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La classe politique savoyarde au chevet de Frédéric Burnier-Framboret

Par Jérôme Bois • Publié le 12/04/21

La mobilisation des élus savoyards suite à la tribune publiée par le Figaro, dans son édition du 9 avril, en ligne depuis la veille sur son site, a très vite pris corps. Frédéric Burnier-Framboret, maire d’Albertville, a ainsi pu compter sur de nombreux soutiens, dans le microcosme politique après son appel au gouvernement. En cause, le permis de construire d’une école de 400 élèves au cœur d’un quartier prioritaire de la ville, que l’édile devra accorder à CIMG, sur décision du tribunal administratif de Grenoble. Une affaire d’Etat, désormais. Et c’est peut-être bien là le problème…

Hervé Gaymard
Trois jours après la médiatisation de cette tribune d’une grosse page, écrite par Frédéric Burnier-Framboret, maire d’Albertville, pour le Figaro, le débat n’existe déjà plus : l’unanimisme déferle sur l’ensemble des médias et des réseaux sociaux ; cette école ne doit pas voir le jour. Que disait-elle, cette tribune ? Que si le maire albertvillois entendait la décision du tribunal administratif d’accorder à la confédération islamique Millî Görüs le permis de construire pour une école privée hors contrat de 16 classes et de 400 élèves en plein cœur d’un quartier prioritaire de la ville – permis que le maire avait refusé pour des motifs d’urbanisme, faute de mieux – ce dernier ne comptait pas en rester là, quitte à en appeler à l’Etat. En effet, cet établissement est financé par une association considérée comme une émanation de l’état turc dirigé d’une main de fer par Recep Tayyip Erdogan. Son édification risquerait de provoquer « la fermeture de plusieurs classes, voire à terme d’une école publique, ainsi que la polarisation d’un quartier pour lequel je travaille depuis mon élection en 2017, afin d’y instaurer un vivre ensemble solidaire et harmonieux » , expliquait Frédéric Burnier-Framboret dans ces colonnes, vendredi 9 avril. Son cri d’alarme a été entendu, la classe politique de France et de Savoie n’a pas tardé à se mobiliser autour de lui.

L’association avait « refusé de signer la charte des principes de l’Islam en France », rappelle Vincent Rolland

« Je suis en total soutien à Frédéric Burnier-Framboret, dans ce dossier difficile pour la Ville d’Albertville, dans le prolongement de ce que j’avais pu entreprendre lorsque j’en étais maire ». Ces mots sont de Martine Berthet, sénatrice de Savoie, prédécesseur de M. Burnier-Framboret en mairie, publiés sur son compte Facebook. La décision du tribunal administratif de Grenoble, rendue le 7 avril, va, selon elle « à contresens de tout le travail réalisé pour la mixité sociale et contre le communautarisme par la ville, l’Etat et leurs partenaires dans le cadre de l’Anru et du Contrat de ville dans ce quartier déclaré par l’Etat » prioritaire en politique de la ville « en novembre 2014 ».

Vincent Rolland
Un soutien appuyé par Hervé Gaymard, président du conseil départemental, qui n’hésite pas dans son propos à éreinter Millî Görüs, « dont les liens sont avérés et revendiqués avec un pays étranger, en l’occurrence la Turquie, dont le chef d’État insulte régulièrement la France et le Président de la République » alors que Vincent Rolland, député de la 2e circonscription de Savoie, insiste, lui, sur le fait que « l’association » a « refusé de signer la charte des principes de l’Islam en France ! » Le député précise avoir « d’ailleurs proposé un amendement à la loi sur le respect des principes de la République, qui donnait la possibilité aux maires de refuser l’ouverture d’un établissement scolaire si les financements n’étaient pas transparents, mais il a été rejeté ». « Nous sommes en France » , rappelle Hervé Gaymard, « ce qui signifie qu’il ne peut y avoir d’ingérence étrangère d’aucune sorte, notamment dans le domaine de l’éducation. Cela signifie également que les lois de la République relatives à la laïcité doivent être appliquées, et même renforcées si besoin est, et que tous les séparatismes, y compris l’islam politique, doivent être vigoureusement combattus, de quelque façon qu’ils s’expriment ».

La loi Séparatisme promulguée « d’ici l’été » selon Patrick Mignola, « pour que le problème d’Albertville ne se repose plus »

La droite savoyarde a marqué son territoire, suivie de près par Patrick Mignola qui, dans sa visioconférence du 10 avril, avait souligné qu’il n’était pas question « d’empêcher la construction d’un bâtiment à caractère religieux ; très clairement, l’Etat et les collectivités locales doivent se tenir à distance, du fait des lois 1905 et 1907 mais il faut éviter de voir des associations dont on doute du respect des valeurs de la République financer ces lieux. J’estime donc que M. Burnier-Framboret a raison ». Le député de la 4e circonscription, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale regrettait « qu’un maire n’ait que des arguments urbanistiques à faire valoir ». La loi Séparatisme, visant à conforter les principes de la République*, tendrait ainsi à donner des arguments tout autres à ces élus en pareilles circonstances. Les débats, entamés au Sénat le 30 mars devraient aboutir mardi 13 avril, date de la rencontre entre le maire d’Albertville et le cabinet de Gérald Darmanin, pour revenir à l’Assemblée nationale « dans trois semaines » , selon Patrick Mignola. « Elle sera promulguée d’ici l’été, ainsi, le problème d’Albertville ne se reposera plus ». Un amendement à cette loi a été proposé en première lecture au Sénat, lundi 12 avril, permettant au préfet de s’opposer à l’ouverture d’une école hors contrat sous influence étrangère si celle-ci est « hostile » à la République. Un amendement déposé à la demande d’Emmanuel Macron, a précisé Gérald Darmanin.« Il n’est pas possible de laisser les maires seuls et en première ligne sur des sujets aussi importants. La République reconnaît la liberté de croyance et de culte, dans le cadre du respect de ses lois, que les citoyens français comme les étrangers doivent respecter » , achève Hervé Gaymard. De Nicolas Dupont-Aignan, leader de Debout la France, à travers une vidéo à d’autres représentants politiques d’envergure nationale, la tribune de Frédéric Burnier-Framboret a soulevé un lièvre dont tentent de s’emparer de nombreuses personnes. Sauf que ce lièvre n’est pas forcément celui attendu.

Récupération médiatique

Car dans leur immense majorité, ces soutiens ne portent principalement que sur la capillarité entre l’état turc et CIMG (au cœur d’une tempête médiatique après le vote du financement d’une partie de la mosquée de Strasbourg pour le conseil municipal local, à hauteur de 2,5 millions d’euros). Peu ont rappelé à quel point le danger sur le vivre-ensemble albertvillois était prégnant. Du reste, Frédéric Burnier-Framboret avait martelé que son combat portait en priorité sur les équilibres au sein d’un quartier prioritaire, dans lequel de l’argent public est injecté dans le cadre de la politique de la ville. « Une école privée hors contrat va se construire aux dépens de notre école laïque et c’est inacceptable » . Ces considérations locales semblent pourtant passer au second plan dans le débat qui se joue actuellement. 

Laurent Graziano
Surpris autant par la parution d’une tribune que par la décision du tribunal administratif qu’il n’a apprise que le 9 avril, soit deux jours plus tard, Laurent Graziano (Albertville autrement) se dit aujourd’hui préoccupé. « Il y a eu erreur à porter sur la scène nationale une affaire avant toute chose locale. Nous sommes par conséquent très étonnés de la récupération médiatique de ce qu’il se passe à Albertville ». Une dimension nationale autour du risque séparatiste qui vampiriserait l’espace médiatique, provoquant « haine et ressentiment, deux sentiments qui se cristallisent très vite et se déconstruisent tout aussi lentement ». Evidemment, le fond du problème, la construction d’une école hors contrat, ne prête à aucune discussion, la minorité albertvilloise se place dans la droite ligne du maire, « nous sommes opposés à ce projet quelle que soit sa taille ». Mais Laurent Graziano souhaite remettre les choses dans leur contexte : « Cette décision rendue aujourd’hui est à l’image de celle du Conseil d’Etat auprès duquel j’avais déposé un recours fin 2016 alors que la ville, pourtant en préparation du réaménagement urbain de ce quartier, venait d’être déboutée pour la préemption du terrain sur lequel cette école privée pourrait être construite », indiquait Martine Berthet. Le 4 avril 2016, le conseil municipal avait voté le droit d’exercer son droit de préemption sur la parcelle en question, « à l’unanimité » lors d’une séance exceptionnelle. Un vote cassé par le tribunal administratif le 31 mai 2016 pour insuffisance de motivation, entre autres. Le recours déposé auprès du Conseil d’Etat n’aboutit à rien, ce que rappelle Martine Berthet. « La ville cherchait à préempter sans avoir de projet précis à proposer sur cette parcelle. Avec un projet solide, nous aurions pu… » souffle Laurent Graziano, et ainsi éviter l’écueil CIMG. « Aujourd’hui, M. le maire cherche à faire peser la responsabilité de ce problème sur l’Etat mais il relève surtout de celle des élus locaux ». Pour l’élu d’Albertville Autrement, l’enfant doit rester la première motivation : « Nous partageons sans concession le point de vue du maire sur le risque porté sur les écoles. Si ce n’est pas bon pour les enfants, ce n’est pas bon pour la communauté ». Cependant, il soulève une « erreur » dans le laïus du maire, « il parle d’une jeunesse turque alors qu’elle est française d’origine turque ». Un argument porté par Millî Görüs, nous le verrons.En définitive, cette « récupération » dénoncée par l’opposition albertvilloise « véhiculerait une image déplorable de notre ville, on met de l’huile sur le feu ». Pour mémoire, lors du débat municipal organisé par nos confrères du Dauphiné Libéré et de la 8 Mont-Blanc, les quatre candidats (Frédéric Burnier-Framboret, Laurent Graziano, Esman Ergul et Pierre Biguet) s’étaient opposés en bloc à ce projet. « Tous les projets qui ne permettent pas d’alimenter le vivre-ensemble mais plutôt le communautarisme, religieux ou ethnique, j’y serai opposé » , avait tranché Esman Ergul. Sur le plan légal, Laurent Graziano assure que la loi Séparatisme ne doit « conduire les maires à commettre des erreurs d’appréciation. Je pense qu’un renforcement de la loi Gatel d’avril 2018**, qui impose une série de critères aux établissements hors contrat qui se créent, serait préférable et la faire évoluer pour à terme interdire les écoles hors contrat ».

« Les vraies motivations du maire sautent aux yeux »

Et Millî Görüs, dans tout ça ? L’association, par la voix de son président, Fathi Sarikir, a réagi et de quelle manière ! « Notre future école ne sera ni islamiste ni turque. Nous rejetons avec force l’accusation, parfaitement fausse, que cette école serait fondée pour promouvoir » une éducation sur des bases et des valeurs premières « anti-républicaines ». 

Fathi Sarikir
Elle s’inscrirait dans « le respect parfait de législation, de la réglementation, et des valeurs françaises » , promet-il. Le président insiste sur le fait que l’aspect urbanistique n’était qu’un prétexte, « les vrais motifs du refus du maire sautent aux yeux à la lecture de sa tribune. Il est parfaitement clair qu’il voulait empêcher à tout prix ce projet en raison de son parti pris, auparavant inavoué, par rapport à notre association qui le porte. Nos conseils nous informent qu’il s’agit, en termes juridiques, d’un détournement de pouvoir ». Concernant l’accusation de « représenter un pays étranger » , Fathi Sarikir s’indigne : « Je mets au défi le maire de citer une seule occasion où j’ai agi en tant que représentant de la Turquie. Je mets au défi le maire de produire une seule des déclarations de la CIMG exprimant clairement cette prétendue » crainte « d’assimilation. Le pire, c’est la référence du maire à la jeunesse turque, puisque la jeunesse qu’il nomme ainsi est très majoritairement française, comme moi-même d’ailleurs. Lui, il pense cette jeunesse comme turque. Cette jeunesse, elle se pense, heureusement, comme française »

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