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Régionales 2021. Bruno Bonnell, celui qui voulait réenchanter sa région
Par Jérôme Bois • Publié le 15/05/21
Le député du Rhône, en pleine tournée régionale, s’est penché, le temps d’une journée sur la Savoie. Rendez-vous pris à Cruet pour une halte gourmande, en compagnie de Marina Ferrari et Arthur Empereur, engagés à ses côtés dans cette course aux voix, et de Patrick Mignola. Le candidat au trône régional a exposé ses intentions et annonce vouloir « incarner » la fonction. Rencontre avec un homme plutôt franc du collier.
Il ne s’agissait que d’une halte gourmande, le temps de se sustenter avant de reprendre son bâton de pèlerin et d’aller battre la campagne savoyarde, hostile par les cieux mais bien plus accueillante en ses terres. Bruno Bonnell a toutefois pu vérifier, lors de cette froide et pluvieuse journée de mai, que la Savoie serait déterminante en vue de cette double échéance des 20 et 27 juin. Candidat au trône régional, le député du Rhône se démultiplie pour parvenir à déboulonner Laurent Wauquiez et impulser cette « dynamique » qu’il souhaite tant incarner. « Oui, nous sommes à l’aube d’une véritable dynamique » , s’enthousiasme le candidat, entre deux bouchées de gâteau de Savoie. Lui qui n’y « pensait pas en se rasant » , qui s’était « seulement » retrouvé sur une liste élargie. La confiance aidant, il dit « s’être battu pour devenir tête de liste » parce que la noblesse de la fonction l’imposait. Une grande sérénité règne dans le camp de la majorité présidentielle ; à ses côtés, Marina Ferrari et Arthur Empereur, tous deux engagés dans cette course aux Régionales, et Patrick Mignola, venu en soutien de choix, affichent une satisfaction non feinte. « La transformation nationale initiée en 2017, il faut maintenant la porter jusqu’à la région ». Et Bruno Bonnell se pose là comme le digne garant de cette transformation et de cette dynamique.
Candidat anti-poloche
Peu connu du grand public, ce chef d’entreprise de 62 ans ne vient pourtant pas de nulle part ; issu « de la société civile » , selon l’expression consacrée, il exerce des fonctions d’élu depuis 2017 seulement et des législatives durant lesquelles il a su surfer sur la vague macroniste comme tant d’autres, du reste, sur ce département. Lui venait d’acquérir – aisément – la 6e circonscription du Rhône avec 60,18% des suffrages. Face à qui ? Najat Vallaud-Belkacem. Tiens, tiens, l’histoire se répéterait-elle ? L’ancienne ministre de l’Education nationale sous François Hollande a signé un retour fracassant sur la scène politique en se portant tête de liste à ces Régionales, un retour qui lui vaudra une venimeuse pique de son vainqueur. Ni un match retour contre l’ancienne ministre ni même l’affrontement face au président actuel n’émeuvent Bruno Bonnell. « Je suis le seul candidat à cette élection » , assène-t-il, sans rire, avant de distribuer les punitions. Il s’explique : « Laurent Wauquiez est avant tout candidat à la présidentielle, le RN veut se jauger en vue de cette même échéance, le come-back de Mme Vallaud-Belkacem nous montre que son attention véritable pour cette région est intermittente… Alors que moi, je ne ferai que ça, c’est l’aboutissement d’une carrière, après 35 ans d’entreprise, 4 années de politique, je sais ce qu’est avoir une vision ». Candidat « sincère » , il épingle l’insincérité de ses concurrents parce que la société civile, lui, il connaît. Avec un franc-parler qui a beaucoup fait pour sa notoriété naissante, en témoigne ses sorties-polémiques sur le pouvoir d’achat des Français, ou sur les cantines lyonnaises*. Une franchise qui sied à son imposante stature. Lorsque, sur France Info, un journaliste l’interrogea sur ce qu’il avait accompli en sept mois à l’Assemblée nationale, il ne se planqua pas. « Rien. J’ai appris ce qu’était le travail de parlementaire ». Avec la même franchise, il nous dévoile le pourquoi de son ambition régionale : « Pour moi, je vais vous dire, président de région est le plus beau poste de la République. Avec 5 milliards d’euros de budget, des projets à l’échelle d’une génération et pas seulement d’un mandat, des infrastructures, il faut se mettre en tête que l’on devient le président de tous, sinon vous n’engendrez que frustrations ». On devine le sous-entendu. Il se veut « audacieux » , se dit prêt à commettre des erreurs, ce ne serait, selon lui, « que le propre de l’audace. Le pire serait de ne pas s’en rendre compte ». Et quoi de mieux qu’un président qui « incarne » la fonction ? « Cette région a besoin de l’être, ses vice-présidents doivent se faire connaître ». Chaque mot vient griffer la joue de Laurent Wauquiez, coupable de « se concentrer sur la poloche » , son barbarisme favori, la politique politicienne, si vous préférez, celle qui « ne parle pas des vrais sujets » , celle qui conduit à « placer des panneaux de la Région un peu partout » pour vanter ce qui a été fait.
« Il faut raisonner en termes de génération »
L’actuel président devrait se penser parfaitement rhabillé pour le prochain hiver, tant le bulldozer Bonnell ne tarit pas de reproches à son encontre . « En 2015, le PIB de la région était de 240 milliards d’euros, il est de 270 milliards cette année, pour moi, c’est bien la preuve qu’il n’a pas fait l’effort de stimuler la vie économique. Moi, je n’ai pas envie d’affiches pour dire ce que j’ai fait ». Haro sur la poloche ! « On en a tous envie, pour ne plus tomber dans le piège de l’électoralisme ». Encore faut-il séduire. Et Bruno Bonnell a son plan ; sur 30 jours, 30 mois, 30 ans. « Il y aura des mesures d’urgence, à prendre tout de suite » , détaille la tête de liste, « sous la forme d’un chèque de 50 euros par foyer pour leur dire qu’il faut consommer ici, dans la région, ce sera la seule contrainte ». Comme un coup de pouce à la relance. Puis il mettra en place un plan de mandat consistant à restaurer les transports, lutter contre les zones blanches, plan amené à évoluer au bout de 30 mois. Enfin, et plus surprenante est sa vision à long terme, sur 30 ans, « une vision nécessaire pour un tel territoire » , sur les plans écologique, énergétique… L’échelle d’une génération. Comment bâtir les fondements de demain ? Via l’hydrogène, par exemple et « comment fabriquer de l’hydrogène décarbonnée ? » , via la reconversion des entreprises, via le forage pour de nouvelles sources afin de maintenir l’activité de thermalisme sans oublier la formation à côté de laquelle Laurent Wauquiez « est passé durant son mandat » et en faveur de laquelle Bruno Bonnell s’engage à délier les cordons de la bourse, de 20 à 40 millions d’euros. « Désormais » , insiste le député, « il faut raisonner en termes de génération » en vue de faire d’Auvergne-Rhône-Alpes « la première région apprenante d’Europe ». Si la formation constituera son premier axe de travail, le civisme et l’équité entre les personnes suivront. « Nous voulons réinstaurer un service national universel pour tous les jeunes et faire que nous n’ayons plus d’oubliés sur le territoire, et ainsi créer une vraie fraternité ». Et la Savoie dans tout cela ? Être accueilli de la sorte par les éléments et un ciel bien peu clément n’a pas grisé le charme de nos vallées à ses yeux, « ici, tout le monde est prêt à repartir, les Savoyards me disent » aidez-nous à décoller «, c’est rassurant ». Car à quelques encablures de la reprise des activités de loisir et culturelles, l’instant est propice à redonner de l’élan à toute une économie. Thermalisme, tourisme 4 saisons, « des plans sur 7, 15 ou 30 ans, sans gadgets, en étroite collaboration avec les professionnels de chaque secteur » , développement de nouveaux modes de vie, via l’attractivité économique, évidemment, mais aussi écologique, tels seront les germes du renouveau sur un département sinistré par la crise sanitaire. Il félicitait néanmoins sa majorité d’être allée à contre-courant de l’opinion publique et médiatique en stoppant les activités de montagne au risque de se mettre les Savoyards à dos, « vu la situation que nous connaissons aujourd’hui encore, ça aurait été dramatique ». Mine de rien, reconquérir les cœurs et l’esprit après un tel coup de force, ce serait ça, la véritable audace !
* Adepte des formules chocs, Bruno Bonnell s’est fait connaître sur la scène médiatique quelques mois seulement après son élection. « On entend que ça le pouvoir d’achat. Comme si la vie se résumait au pouvoir d’acheter. En France, les gens sont soignés, ils peuvent aller à l’école, vous n’avez pas de trous sur la route… Si vous vous contentez de regarder uniquement l’argent qu’il y a dans la poche des gens et que vous vous définissez par rapport à ce pouvoir d’achat, par ce pouvoir d’acheter, vous oubliez quelque chose d’autre qui est la qualité de la vie » , avait-il déclaré au micro des Grands gueules de RMC en février 2018. Au sujet des cantines sans viandes à Lyon, il avait tonné : « On glisse vers un véganisme imposé plutôt que choisi » .
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2 commentaires
Unknown
15/05/2021 à 19:30
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gerard Blanc
15/05/2021 à 23:46
Promettre avant l'élection 50 euros à chaque électeurs-électrices comme dans les républiques bananières, c'est pas un peu du clientélisme de bas étage peu respectueux des citoyen.nes ? Et occuper tout l'espace d'affichage à lui tout seul, est-ce un bon signe de respect des diversités d'opinion et de l'intelligence collective ? Enfin, petit rappel historique, son soutien de choix M.Mignola est-ce bien celui qui avait rallié avec armes et bagages au scrutin précédent ce Mr... Wauquiez, fustigé aujourd'hui ? Franchise des propos ou rideau de fumée électoraliste ?
Bcp de bon sens dans ses propos et surtout l avantage d un homme de terrain en tant que chef d entreprise....