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Chambéry : parents, jetez cette clope que vos enfants ne sauraient voir

Par Jérôme Bois • Publié le 31/05/21

La ville de Chambéry a adopté une résolution qui n’enchantera peut-être pas les fumeurs mais qui fera grand bien à nos enfants, à savoir faire des abords de deux écoles, Waldeck-Rousseau et du Pré de l’Âne pour la prochaine rentrée scolaire des « espaces sans tabac ». Une initiative saluée par l’ensemble du conseil municipal et qui pourrait entraîner un mouvement de fond, si d’autres établissements venaient à se joindre à la fête. Un dispositif avant tout incitatif, pas répressif. Ne cherchez donc pas de gendarme derrière chaque fumeur, il n’y en aura pas. Le bon sens en action ?

Le parvis de l’école Waldeck-Rousseau
Adoptée sans heurts ni prises de bec, la mesure visant à bannir la cigarette aux abords de deux écoles chambériennes a fait une sorte d’unanimité au sein du conseil municipal. C’est un sujet dans l’air du temps, La Motte-Servolex avait expérimenté la chose dans ses espaces publics*, voici deux ans, Aix-les-Bains l’avait fait sur ses plages l’été dernier, d’autres communes de France l’ont fait également et la santé était une thématique majeure dans le projet municipal du duo Aurélie Le Meur – Thierry Repentin**, « c’est même la préoccupation première des Français » , pointe Christelle Favetta-Sieyès, porteuse du projet en compagnie de Lydie Matteo. « Avant même la sécurité ». Alors certes, selon l’Insee, dans une étude de 2019, la santé ne pointait qu’en 4e position, derrière le terrorisme, le chômage et la pauvreté. L’Express, la même année, avait pourtant révélé que 46% des Français faisaient passer la santé en tête de leurs priorités, le Covid n’était pas encore connu. Puis le Figaro est passé par là.  Et l’épidémie a eu définitivement raison des sondés. Selon le périodique, dans une étude dévoilée en décembre 2020, la santé devenait largement en tête des inquiétudes pour 44% des personnes interrogées

Un projet de campagne

Plus que jamais, et au-delà du Covid, les malheurs de l’hôpital public, les conditions de travail des personnels soignants sont autant de bonnes raisons de s’en soucier. Or, ce n’est pas directement compétence d’une ville, sinon via la salubrité des logements ou les analyses de la qualité de l’air. « Mais les écoles relèvent de notre compétence » , explique Christelle Favetta-Sieyès, « le parvis d’une école est un lieu symbolique et le plus adapté à une telle expérimentation ». Car comme la démarche se veut incitative, elle vise principalement à envoyer un message. « Si, en école maternelle et primaire, il n’y a pas de cigarette à l’entrée, c’est bien. On remarque que les enfants sont les plus sensibles à l’écologie et leur conscience citoyenne commence à la cigarette » qu’ils jugent bien souvent avec dégoût et n’hésitent pas à le faire savoir. Chambéry lauréate d’un appel à projet Mildeca***, elle s’est ainsi engagée à mettre en place « un Plan communal de lutte contre les addictions et les conduites à risques, qui fédère tous les intervenants, acteurs du territoire, plus ou moins directement liés ou impactés par ces thématiques. Les addictions concernent notamment un certain nombre de substances comme l’alcool, les drogues, le protoxyde d’azote mais aussi le tabac ». Il faut savoir, reprend l’adjointe en charge de la santé, « qu’un enfant inspire deux fois plus d’air qu’un adulte proportionnellement à sa taille et respire ainsi deux fois plus de polluants ». Et chaque année en France, 75 000 décès sont causés par la consommation de tabac.

« Une mesure de bon sens »

Waldeck-Rousseau et le Pré de l’Âne seront les deux établissements scolaires à inaugurer les abords sans clopes, en septembre prochain. « On ne perçoit pas cela comme une privation de liberté, c’est de la pédagogie que nous faisons et cela peut même se décliner en sessions pédagogiques avec les élèves. Si nous pouvons les aider à rejeter la cigarette à cet âge-là… » soupire l’élue. Si Cédric Lassus a appris la chose par voie de presse, le directeur de l’école primaire Waldeck-Rousseau se réjouit néanmoins de cette démarche vertueuse. « L’idée me plaît, on ne peut qu’être d’accord avec cette approche. On voit souvent les parents fumer à deux centimètres des grilles de l’école ». S’il lui arrive d’intervenir et de demander aux fumeurs de s’éloigner un peu, cela s’est toujours fait sans agressivité « Le fait que l’abord de l’école soit une voie de passage vers le parc du Verney et qu’il n’y ait pas de route fait que les gens ont tendance à rester devant et à discuter, mais je n’y ai jamais constaté d’abus ». Cette mesure ne l’obligera à rien puisque le directeur rappelle qu’il n’a « pas à intervenir sur ce qu’il se passe en dehors de l’établissement, je peux néanmoins intervenir en tant que citoyen. Ça reste une mesure de bon sens, je pense qu’elle sera comprise ». « Le regard des autres fera que ça s’installera naturellement », prophétise l’élue. « Pour créer l’adhésion, nous irons pas à pas, il ne faut surtout pas y aller en force ». C’est pourquoi ce ne sont pas les 36 écoles chambériennes qui seront impliquées dans cette mesure.
A Mennecy, dans l’Essonne, ce sont pas moins de 55 espaces publics qui ont été estampillés « sans tabac » depuis novembre 2019, « auprès des aires de jeux mais également aux abords des crèches, des établissements scolaires, du conservatoire, des accueils de loisirs et des accueils périscolaires. Il est également interdit de fumer dans l’enceinte et aux abords même des structures sportives ouvertes tels que le Tennis Club, les deux stades » , peut-on lire sur le portail internet de la ville. Une approche qui a attiré l’attention de Christelle Favetta-Sieyès, puisque émanant de l’une de ses connaissances à l’UDI, le maire Jean-Philippe Dugoin-Clément. On peut imaginer que ce n’est encore qu’un premier pas. Si d’ici là, d’autres établissements venaient à se manifester, ils seraient alors inclus dans la boucle. « Si on peut le faire aussi au collège » , sourit l’adjointe… Par petits pas, on vous dit !

La zone du Parc Henri-Dunand et de la Place Millon, ainsi que celle du parcours santé nature, seront toutes deux estampillées « espace sans tabac ».
** Pour mémoire, il figurait effectivement dans le projet de campagne de « Demain Chambéry » un point en particulier autour du cadre de vie intitulé : « Équiper les parcs et espaces verts pour qu’ils deviennent des lieux de jeux, d’activité physique et de convivialité (et engager la ville dans une démarche de Ville sans tabac, en créant des espaces extérieurs sans tabac) ».
*** Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.

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