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Départementales : en 2015, avec la parité, les femmes ont dû jouer des coudes pour se faire leur place dans un monde d’hommes
Par Laura Campisano • Publié le 14/06/21
Les 22 et 29 mars 2015 ont été deux dates à part, dans le ciel électoral français ; en effet, le redécoupage des cantons en réduisait le nombre (de 4 046 à 2 054), renouvelé de moitié tous les trois ans, l’élection devenait intégrale et enfin, pour la première fois, les binômes engagés dans ces élections départementales devaient se constituer d’un homme et d’une femme. Un passage obligé qui a été diversement vécu par les principales intéressées, en Savoie.
En 2008 et 2011, en France, 78% des élus départementaux étaient des hommes. Un chiffre parlant, justifiant à lui seul la nécessité, afin de renouveler le personnel politique et, par conséquent, de recourir à la parité. Ce n’était pas la seule nouveauté de ces élections de 2015, qui allaient regorger de surprises. Ainsi, 2 054 hommes et 2 054 femmes allaient être élues (au lieu de 4 046 jusqu’ici, du fait du redécoupage des cantons), l’élection devenait intégrale alors que jusque-là, le renouvellement des conseils s’effectuait par moitié tous les trois ans. Enfin, de 10%, le seuil de qualification pour le second tour passait à 12,5% des électeurs inscrits (ce sera également le cas cette année). Bref, en 2015, tout changeait. Par souci de mieux représenter la population, sans doute, encore que ces élections de mars 2015 n’allaient pas mobiliser plus que ça les Savoyards, loin de là. 51,18% puis 52,42% au second tour, le taux d’abstention prouvait déjà un certain désamour avec une institution que d’aucuns considèrent conservatrice.
« L’impression d’être une petite fille qui allait à l’école pour la première fois »
Si l’arrivée de 13 femmes supplémentaires paraissait dans l’air du temps, elle n’a pas pour autant été très facile à vivre pour ces dernières. Entre bouffée d’air frais, nouvelles approches de travail et surtout, bousculade d’un ordre établi. « Les femmes venaient chambouler et remettre en cause la façon de travailler de ces messieurs » , sourit Nathalie Laumonnier. « En Savoie, plus que d’immobilisme, je dirais que nous avions presque affaire à des mammouths, c’est dire si cette parité a fait du bien ». « Lorsque j’ai été élue, en binôme avec Michel Bouvard » , se souvient Brigitte Bochaton, « Hervé Gaymard m’a proposé un poste de vice-présidente, affectée aux ressources humaines. J’ai eu un petit moment de panique car les RH, ce ne sont pas des dossiers mais des hommes et des femmes. Je n’ai donc pas accepté de suite, j’ai pris le temps de réfléchir ».
La maire de Jacob-Bellecombette allait se retrouver en première ligne, elle acceptera néanmoins. « Franchement » , confie-t-elle, « je n’ai pas eu la sensation d’arriver comme un cheveu sur la soupe. J’étais déjà élue, maire depuis 2008, j’ai toutefois senti qu’il allait être compliqué de traiter dans un monde majoritairement constitué d’hommes ». Marina Ferrari, engagée aux côtés de Bruno Bonnell aux Régionales, donc en passe de quitter le CD, a, quant à elle, eu l’impression d’entrer dans la cour des grands : « Ma première impression était de me sentir toute petite dans cette grande salle, j’étais très impressionnée, c’est là que j’ai réalisé que j’étais dans le grand bain. C’est une grande maison, on sent que tout est codifié, j’avais l’impression d’être une petite fille qui allait à l’école pour la première fois ». « Imaginez une institution forte de 52 sites, de 2 500 employés, aux compétences diverses… » , souffle Brigitte Bochaton. Si le grand monde était à portée de main, il n’était pas à leurs pieds…
Une solidarité se crée
Colette Bonfils, précurseur à l’ex Conseil général, arrivée en 1977, a connu 5 mandats départementaux, les premiers pas n’avaient pas été des plus aisés : « Si Francis Ampe m’a mis le pied à l’étrier en politique, puisqu’il m’avait intégrée à sa liste aux municipales de 77, c’est Jean Fressos qui m’a initiée à la vie politique ; cette instance départementale, je ne la connaissais pas. Il n’y avait pas beaucoup de femmes à ce moment-là et en campagne, j’ai entendu beaucoup de choses assez désagréables, comme » les femmes sont là pour s’occuper des enfants «, faisant culpabiliser la » mère indigne « que j’étais selon certains. C’était assez violent. Heureusement les choses ont évolué depuis ». « Il a fallu prouver ce dont on était capable alors qu’un homme, tout ce qu’il fait est bien perçu. Une femme, cependant, va travailler un dossier de façon plus consciencieuse, et je me souviens que les services appréciaient de bosser avec des femmes, les choses étaient plus faciles pour eux ».
La force de l’habitude
Dans ce monde d’hommes, de politiques chevronnés, une sorte de solidarité s’était créée entre « nanas », « c’était comme une révolte administrative, nous étions toutes motivées et impliquées, on se racontait nos déboires… » relate Brigitte Bochaton, des partages d’expériences, des anecdotes de couloir…
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