens. Vous mécontentez également les opposants sincères qui vont voir se construire le parking à l’identique et qui auront tout le loisir de méditer la maxime, selon laquelle les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Vous avez en outre décrédibilisé le processus de concertation, qui s’est révélé être une manipulation ; vous en avez écarté dès la première réunion, les paramètres financiers, pourtant et de votre propre aveu, les critères déterminants de votre décision ». Mais même si Aloïs Chassot en appela à la conscience et aux valeurs de tous et réclama que chacun vote contre « et pas à bulletin secret » , la délibération n°18 fut approuvée. Thierry Repentin pouvait dès lors conclure en invoquant le passé : « Vous avez monté un beau scenario ce soir pour tenter de faire oublier le pêché originel, l’accaparement d’un chèque pour la perception pendant trente ans des recettes de stationnement sur la ville, c’est le même scenario que la vente des sociétés autoroutières par l’Etat il y a quelques années, qui a été rejetée par l’ensemble de nos concitoyens. Nous aurions préféré ne pas avoir à trouver sur notre bureau ce type de contrat, très structuré, comme des emprunts l’étaient, qu’on a qualifiés de toxiques. Et celui-ci le restera. Nous y reviendrons par plusieurs avenants dans les années qui viennent à chaque fois qu’il sera question du stationnement ». Ce contrat, de nombreuses équipes municipales auront à faire avec, signalait-il, « le succès du remplissage sera aussi le succès des recettes municipales » car « la part variable qui sera pour les équipes qui arriveront après nous plus favorable que ce qu’il y avait jusqu’à présent dans le contrat ».Alors, fin du débat ou début seulement des hostilités ?
* Retrouvez les éléments financiers et les conditions de cette négociation dans notre article du 7 avril.
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