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Technolac : à cinq jours de l’examen final, les élèves de BTS ont le sentiment d’être « sacrifiés »

Par Laura Campisano • Publié le 05/05/21

Alors que leurs aînés avaient pu obtenir leur brevet de technicien supérieur au bénéfice du contrôle continu en mai 2020 après un confinement de deux mois, les étudiants des BTS en alternance des écoles privées ont supporté près d’un an et demi de cours en distanciel et ont reçu leur convocation pour passer les épreuves à compter du 10 mai prochain, après le feu vert du Conseil d’Etat. Désabusés, stupéfaits, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas logés à la même enseigne, et ce n’est pas la session exceptionnelle de rattrapage qui parviendra à les faire changer d’humeur. 
Peur ou lassitude, quoiqu’il en soit les étudiants de BTS en ont ras-le-bol et se sentent non seulement lâchés mais surtout déconsidérés par le ministère de l’Enseignement supérieur qui n’a à leur proposer qu’une session de rattrapage en juillet pour « se faire pardonner de la situation » selon eux.Ils ont passé cinq mois en présentiel et plus d’un an et demi derrière leur ordinateur, là où les étudiants de BTS en formation initiale au sein des lycées ont pu bénéficier de cours en présentiel et en « hybride », c’est-à-dire en roulement par demi-classes. Injustice de devoir passer les examens de fin d’année dans ces conditions, peur de ne pas être à la hauteur, et surtout de l’avenir sur le marché du travail. En alternance, il a fallu rester mobilisé, bien que certains n’aient même pas pu reprendre le travail, crise sanitaire oblige. Annus horribilis, donc.

« Ils partent du principe qu’on a pu s’habituer à la situation » 

A partir du 10 mai, les étudiants de BTS de Technolac, notamment de la filière Management commercial opérationnel (MCO, anciennement Management des unités commerciales MUC) sont attendus dans les salles d’examen savoyardes. Ils y auront cru jusqu’au bout, au contrôle continu et cela leur semblait même l’évidence, au vu des deux ans chaotiques qu’ils venaient de vivre, en comparaison de leurs prédécesseurs, qui n’avaient pas eu besoin de se présenter, eux. Et ils angoissent, à en perdre parfois l’appétit ou le sommeil, d’avoir travaillé si dur, d’avoir réussi à s’accrocher pour ne pas « lâcher l’affaire », quand les cours en distanciel ont débuté, aux alentours du 28 octobre 2020. « Même si nous avons eu de très bons professeurs pour nous accompagner tout au long de ces mois difficiles, ce n’est pas la même chose qu’en présentiel », explique Alexandra, étudiante en alternance en BTS MCO, « tout est compliqué à distance, la vie de classe est compliquée, on ne rentre pas de la même manière dans le détail. Nous avons un sentiment d’injustice de folie, parce que comparé à ceux qui l’ont eu en contrôle continu l’an dernier, après seulement 1 mois et demi d’interruption, nous on est perdant. Au ministère, ils partent du principe qu’on a eu le temps de s’habituer, mais pas du tout ! Franchement, pour les personnes qui ont bossé, sont restées motivées jusqu’au bout, ça aurait été mérité. » expose-t-elle. « C’est extrêmement compliqué de suivre les cours en distanciel », abonde Maëlis, « il y a des cours même où c’est impossible de suivre. Ce n’est ni logique, ni équitable de nous faire passer les examens en présentiel, vis-à-vis des candidats de l’an dernier ! » 

La session de rattrapage « c’est uniquement pour se donner bonne conscience »

C’est le 16 avril dernier, que les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur ont précisé qu’une session de rattrapage exceptionnelle aurait lieu pour les 180 000 candidats de BTS qui auraient été empêchés de passer ou de valider leur diplôme en raison de la crise sanitaire. De la poudre aux yeux, pour les étudiants que nous avons rencontrés. « Cette session, c’est juste pour les cas contacts et ceux qui ont eu le Covid, c’est pour se donner bonne conscience », souligne Maxime, qui à l’approche des épreuves n’est pas aussi serein qu’il le souhaiterait, en dépit des notes qu’il a obtenues tout au long de l’année. « Ca ne sert à rien, c’est pour sauver les meubles. » « Qui dit qu’ils ne seront pas plus sévères à la session de rattrapage ? »renchérit Alexandra. « C’est ouvert à tous, mais de base, c’est fait uniquement pour ceux qui ne pourraient pas se présenter en raison de leur état de santé », ajoute Maëlis, « pour se faire pardonner de la situation, parce que c’est historique que cela se passe comme ça », précise Maxime. Première promotion après la modification de leur filière, les BTS MCO gardent un goût amer de l’expérience, « cobayes » de cette nouvelle mouture, en plus du distanciel, et de l’alternance pour ceux qui ont pu la maintenir, vu que nombre d’entreprises ont dû fermer, dans les secteurs tertiaires et marchands « non essentiels », depuis octobre 2020, cela leur semble beaucoup. 

Un recours en justice ? « Même la pétition n’a rien changé, alors pourquoi faire ? »

93 247 signatures ont été récoltées sur la pétition en ligne depuis deux mois, c’est un peu plus de la moitié des candidats au brevet de technicien supérieur pour la session de 2021. D’autant que les modalités de l’examen n’ont cessé de varier depuis ces dernières semaines, outre la session de rattrapage dont personne ne connaît les modalités pour le moment. Alors, quelle alternative peuvent espérer ces étudiants si les examens se passent comme ils le redoutent et qu’ils ne sont finalement pas diplômés ? « Faire un recours, ça ne sert à rien, même la pétition n’a rien changé, malgré le déferlement médiatique qu’il y a eu sur le sujet, ça n’a pas été pris en compte », regrette Alexandra, « on a fait tout notre BTS en un an quasiment, rien ne s’est bien passé pour nous, c’est chaud quand même ! » « Moi, je sais que sur certaines matières, pour la première fois de ma vie, je vais y aller en » freestyle «. Et ce dont j’ai peur, c’est que les profs aient été sympas avec nous parce que les conditions étaient compliquées et qu’ils nous connaissaient, mais que les correcteurs eux ne soient pas cléments du tout ! »  Pour eux, il est même tout à fait impossible que les notes soient revues à la hausse, par crainte de décrédibiliser le diplôme. C’est pourquoi une quinzaine d’étudiants dans la même situation que la leur, issus du collectif « BTS en détresse » a déposé un recours devant la Cour Européenne des droits de l’homme pour obtenir le droit d’être évalués via le contrôle continu, l’urgence des premiers jours d’examen lundi leur permettant d’utiliser cette voie de recours. Nul ne sait encore si la juridiction européenne statuera dans les temps impartis.Quant aux entreprises de nos étudiants savoyards, celles où ils ont passé leurs deux ans en alternance, même si elles soutiennent leurs apprentis, elles comptent tout de même sur leur réussite. « Mes patrons pensaient comme moi qu’on finirait par avoir l’examen en contrôle continu »,  reprend Maxime, « et vu mes notes, on n’était pas inquiet. Ils veulent me prendre l’an prochain en bachelor, il faut encore que j’y accède ! » « Quand on pense que l’an dernier, ceux qui ont eu leur BTS n’ont pas eu besoin de travailler comme nous, et que nous risquons d’être sanctionnés, oui, vraiment, on se sent sacrifiés », conclut Maëlis. Une situation qui est loin d’être enviable pour ces futurs managers, qui auront tenté d’attirer l’attention sur ce qu’ils considèrent comme une injustice, non entendue, malgré les tentatives télévisuelles de convaincre en direct, Jean-Michel Blanquer…

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