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Chambéry : un collectif d’habitants de la rue Nicolas-Parent milite pour la création d’un jardin public

Par Jérôme Bois • Publié le 22/05/21

Depuis une dizaine d’années, les riverains de la rue Nicolas-Parent ont constaté une densification assez intense de leur quartier, densification vouée à se poursuivre comme le prévoit le plan local d’urbanisme intercommunal. Seulement, un collectif d’habitants s’est formé afin de réclamer non pas le gel des projets immobiliers mais la création, sur une parcelle presque à l’abandon, d’un espace vert – un « îlot de fraîcheur » – à la disposition de tous. Une pétition a été lancée. Une initiative louée par la nouvelle municipalité, malheureusement confrontée à la réalité des lois de l’urbanisme et de l’inévitable reconstruction de la ville sur la ville.
Le noyau dur, six personnes, autour duquel se sont agglomérés de nombreux sympathisants à ce projet vertueux, dans sa dimension écologique, est né d’une volonté collective – c’est même là tout son attrait. Voici donc le collectif « Pour un jardin Nicolas Parent » mobilisé pour inciter la ville à créer un îlot de fraîcheur sur une parcelle située à l’angle de la rue Nicolas-Parent et de la rue d’Angleterre, d’une superficie de 1 322m², promise à une urbanisation programmée mais dont ses membres souhaiteraient en détourner la destination. Cette parcelle n’est pour ainsi dire pas une incitation à la promenade, « elle est dans cet état depuis bien longtemps » , soupire Gisèle Rollet. En friche, cernée de vieilles baraques inutilisées ou presque, une grande bâtisse en son centre, désaffectée, rien de très attrayant. 

Gisèle Rollet et Olivier Tiradon, membres du collectif.

« On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire »

Le PLUi prévoyait d’y construire deux immeubles assez élevés « mais la nouvelle équipe municipale a ouvert une enquête publique, du 3 mai au 4 juin, relative à l’opération d’aménagement et de programmation du PLUi » , indique Olivier Tiradon. Dans cette optique, la mairie a organisé une réunion publique en présentiel, le 2 avril après l’envoi d’un courrier à destination du maire par le collectif, le 21 mars. « On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire, vu qu’il n’y avait ni permis de construire ni de démolir jusqu’ici » , poursuit Olivier Tiradon. « Il y a eu beaucoup de constructions dans ce quartier, on a besoin d’un espace de fraîcheur, végétalisé ». Le collectif se prenait alors à rêver d’être l’initiateur d’une démarche collective. Ce que veulent ces habitants est de choisir entre un espace de pleine nature, à la disposition des habitants, un îlot avec un jardin de front de rue, un jardin pédagogique pour les plus jeunes ou un simple jardin pour la qualité de vie des habitants. La présence d’une école à proximité donne du sens à leur démarche. « Ce peut être un lieu qui embellit la vie de quartier, un lieu éducatif, parce que l’écologie s’apprend très tôt, nous pourrions même en être les gestionnaires ». Actuellement, l’enquête publique est en cours, elle se conclura le 4 juin, date de la troisième et dernière rencontre avec le commissaire enquêteur, après celles des 12 et 22 mai (de 13h30 à 17h30). Le collectif essaie donc de convaincre les habitants de se mobiliser autour de ces propositions vertes car « on n’a pas senti le maire réellement sensible à notre démarche » , regrettent Olivier Tiradon et Gisèle Rollet. Une pétition avait été lancée le 14 mars, en plus du collage d’affiches un peu partout dans le quartier, elle rassemble aujourd’hui 235 signataires (elle est ouverte jusqu’en août). « Nous voulons que les gens soient informés et qu’ils puissent se positionner » , explique Gisèle Rollet. « On nous dit d’aller au Verney mais il est saturé, on a besoin de respirer, avec un jardin ouvert sur la rue, pour qu’il soit visible » , assène-t-elle. La pétition sera ensuite transmise au commissaire enquêteur. 

Un jardin public ? Impossible selon la mairie

Pour eux, pas de doute, leur initiative suit une logique de concertation et de prise en compte des réalités climatiques, ainsi que les candidats aux dernières municipales le promettaient. « La transition passera d’abord par un changement profond des pratiques politiques, tourné vers la coopération et le collectif. Élus, nous travaillerons quotidiennement avec les citoyens, les associations, les acteurs et actrices du territoire : tous contribueront à bâtir la ville de demain » , peut-on encore lire sur le site de Demain Chambéry, liste collective portée par Thierry Repentin et Aurélie Le Meur. Sur celui de Chambéry en commun, la liste de Thierry Repentin jusqu’à l’issue du premier tour des municipales 2020, on retrouvait aussi ce type de déclaration d’intention : il s’engageait à organiser « un plan ambitieux de végétalisation de la ville (espaces verts, parcours de respiration, pelouses naturelles), à promouvoir la végétalisation de toits et façades d’immeubles, développer les jardins et potagers partagés ». Plus loin, l’ex-candidat et nouveau maire promettait de « créer au moins deux nouveaux grands parcs publics, de conforter les jardins publics existants et mettre l’ensemble en lien via les modes doux (vélos, piétons) ». Tout semble donc concorder avec les ambitions programmatiques des élus de la majorité et Daniel Bouchet en atteste, « nous avons enregistré leur demande, nous avons constaté ce rassemblement de personnes autour d’une cause commune, avec des gens non politisés, non revanchards, c’est très intéressant et leur démarche est très louable » , confie l’adjoint à l’urbanisme et aux espaces publics. « Nous réfléchissons à comment prendre en compte leur demande, du moins partiellement ». Partiellement car non, un projet de jardin public ne pourra voir le jour. « Il y a un PLUi permettant de construire du R+5, 6 ou 7, selon les distances aux voisins et suivant la même densité que celle observée avenue du Comte-Vert. N’importe quel promoteur applique cette règle et on ne peut rien faire. Nous avons proposé, dans le cadre de la première modification simplifiée de ce PLUi, une OAP* qui permet d’affiner les règles du jeu parce que le PLU est un document général à qui il manque un peu de contexte ». Trop théorique et pas assez proche des réalités sur le terrain. 

« Une démarche vertueuse »

Mais si les règles peuvent donc évoluer, ce n’est pas pour autant qu’un jardin puisse se faire « car il nous faudrait racheter la parcelle sans aucune recette en contrepartie ». Malgré tout, l’obligation d’enquête publique dans le cadre de cette OAP, a le mérite d’ouvrir le débat… à condition d’y prendre part, et c’est tout le problème de mobiliser des profanes autour de l’urbanisme, un domaine d’initiés. « Nous trouvons » , poursuit Daniel Bouchet, « que cette procédure est très austère, par conséquent, très peu s’y intéressent. Par contre, le jour où un bulldozer débarque, l’indignation est générale » , c’est pourquoi l’enquête avait été devancée par une concertation afin d’expliquer « les règles du jeu ». Une cinquantaine de personnes était présente pour découvrir qu’on s’orienterait davantage vers de plus petits bâtiments, en R+2 et 3 sur cette parcelle, « la mairie peut néanmoins faire infléchir l’OAP pour renforcer la trame végétale entre les bâtiments » , nuance Daniel Bouchet. Pas sûr que cela ne contente les habitants… Il rappelle que l’ambition municipale consiste bien à « réduire au maximum la surface constructible », au risque de faire « couiner » les promoteurs. Vaste aspiration.Au final, l’élu salue « une démarche vertueuse » venant de ces habitants et regrette des procédures trop complexes pour véritablement permettre à une large part de la population d’y prendre part. « On essaie de clarifier les règles du jeu » , souffle-t-il. « Nous souhaitons un urbanisme de progrès » , insistent les membres du collectif, « qui prenne sérieusement en compte les impératifs climatiques et leurs conséquences sur la vie quotidienne des gens ». L’enquête publique est ouverte, en mairie de Grenette, ils n’auront de cesse, dans les prochaines semaines, de vouloir convaincre les riverains du bienfondé de leur action. La mobilisation pourra-t-elle s’élargir afin d’aboutir à un projet plus en phase avec leurs désirs ?
Au sein du plan local d’urbanisme (PLU, PLUi), les OAP expriment la stratégie d’une collectivité territoriale en termes d’aménagement. Elle peut porter sur un secteur donné ou avoir une approche plus globale. L’OAP peut mettre en valeur l’environnement, notamment la gestion économe de l’espace (renouvellement urbain, densification, phasage de l’urbanisation…), les continuités écologiques, les paysages et le patrimoine, faciliter la mise en valeur, la réhabilitation, la restructuration ou l’aménagement de quartiers ou secteurs, favoriser la mixité fonctionnelle des constructions (notamment par rapport aux commerces) ou encore lutter contre l’insalubrité...

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