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Auvergne-Rhône-Alpes : à quoi sert le conseil régional ?
Par Laura Campisano • Publié le 04/06/21
Le conseil régional est un des échelons territoriaux les moins connus par les citoyens, pourtant en charge de nombreux sujets qui les concernent directement : transports, formation professionnelle, gestion des lycées, pôle économique, aménagement du territoire, entre autres. Appelé à être renouvelé les 20 et 27 juin prochains, le conseil régional apparaît parfois déconnecté des 8 millions d’habitants d’Auvergne-Rhône Alpes, lesquels ne parviennent pas toujours à voir l’action de la Région au quotidien, ni à reconnaître leurs élus régionaux, dont 11 en Savoie, tous issus des grandes familles politiques locales. Petit tour d’horizon de cette instance, perfectible, mais incontournable, avec certains d’entre eux.
Comprendre les institutions françaises, savoir les repérer et donc mieux cerner les actions des différents échelons de l’Etat n’est pas chose aisée, soit qu’il s’agisse de vieux souvenirs d’écoliers non remis à jour, soit de plus récentes informations distillées sans assez de précision. Chaque scrutin arrive donc avec son lot de questionnements, et d’abstention : 50,09 % d’électeurs au premier tour et 42,32 % au second ne s’étaient pas rendus aux urnes lors des dernières élections régionales de décembre 2015. Désintérêt ou méconnaissance, dans tous les cas, connaître une institution avant de déposer un bulletin dans l’urne semble demeurer une nécessité.
Une instance modifiée par la loi Notre de 2015
« Une grosse machinerie » que ce conseil régional d’AURA, qui compte 204 membres, issus des 12 départements composant la grande région Auvergne-Rhône Alpes. L’Ain, L’Allier, L’Ardèche, le Cantal, la Drôme, l’Isère, la Loire, la Haute-Loire, la Métropole de Lyon, le Puy-de-Dôme, le Rhône, la Savoie et la Haute-Savoie sont donc partie prenante des grandes décisions et orientations, une tablée dirigée par Laurent Wauquier depuis 2015. La loi Notre de 2015 a en effet modifié le découpage des régions tel qu’il avait été pensé en 1982 et 1986, passant de 22 régions à 18 (dont 5 en Outre-Mer) et élargissant leurs compétences. Depuis cette loi, la Région dispose de compétences exclusives, telles que le développement économique, les lycées, la gestion des fonds européens, la formation professionnelle, l’apprentissage et l’alternance, les transports et l’aménagement du territoire. Mais l’instance partage également certaines compétences avec d’autres collectivités territoriales, telles que la culture, le tourisme et le sport. Dotée d’un budget annuel assez conséquent en AURA, s’élevant pour 2020 à 3,851 milliards d’euros, la Région possède une force d’investissement importante pour la gestion des 70 000 km² de superficie sur lesquels elle s’étend.
Une « grande boutique », un peu loin du terrain
On comprend peut-être un peu mieux, dès lors, le sentiment d’éloignement ressenti – à tort ou à raison – des citoyens envers cette institution, comme le souligne François Chemin, conseiller régional de Savoie (PS) « C’est une grande boutique, il y a près de 2 000 agents à Lyon (au Conseil Régional, NDLR) quand j’y suis arrivé, j’avoue avoir été un peu perdu et avoir mis du temps à prendre mes marques », reconnaît-il, « il est vrai que les compétences de la région sont assez éloignées des préoccupations de la majorité de nos concitoyens, la collectivité est lointaine. » Un sentiment que partage sa collègue Marie Dauchy (RN), également élue en Savoie : « C’est très difficile de faire un travail de terrain, c’est pourquoi je fais le maximum sur mon département et les départements voisins », explique-t-elle, « quand les gens estiment que le CR est loin d’eux, ils n’ont pas vraiment tort, il faut donc avoir un maximum d’élus implantés au niveau local, car c’est la seule façon de changer quelque chose. » D’autant que le système actuel n’impose pas de tenir des permanences d’élus, comme le font les députés par exemple. C’est donc par téléphone, très souvent, que les conseillers régionaux sont contactés par les citoyens. « Les réunions, j’en ai fait au début », reprend Marie Dauchy, « les gens venaient un temps, puis cela s’amenuisait. Beaucoup me contactent par les réseaux sociaux, par les commerces, les communes. La région souffre d’un gros déficit d’image », estime-t-elle. Même si les choses ont changé, depuis la présidence de Laurent Wauquiez, qui est un grand communicant, grâce auquel « les gens identifient mieux l’institution » selon François Chemin, « cela reste abstrait. Le département a une visibilité accrue, dans la tradition française, être conseiller général, cela voulait dire quelque chose. Pour la région, avant 1986, ils étaient nommés et non élus au suffrage direct. Depuis 35 ans,, les gens ne se sont pas encore approprié réellement ce que les élus font au conseil régional. Hormis la tête de liste, les conseillers régionaux sont peu connus, la collectivité est très technique. Il n’est jamais noté que c’est la Région qui a organisé telle ou telle chose, les gens ne s’y identifient pas. » Le travail, les conseillers régionaux l’abattent, un peu dans l’ombre, mais investis. « On essaie de communiquer au maximum », reprend Emilie Bonnivard, députée de Savoie et engagée dans la campagne aux côtés de Laurent Wauquiez, « l’organisation territoriale en France est compliquée pour nos concitoyens. Les moments d’élections sont des moments civiques, c’est l’occasion de se rapprocher des gens, même si on ne touche jamais tout le monde. En campagne, les déplacements sur le terrain permettent ces rapprochements, les gens veulent qu’on leur parle de ce qui les intéresse, eux. Il faut qu’ils sachent que toutes les collectivités peuvent être utiles dans la vie de tous les jours. La Région a voulu travailler avec le département pour financer tous les petits clubs sportifs, mais aussi pour les rénovations d’écoles, des bibliothèques, la gare, comme à Chambéry. La Région est présente partout, dans le quotidien des gens. »
Du lycée au TER, la Région est (pourtant) partout
Les petits panneaux bleus ont fleuri çà et là en AURA, notamment devant les lycées, où des portiques avaient été positionnés durant le mandat écoulé. Car s’il y a bien une compétence que les citoyens identifient, c’est celle de la gestion de ces établissements scolaires : 320 000 lycéens en moyenne fréquentent les 576 lycées dans la région, regroupés dans trois académies, Clermont-Ferrand, Grenoble et Lyon. En tout, 6 800 agents sont employés dans ces établissements, qui gèrent également l’aspect restauration scolaire, avec près de 27 millions de repas servis par an. C’est peu de dire que l’organisation est essentielle, pour faire fonctionner les rouages de l’enseignement secondaire. Gestion de la construction, de l’entretien et du fonctionnement des lycées d’enseignement général, professionnel et agricole, la Région est également en charge du transport scolaire, qui en dehors de l’agglomération de Chambéry, est une compétence dédiée de la Région. « Il en va de même pour les Trains express régionaux », abonde Emilie Bonnivard, conseillère régionale issue de la majorité, « la Région est en charge de la régularité des trains, l’offre de service, au travers d’une convention de gestion signée avec la SNCF. Si cela n’est pas respecté, des pénalités sont prévues. Nous travaillons à améliorer la régularité des TER ; actuellement avec nos efforts, la région est 6e sur 13 régions (métropolitaines NDLR) C’est également la Région qui est en charge des cars express régionaux, des transports interurbains et de tout le transport scolaire de la primaire au lycée ». Entre également dans les compétences de la région, la formation professionnelle des apprentis, 57 100 en 2021 et 24 000 élèves sont actuellement en formation sanitaire et sociale. C’est en effet sous l’égide du Conseil régional que les formations des demandeurs d’emploi sont organisées, que sont gérés l’apprentissage et les formations en alternance ainsi que l’insertion des jeunes en difficulté. Autant de sujets que les citoyens n’attribuent pas à la Région, se tournant vers leurs élus locaux en cas de difficultés. « Il y a beaucoup de sujets très locaux, comme les gares, les lycées, les associations, qui concernent les gens au quotidien, sans qu’ils sachent que cela relève de la Région, il n’y a pas que la mairie », souligne Marie Dauchy. « Si l’on prend par exemple la compétence » mise en valeur du patrimoine «, l’église Notre-Dame de Saint-Jean-de-Maurienne qui menaçait de s’effondrer a pu bénéficier d’aides régionales. Les budgets sont plus importants à la Région, sur tant de sujets… Il faut simplifier les démarches qui sont encore assez compliquées, que les maires s’emparent des projets. »
La compétence économique : essentielle pour l’innovation des entreprises
Avec ses 692 000 entreprises, la Région AURA est à l’instar de l’ensemble des régions, en charge de la coordination des actions en faveur de l’économie et de l’animation. Cela s’est notamment remarqué durant la crise sanitaire, et plus encore parla signature d’un accord Etat-Région le 16 janvier 2021, prévoyant le déblocage de 3 milliards d’euros d’investissement, programmés sur 2021-2022 avec pour « objectif de relancer l’activité économique au sein des territoires d’AURA, et de les protéger face à la crise ». Une compétence très importante, comme le précise Emilie Bonnivard « La Région accompagne de façon très forte les entreprises, en accordant des aides, pour favoriser l’investissement, la création d’emploi, les projets. La Région AURA est très dynamique », poursuit-elle, « des familles s’y installent et vivent bien, c’est la 2e région touristique de France, grâce aux stations, aux espaces naturels, aux villes thermales. De plus, des villes comme Lyon sont aussi très attractives, sur un plan urbain. L’activité touristique rapporte à la région 21 milliards d’euros de consommation estimés et 181 200 emplois salariés directement liés à l’activité touristique. De même, la Région gère les fonds européens agricoles, et en AURA, les investissements pour le développement de projets, la préférence des circuits courts, la consommation locale dans les lycées, tout cela a été amplifié. » Avec 15 agences économiques réparties sur le territoire, les dispositifs France Active, l’économie revêt donc une importance particulière pour une région dynamique où 30 % de la population a moins de 24 ans.
On le comprend, le Conseil régional est directement concerné par le quotidien des citoyens, de l’éducation à l’emploi, des loisirs aux déplacements, du dynamisme à l’attractivité du territoire. Gageons que cette campagne permettra d’y voir un peu plus clair sur le fonctionnement et l’utilité de cette instance, pour que le renouvellement démocratique puisse se faire de manière éclairée, les 20 et 27 juin prochains.
Retrouvez également notre article « à quoi sert le conseil départemental ? », paru le 14 mai dernier.
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