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Départementales, premier tour : la droite savoyarde au presque parfait mais…

Par Jérôme Bois • Publié le 21/06/21

C’est un quasi sans faute qu’ont réalisé les candidats de la majorité départementale « La Savoie nous unit ». En plaçant tout ou partie de ses binômes au second tour, elle s’autorise à croire en des lendemains qui chantent. Mais ce ne sera pas gagné pour autant et certaines personnalités que l’on croyait indéboulonnables ont vacillé. Ou vacillent encore. La gauche, entre Savoie ensemble et le PS, a existé et l’abstention a explosé. Quant au Rassemblement national, il ne sera pas parvenu à percer, sinon à Saint-Jean-de-Maurienne.

A plus d’une heure du matin, dans la nuit de dimanche à lundi, la salle de presse frétillait, un dernier canton renâclait à livrer son verdict. Chambéry 3, devenu objet de plaisanterie pour son goût douteux pour le suspens, a nécessité le recomptage des votes parce que l’écart entre deux binômes était faible. Après recompte, il sera minuscule. Et c’est la paire Favetta-Sieyès – Morat qui remettra ça dimanche 27 juin, au détriment du binôme Perrotton – Colin-Cochi. Deux voix, deux misérables voix ; 1 241 contre 1 239, à distance respectable des vainqueurs du soir, Marc Pascal et Danièle Somveille (Savoie ensemble). Et du coup, c’est à signaler, « la Savoie nous unit » perd un binôme, ce qui sera son exception du soir. Et un seul conseiller sortant aura perdu son siège, Frédéric Bret sur La Ravoire.

La droite en ballotage favorable

Parce que oui, si l’on ne peut pas parler de victoire totale (il reste un tour), les chevaux sur lesquels a misé Hervé Gaymard seront tous là dans 6 jours. Mention à Luc Berthoud et Nathalie Fontaine, unique duo vainqueur au premier tour d’un duel que l’on imaginait gagné d’avance. Sans faire offense à la paire RN Lucile Duhamel – Johan Level, leur jeunesse s’apparentait plus à un défi qu’à une conviction profonde de victoire. Avec 83% des votes exprimés, 26,24% des inscrits, le duo s’est imposé comme attendu là où 12 594 personnes se sont abstenues. Dans un scrutin que les électeurs ont jugé gagné d’avance ? Les 18 autres cantons, eux, sont en balance. Dans 17 d’entre eux, un binôme « la Savoie nous unit ». Plus dans le détail, si les personnalités fortes de cette majorité départementale ont tenu leur rang, bien qu’aucune ne se soit imposée dès ce 1er tour (Renaud Beretti, Gilbert Guigue et Corinne Wolff, Hervé Gaymard et Martine Berthet, Vincent Rolland, Franck Lombard et Annick Cressens, Nathalie Schmidt, Brigitte Bochaton…), les autres ont eu fort à faire. Ainsi, à Albertville 2, les jeunes Tatiana Gravenhorst et Samuel Masseboeuf sont passés pour 23 voix de plus que la paire Rachel Jusret – Romain Sens (RN) dans un canton dominé par André Vairetto et Dominique Ruaz (PS). A La Ravoire, canton traditionnellement tendu, le binôme Josette Rémy – Alexandre Gennaro (28,87% des votes exprimés, 10,48% des inscrits) reste dans la roue de Savoie ensemble, porté par Arthur Boix-Neveu et Aurélie Fournier (33,19% des votes exprimés, 12,05% des inscrits). Tout comme Philippe Cordier et Christine Rajat (24,42%), derrière l’inamovible Catherine Chappuis, en binôme avec Albert Darvey (34,80%). Les premiers temps de passage sont bons mais un cataclysme n’est pas à exclure pour cette majorité…

La majorité chambérienne bien bousculée, Savoie ensemble récompensée

Parmi les surprises, nous noterons l’absence au second tour de la doublette Jean-Benoît Cerino – Raphaëlle Mouric, deux membres de la majorité chambérienne, non soutenue par la gauche, dominé par la Savoie nous unit (Brigitte Bochaton et Aloïs Chassot, 38,02%) ainsi que par Savoie Ensemble (Martine Jourdan-Pasquier et Antoine Livonnet 32,28%). Et donc la courte avance de Franck Morat (maire de Cognin) et Christelle Favetta-Sieyès (adjointe à Chambéry) sur le canton Chambéry 3. Pour la majorité plurielle de la ville centre, ces résultats ne seront que plus encore de nature à créer des tensions. Cette sortie – remarquée – d’Aurélie Le Meur, qui appelait à ne pas voter pour des candidats déjà engagés au sein du conseil municipal (Mouric, Cerino, Favetta-Sieyès) – mais pour ceux de Savoie ensemble – aura peut-être fait plus de dégâts que prévu : « Un conseiller ou une conseillère municipale peut difficilement faire correctement son travail en cumulant avec des fonctions au département. C’est notre vision de la démocratie, du partage des responsabilités et d’un meilleur dialogue avec les citoyens. C’est notre engagement plein et entier que nous avons pris devant les électeurs et les électrices en 2020 » , écrivait-elle, le 17 juin. C’était oublier Arthur Boix-Neveu qui, à défaut d’être conseiller municipal, est maire de Barberaz… Ce dernier a néanmoins promis de quitter son emploi s’il venait à l’emporter dimanche prochain. Malgré ces chamailleries, Savoie ensemble aura parfaitement bien tiré son épingle du jeu, plaçant 10 binômes en ballotage sur les 14 engagés. En tête, même sur La Ravoire et Chambéry 3, deux cantons majeurs, ce qui est à la fois singulier, là où l’on attendait la droite et des conseillers départementaux sortants, et significatif d’une constante depuis les dernières municipales.

Le Rassemblement national loupe la marche

Le Rassemblement national – avec Marie Dauchy et Lionel Combet – devra, quant à lui se contenter d’une finale face Patrick Provost et Sophie Vernet sur le canton de Saint-Jean-de-Maurienne, dans un duel assez déséquilibré à en juger par les écarts de dimanche (51,43% contre 25,40%). D’une façon générale, si ses scores ne sont pas infâmants, avec 17,23% et 17 279 votants sur le département, le RN n’aura pas été au rendez-vous avec l’histoire quand pourtant il plaçait un binôme par canton pour la toute première fois. Le plafond de verre ? « Nos binômes étaient pour la plupart très jeunes, tous dynamiques et fiers de leur campagne, il fallait leur mettre le pied à l’étrier, l’avenir sera prometteur » , positivait Marie Dauchy. A noter qu’Amandine Lecole et Billy Margueron (Savoie ensemble) ont d’ores et déjà appelé leurs électeurs à voter la Savoie nous unit.

On les attendait au tournant, ces candidats dits « hors système », on ne les a pas vus au tableau d’honneur. Sur Chambéry 1 et 3, Savoie à venir a rassemblé 497 et 200 voix, très insuffisant pour se maintenir, trop faible pour apporter une opposition de taille face aux concurrents forcément plus rodés. Mais significatif aussi des difficultés à exister dans un système qui ne favorise pas ceux qui n’ont pas le soutien d’un quelconque appareil. « Nous serons toujours présents sur les cantons et ferons avec nos moyens évoluer les dossiers qui nous ont été soumis. Nous remercions chaleureusement notre équipe et les aides précieuses qui nous ont permis pour une première candidature face à des grosses équipes et des gros moyens d’être à la hauteur » , se réjouissaient néanmoins ses membres. Autres candidats détonants, Ghislaine Bouteleux et Jean-Luc Evreux, les deux régionalistes de l’étape, favorables à « une Savoie fédérale ». 226 électeurs se sont laissés séduire sur le canton de Montmélian. Christian Derenty et Marie Heerah n’auront eu que les miettes à se partager sur Aix 1 (209 voix).

L’abstention, ce boulet

Ce premier tour serait presque d’une extraordinaire banalité si un écueil de la taille d’un iceberg n’avait pas pointé le bout de ses glaçons. Cet écueil, l’abstention, record, annoncée, décevante… Choisissez votre épithète. Dramatique ? Peut-être même, oui. 66,43% d’abstention, soit 207 088 Savoyards qui ne se sont rendus aux urnes (pour 104 638 votants et 100 263 exprimés). On touche là à une limite du système, des élus plébiscités par… moins de 20% du nombre total d’électeurs en général. Ainsi, il n’est pas anodin de voir Hervé Gaymard, président du conseil départemental, et Martine Berthet, sénatrice de Savoie, culminer à 16% des inscrits seulement. Il est peu commun de voir que Renaud Beretti et Karine Dubouchet-Revol n’ont totalisé que 18,14% des voix des inscrits. Il est fou de voir Luc Berthoud et Nathalie Fontaine élus dans leur canton de La Motte-Servolex avec seulement 26,24% des voix des inscrits. Cette légitimité des vainqueurs avait déjà été égratignée l’an dernier lors de municipales au niveau d’abstention rarement atteint. Cette fois, la désaffection des Français pour la chose électorale est maintenant un phénomène durable. Comme le réchauffement climatique, cela fait plus de 20 ans qu’on en parle. Plus de vingt ans que la maison brûle et que nous regardons ailleurs…

Tous les commentaires

1 commentaire

gerard Blanc

21/06/2021 à 17:48

Facteur d'inquiétude supplémentaire, cette abstention croissante concerne principalement la jeunesse. 85% des 18-25 ans n'auraient pas vu ou compris l'intérêt d'aller voter, malgré une offre assez diversifiée entre étiquettes "traditionnelles" et nouvelles candidatures citoyennes. Ce sont donc encore les plus vieux qui continueront à décider dans les instances le présent et le futur de la jeunesse, à sa place : crises climatiques, dette écologique et financière, modèle de société et système de valeurs,... Fractures générationnelles accentuées. Pas très sain et dynamique tout ça face aux nombreux défis, non ?

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