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Maddy Linah, une amie qui vous veut du bien

Par Jérôme Bois • Publié le 20/04/21

Son histoire pourrait être la vôtre, son secret est pour vous. Maddy Linah est Savoyarde, mère de famille, écrivaine. Elle a vécu l’inceste enfant, toute une jeunesse à se glisser derrière une carapace de peur, de culpabilité… avant de briser ses chaînes. Cet épisode et ce qui a suivi, elle le confie à votre bon soin. Puissiez-vous vous en inspirer pour renaître à la vie quand cette même vie a voulu vous emporter.
Ne cherchez pas à savoir qui est Maddy Linah. Elle n’en dira rien et peu lui importe que vous le sachiez, l’essentiel n’est pas là. Sous ce pseudo ne se cache pas une personne (encore que…) mais une idée, celle d’une renaissance après la tragédie. Maddy Linah, c’est un peu tous ces enfants qui ont vécu l’inceste, la loi du silence, qui se sont emmurés pour protéger et se protéger. Maddy Linah, s’il fallait la qualifier, c’est un témoignage : il y a bien une vie après le drame. Son secret est contenu dans les 106 pages de son ouvrage. Ce livre est un chemin, il vous appartiendra de l’arpenter.

Une tempête menace

« J’ai commencé à l’écrire il y a un peu plus de deux ans, j’ai voulu le faire pour dire à quel point la vie est belle » , explique-t-elle. « Mon but, s’il ne devait y en n’avoir qu’un, serait de pouvoir sauver au moins un enfant ». Comme elle s’est sauvée. De 8 à 13 ans, un beau-père violent, l’omerta familiale, aucune échappatoire. Ne restait alors qu’une fenêtre, l’écriture. « Personne n’avait rien vu, j’avais tout enfoui, c’est l’écriture qui m’a sauvée ». En 2019, après avoir surmonté un dépôt de plainte puis un procès, Maddy se met en tête de « poser des mots sur mes maux, mais sans violence » , des mots qui pourraient autant être ceux d’une petite fille que d’une adulte enfin accomplie. « J’écris depuis mes 12 ans, j’avais mon journal intime, je savais qu’un jour je le ferai, pour dire que oui, il est possible de surmonter ces traumatismes, oui, tout est possible, même d’avoir une belle vie ». C’était donc le bon moment. Aujourd’hui, son journal intime l’accompagne toujours.Le récit suit une petite fille qui pourrait être n’importe laquelle, née de parents aimants. Une jeunesse dorée, comme un cadeau avec de grands nœuds roses. Le divorce n’altèrera en rien cette sensation d’être aimée, la famille, elle, est unie, de nombreux riens « composent [son] bonheur ». Au loin cependant, une ombre se devine. Le corbeau de tempête – son beau-père – n’était, à son arrivée timide et progressive, pas perçu comme une menace, à ses yeux « il était même la pièce manquante du puzzle, la figure masculine qui faisait défaut à notre famille incomplète » , écrit-elle. Sa nouvelle vie s’annonçait aussi douce que la précédente, comme dans un film hollywoodien dont on devine que rien ne se passera comme souhaité ; cette joie qui chasse les nuages, un vent de tempête qui s’annonce, les enfers qui se déchaînent… Ce père de substitution n’acceptera d’abord jamais d’être appelé « papa ». Puis un seul geste aura suffi pour que débute le long chemin de croix d’une petite fille de 8 ans, les cinq années qui suivirent ne firent que renforcer ce que prosaïquement nous pourrions appeler « la force de l’habitude ». Quand d’autres font du poney, « moi, j’étais abusée ». Et bien sûr, pas question de trahir le secret, son dragon y veillerait.

Un messager

« J’ai porté une armure pour protéger tout le monde et surtout les miens, j’avais peur pour tout le monde jusqu’au jour où ce n’était plus possible ». Ce premier combat, interne, a fait place à un deuxième, celui qui consiste à aller tout expliquer pour que son fardeau s’allège. « Parler m’a aidée. Porter plainte m’a aidée ». Seuls celles et ceux qui ont connu peuvent témoigner, parler est un Everest. Être cru est malheureusement trop souvent illusoire. « L’important est de dire » ayez la force de voir que des gens peuvent vous aider« ». Pour cette femme-là, encore meurtrie, ces gens ont été les gendarmes, puis son avocat. La petite fille, elle, n’avait bénéficié d’aucune bonté secourable sinon sa peluche panda et surtout son palais mental dont elle élaborait les contours dans son journal intime. « Ce qui m’est arrivé peut arriver à tout le monde, mais la société dans laquelle nous vivons fait que personne n’a le temps de s’intéresser à vous. Il faut pouvoir le vivre pour l’expliquer ». Cette petite fille est une survivante, il y a une Maddy en chaque enfant violé, battu, agressé, il y a un enfant derrière chaque Maddy. « Beaucoup finissent mal parce qu’ils ne trouvent pas les aides nécessaires. Ils doivent pouvoir parler, c’est le sens de cet ouvrage, la vie est belle ». A condition d’être aidé. C’est ainsi qu’au gré des chapitres, le dessin d’une plume apparaît, qui n’est pas tant celle trempée dans l’encre que la symbolique d’un poids qui s’envole au fil des pages. Devenue adulte, Maddy a fondé une famille, son histoire, aussi sinistre fut-elle à ses début, n’a jamais altéré cette envie de vivre, « il m’arrive seulement d’avoir du mal à lâcher mes enfants, de plus les protéger encore. Dans ce monde, on leur dit de ne pas faire confiance à un inconnu… Mais souvent, ces inconnus sont bien les personnes que vous pensez être les plus proches de vous » , un père, un oncle, un parent quel qu’il soit. Son combat a été « celui d’une vie ». Et si vous ne vous dites pas que vous avez le droit d’être heureux, vous ne le serez pas. « Même si vous porterez ce fardeau en vous toute votre vie, vous pouvez vivre heureux, tout le monde peut y parvenir, chacun à sa manière. Grâce à ce livre, j’ai réalisé un rêve, écrire a été une libération totale, c’est une page blanche qui se noircit de vos joies et de vos peines : ça ne répond à rien mais ça fait du bien. Et ce que j’ai, à ce jour, à l’intérieur, c’est pour aider. L’empathie est un sentiment qu’il ne faut jamais perdre, comme on arrose des fleurs pour les maintenir en vie » , on peut aussi arroser les hommes. Ce livre n’est ni un mode d’emploi, ni un guide, il est seulement porteur d’un message. « L’important, c’est lui, c’est ce contenu, ma personne ne compte pas, qui je suis ne compte pas. Je ne donne aucun conseil, les outils, nous les avons. Tout le monde ne peut pas forcément écrire mais il existe des alternatives, l’hypnose, la thérapie… » jusqu’à la chimie, modeste et factice palliatif à ses yeux. Mais elle l’assure, l’empathie sera votre plus grand recours. « Un magnifique témoignage de résilience » , « si toi, devant une page blanche, les mots t’ont soulagé, moi c’est le dessin » , « ce livre va sans doute aider les victimes à parler » , voici quels ont été les premiers retours de lecteurs. Deux semaines après la parution de « la petite fille et son secret », son pouvoir agit. « J’aurais aimé pouvoir lire un tel livre lorsque ça m’est arrivé » , glisse Maddy, sans regret. Puisse-t-il désormais être source de bien et d’apaisement dans le cœur des martyrs.Aussi, ne cherchez pas à trouver Maddy, c’est elle qui vous trouvera.

La petite fille et son secret, en vente en librairie. 15 euros

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