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Régionales 2021 : Najat Vallaud-Belkacem, celle qui voulait redynamiser sa Région

Par Laura Campisano • Publié le 22/05/21

Engagée dans la campagne électorale pour le renouvellement d’une institution qui lui est déjà familière, Najat Vallaud Belkacem a l’ambition d’en prendre la présidence. Concentrée, déterminée, elle dit s’être lancée dans cette aventure avec la conviction de ne pouvoir laisser une région qui lui est chère sans alternative à la politique menée actuellement en Auvergne-Rhône Alpes. L’alternative, c’est d’ailleurs le nom de la liste qu’elle conduit, qui réunit de nombreuses forces politiques, faute d’un accord avec les écologistes et le parti communiste. Motivée, elle espère pouvoir y remettre du dynamisme, de l’ambition et lui offrir un nouvel élan.
Son curriculum vitae a de quoi impressionner, tant il égraine les postes prestigieux de la République. Pourtant, Najat Vallaud Belkacem poursuit une seule ambition aujourd’hui, celle de prendre les commandes d’une région dont les mérites sont multiples. Située entre lacs, volcans, montagnes et espaces naturels protégés, la région AURA, née de la fusion des grandes régions en 2015, occupe toujours le haut des classements des régions françaises en termes de population, de richesse et d’attractivité. Mais elle pourrait encore faire mieux, selon la candidate.
Vous présentez votre candidature sous la bannière de l’Alternative, qui regroupe plusieurs forces politiques*, sans que cela ne soit l’union que vous espériez de toutes les forces de gauche. En quoi est-ce finalement une bonne chose ? 
Najat Vallaud Belkacem : « J’entre dans cette aventure avec l’objectif de réaliser une union, car je pense que c’est important de se donner cette capacité-là pour la région. Faute de trouver un accord, il y a quand même deux choses importantes à noter. D’abord, après des mois de discussion, nous sommes parvenus à un rassemblement de dix partenaires de gauche sur la liste l’Alternative et ce n’était pas gagné d’avance. Ensuite, y compris avec les Verts, la discussion que nous avons eue a abouti à la certitude d’un rassemblement fluide et rapide au soir du premier tour. Cette candidature présente l’avantage de pouvoir défendre ses priorités, nous avons de nombreux points communs avec les autres forces de gauche, la mienne c’est l’emploi.
De quelle manière l’emploi présente-t-il le noyau dur de votre projet ?
Après les mois que nous venons de vivre, nous voyons que nous ne sommes pas encore sortis de la crise, même si la crise sanitaire sera bientôt derrière nous. Le chômage lui, est toujours présent, surtout chez les jeunes avec tout ce qui en découle, et qui peut les freiner dans leur volonté de s’inscrire dans une vie adulte, pour pouvoir se projeter. Je suis sensible à ces questions économiques, et souhaite apporter des réponses, par rapport aux entreprises et à l’emploi. A ce titre, je forme une proposition inédite, d’équilibre entre freins et besoins, les craintes des entreprises à l’embauche, l’absence de formation pour certains jeunes, avec un regard accru sur les transports, l’offre de logement, etc…
Pourquoi avoir choisi l’emploi, en particulier ?
Il faut être en mesure de préparer l’avenir. C’est un reproche que l’on peut faire à la présidence de Laurent Wauquier, de n’avoir pas été présent, ne pas avoir été au rendez-vous de la mutation de l’agriculture, à l’écoute de la population caractéristique du territoire, à la fois urbaine et rurale. Il faut bien avoir à l’esprit que l’emploi est la première protection des citoyens et que de l’emploi découle l’activité économique. C’est essentiel d’anticiper pour pouvoir se projeter dans l’avenir. Au-delà de la crise économique en tant que telle, beaucoup se sont dernièrement interrogés sur le sens de la vie, la valeur du travail. La question de la formation professionnelle se pose également, qu’il s’agisse de reconversion après un plan social, ou de ceux qui justement ne trouvent plus le sens à leur emploi et veulent se reconvertir, ou pour les jeunes pour qui tout ne s’est pas déroulé comme sur du velours. Cela concerne un nombre incroyable de gens, mais l’offre aujourd’hui n’est pas à la hauteur.
Les mots qui reviennent souvent dans votre campagne sont » protection, ambition et émancipation «, s’agit-il de besoins de la région AURA ? 
En effet, la région en manque, et il n’y avait rien d’évident à ce que cette nouvelle grande région manque de protection, d’ambition et d’émancipation. Les services publics sont dégradés et affaiblis, les transports souffrent du manque d’investissements, aucun projet n’a avancé sur ce point, qu’il s’agisse du RER à Lyon ou que l’on se penche sur les petites lignes de train, fermées sans raison. Les habitants ont perdu en qualité de vie : comment se former si vous n’avez pas de transports adaptés ? La politique conduite est aberrante au point de vue de la vitalité du territoire. 

Lors de la venue de NVB à Chambéryla liste des candidats Savoyards à l’Alternative**
Comment comptez-vous vous y prendre pour remédier à cela ? 
Je souhaite d’abord créer 500 000 places de formation professionnelle, soit cinq fois plus que celles qui existent aujourd’hui. Je souhaite également créer et mettre en place un parlement climatique et social à Clermont-Ferrand, composé de citoyens, d’experts, d’ONG, pour penser et accompagner la transition écologique et sociale de notre région, s’adapter aux conditions climatiques. Nous voulons faire en sorte que les décisions que l’on prendra au niveau de la région soient égalitaires, respectueuses de l’écologie, pour tous à commencer par ceux pour qui cela est le plus difficile. Nous souhaitons éclairer les hommes et les femmes de la région, pour qu’ils aient une vision globale, de l’enneigement décroissant, de la sécheresse, du gel ; il faut veiller à ce que les décisions prises par la Région tiennent les engagements de décarbonisation des activités tout en corrigeant les inégalités. Pour cela nous avons besoin des citoyens, de l’expertise des professionnels, des ONG, pour que ce parlement soit le poil à gratter permanent de la Région. 
Vous faites de la co-construction, en somme ? 
Dans cette campagne, notre démarche est très différente de la consultation citoyenne qui a été engagée par Emmanuel Macron, et qui finalement, à sa clôture, n’a retenu que moins de 2% de ses recommandations. Ce parlement n’est pas un one shot, c’est une structure pérenne avec une capacité de communication permanente. A propos de co-construction, au niveau de la Région, il y avait, par exemple sur la formation professionnelle, un travail à mener avec l’Etat, pour obtenir des financements, cela n’a pas été fait par la présidence actuelle. Il en va de même pour les accès Lyon-Turin, il fallait travailler avec l’Union européenne. Tout cela relève d’un travail collaboratif, qui n’est pas fait. Actuellement, les réponses apportées sont uniquement du court terme, sans aucune vision d’avenir, on sent qu’il n’y a chez Laurent Wauquier aucune appétence pour la co-construction. 
De votre côté, vous avez proposé aux électeurs leur contribution durant votre campagne, ce qui a également eu cours durant les élections municipales, notamment en Savoie. Comment faire la différence entre la vraie co-construction, et celle qui n’en a que le nom ? 
En effet, il faut noter que beaucoup de citoyens ont trouvé cela normal de contribuer aux programmes électoraux. Au vu du nombre énorme de contributions que nous avons reçues, aujourd’hui nous voyons la facilitation de la mobilisation citoyenne, l’engouement face au programme que l’on porte. Pour répondre à votre question, quand on ne connaît pas les candidats, on peut se laisser avoir : on part d’une page blanche, sans moyen de vérifier qu’ils tiendront les engagements qu’ils ont pris durant la campagne. Par définition, on prend un risque, c’est plus une intuition qu’autre chose. En revanche, pour les candidats que l’on connaît, on peut constater s’ils ont été sincères. Si l’on regarde du côté de Laurent Wauquier, les espaces de concertation ont disparu, on ne peut pas être dupe. Quand Bruno Bonnell a refusé de créer une permanence parlementaire dans sa circonscription, il a indiqué qu’il n’était pas une assistante sociale. Nous manquons de mémoire de ce que font les gens, ceux qui n’ont pas été empathiques avec leurs concitoyens, ne se sont pas battus pour la solidarité, pour les services publics, ils ne vont pas se transformer en protecteurs le lendemain. Il est assez facile d’identifier les faussaires, au regard des actes et des combats.
Vous-même, souhaitez-vous être jugée sur vos actes et vos combats ?
Je demande à être jugée sur ce que j’ai fait : l’accès de 140 000 étudiants à des bourses universitaires auxquels ils n’avaient pas droit, la création de 40 000 chambres étudiantes supplémentaires, par exemple. Je me suis battue en permanence contre un système d’éducation à deux vitesses. Quand j’étais adjointe à la ville de Lyon, en charge de la vie associative notamment, j’ai fait en sorte que les associations conventionnées obtiennent des financements sur trois ans, parce que je crois au tissu associatif. Je ne mens pas. 
Pensez-vous que les électeurs devraient davantage regarder ce qui a été dit et fait, pour voter en conscience ? 
Je l’ai fait, avant de me lancer dans cette campagne. Il a été dit en 2015 qu’il y avait trop de dépenses publiques dans la région, ce qui n’était pas vrai. La promesse des portiques de sécurité devant les lycées ? Elle a été réalisée, mais cela ne sert à rien, à part créer des attroupements, et quand on a le souci de se prémunir des attentats terroristes, on se rend compte que c’est sans intérêt, voire dangereux. Les caméras de surveillance dans les lycées ? Elles ne sont reliées à aucun poste de police ou d’expert qui pourrait les exploiter. On nous a parlé du scandale des déserts médicaux et… ? En 2015, il y avait 5% de zones de déserts médicaux, au lieu de baisser, ce chiffre est passé à 5,5 %, alors qu’en région Occitanie, il est 5 fois moins important ! Quid de la politique régionale actuelle ? Mon souhait*** est de financer 200 maisons de santé pluridisciplinaires, nous avons besoin de soignants. De même, abonder de 15 millions d’euros le secteur de l’agriculture, après que les récoltes aient gelé, cela démontre qu’il n’y a pas eu d’anticipation. Il faudrait imaginer un fonds de réserve pour palier les aléas climatiques pour ce secteur, tout comme on ne peut que chercher à diversifier les activités de montagne, quand on voit que l’on perd un mois d’enneigement chaque année «. 

* L’Alternative regroupe le PS, le PRG, Cap Ecologie, la Gauche républicaine et Socialiste, l’Ecologie populaire, la Manufacture de la Cité, la Gauche démocratique et sociale, Liberté, écologie, fraternité, le Parti Occitan, l’Alliance écologiste indépendante, le PCF Fédération de l’Allier
** Treize candidats en Savoie se sont engagés aux côtés de Najat Vallaud Belkacem pour l’Alternative en Auvergne Rhône Alpes : François Chemin, maire de Fourneaux et conseiller régional sortant ; Isabelle Dunod, adjointe au maire de Chambéry ; Damien Ancrenaz, conseiller délégué à Cognin ; Sara Rotelli, conseillère déléguée à Chambéry ; Laurent Graziano, conseiller municipal à Albertville ; Fabienne Pichon-Deguilhem, adjointe à Betton-Bettonet et vice-présidente de Cœur de Savoie, Ludovic Torres-Ferreira, chef d’équipe sécurité incendie et formateur secourisme ; Monique Rosset-Lanchet, maire de La Bâthie ; Olivier Maire, cadre dirigeant d’entreprise ; Florence Vallin-Balas, maire de Cognin de 2008 à 2020 ; Philippe Pouchain, ancien cadre en Protection de l’enfance au Département 73 et Ancien conseiller municipal (La Ravoire). Noëlle Aznar-Molliex, conseillère régionale sortante et personnel de direction Education Nationale et Francis Ampe, ingénieur-urbaniste et ancien maire de Chambéry liste d’union de la gauche 1977-1983 (suppléants)
*** Pour retrouver le programme de L’Alternative Aura 2021 : L’Alternative en Auvergne-Rhône-Alpes avec Najat Vallaud-Belkacem. (aura-alternative.fr) 

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