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Départementales : quel est le rôle des candidats remplaçants ?
Par Laura Campisano • Publié le 18/06/21
Le premier tour des élections départementales approche, où les citoyens sont appelés à voter pour des binômes qui représenteront leur canton au sein du conseil départemental de la Savoie. Binômes qui se présentent avec leur duo de remplaçants, dont on ne sait finalement pas grand chose, bien que les têtes d’affiche les mettent régulièrement en avant. Parmi les candidats « remplaçants », à ce scrutin, on retrouve par exemple trois maires en exercice, d’Albertville, de Bourdeau et de La Biolle, ainsi que des personnalités locales connues, préférant se mettre au second plan. Aussi, nous sommes-nous intéressés à quelques-uns de ces candidats, pour comprendre leurs motivations, et leur rôle.
Un quatuor, bien plus que deux binômes, c’est ainsi que se présentent les candidats, titulaires et suppléants, pour cette élection départementale. Ils ont fait campagne ensemble, comptent travailler de concert, les uns sur le terrain, les autres au sein du conseil départemental. Sans pour autant de statut particulier, et sans autre espoir de siéger un jour, qu’une démission ou – c’est ce que prévoit le texte – un décès de titulaire. Au cours de la dernière mandature, Gaëtan Pauchet, suppléant de Thierry Repentin, a vécu ce « switch », quand ce dernier a été élu maire de Chambéry, une rareté en Savoie.
Pas de statut officiel pour le remplaçant
Le texte prévoit que « le remplaçant d’un conseiller départemental est une personne désignée par avance par le corps électoral pour remplacer l’élu. Tant que le remplaçant ne remplace pas l’élu, il ne détient pas le mandat de conseiller départemental et il ne se trouve donc pas en situation d’incompatibilité. » Il ne prévoit pas de statut particulier, encore moins de rémunération, pour se présenter à l’élection. Alors, qu’est-ce qui peut motiver un candidat à se présenter à une telle échéance ? « J’ai proposé à Christian Derenty d’être son suppléant, en tant que secrétaire départemental de Debout la France », explique Vincent Thomazo, candidat suppléant sur le canton d’Aix 1, « pour lui apporter le soutien de la structure. L’idée est d’être là en cas de pépin ce qu’on ne souhaite bien évidemment ni pour les uns ni pour les autres. »
En 2015, Gaëtan Pauchet, alors âgé de 25 ans, se lance dans l’aventure avec Thierry Repentin, « car j’ai aimé la proximité de ce statut d’élu, et que Thierry Repentin avait une véritable vision pour le territoire. » Quelques années plus tard, quand son aîné a démissionné après avoir remporté les élections municipales en 2020, étant conseiller régional par ailleurs, Gaëtan Pauchet est devenu le plus jeune et l’un des rares suppléants, à succéder au titulaire élu en Savoie. Une sorte de « promotion », pour celui qui quitte le banc de touche pour s’élancer sur le terrain. « Le suppléant a tout intérêt à avoir travaillé avec son titulaire, parce que s’il est parachuté subitement au Conseil, du jour au lendemain, ça peut être compliqué pour lui. » estime Vincent Thomazo.
Cela n’a pas été le cas entre Thierry Repentin et Gaëtan Pauchet, « on pourrait ne servir à rien », relève le conseiller départemental sortant, « mais étant élu à Sonnaz, je faisais le lien avec les élus sur place, et remontais les informations de terrain. C’est comme ça que l’on peut voir le remplaçant, comme une courroie de transmission, une interface entre le terrain et le conseil, car paradoxalement, il y a actuellement une telle crise de défiance face aux représentants élus, que bien qu’on lui demande d’être en contact direct avec les citoyens, parfois on lui parle moins que s’il était élu. »
Être un relais, c’est également en ce sens que Julie Novelli, maire de La Biolle, a accepté de se lancer dans l’aventure, aux côtés de Claude Giroud, son binôme suppléant de Florian Maitre et Nathalie Schmitt sur le canton d’Aix 1. « Il a été convenu que nous nous fassions les relais des titulaires sur l’Albanais, de la réception des demandes des citoyens et de véhiculer l’information de ce que fait le Département sur le secteur, ce qui se fait et ce qui peut être fait, car il y a une réelle méconnaissance de l’action départementale. » Déjà très investie dans ses mandats, Julie Novelli a vu également la possibilité dans cette candidature, de porter le sujet agricole dont elle est en charge en tant que vice présidente à Grand Lac, sujet transversal qui pourrait permettre une action complémentaire de l’agglomération, des communes et du département. Les remplaçants apparaissent ainsi assez indispensables, pour plus d’une raison, notamment géographique : les cantons ayant été regroupés, le territoire à couvrir est d’autant plus important, et pour être véritablement sur le terrain, être quatre n’est pas un luxe « Le canton que nous représentons est très important géographiquement », renchérit Gaëtan Pauchet, « le binôme par définition ne peut pas être partout. Et sur un point sociologique, il nous a semblé important également de diversifier les personnalités de notre quatuor, pour plus de représentativité également. » Comme les titulaires, les candidats remplaçants doivent être âgés de 18 ans révolus, avoir la qualité d’électeur et une attache avec le département, ces trois conditions étant cumulatives au sens de l’article L 194 du Code électoral. Au second tour, les remplaçants restent bien entendu les mêmes qu’au premier, sauf en cas de décès, comme le précise l’article R 109 du même code. Ce qui renforce un peu plus l’idée de quatuor, plus que celle de binôme.
« Plus qu’un nom sur une liste »
On comprend dès lors que les suppléants sont bien plus nécessaires au canton que le législateur l’a prévu, du moins pour le moment. Car s’ils « prêtent » leur nom, pour assurer la parité des binômes et permettre aux titulaires de se présenter, ils aspirent à être bien plus que cela « Les gens pensent que nous prêtons simplement notre nom et que nous sommes là uniquement pour figurer sur une affiche », expose Carlotta Abbo, remplaçante de Raphaëlle Mouric, sur le canton de Chambéry 2, « or j’ai fait campagne comme une personne engagée, comme si je la menais pour moi-même. Toutes les décisions ainsi que le programme ont été élaborés ensemble, ne ne me sens pas » moins « qu’eux. » La candidate, déjà engagée sur la liste initiale des municipales menée par Thierry Repentin, confie n’avoir pas accepté d’emblée, n’ayant pas le projet départemental en tête. Ce sont les valeurs communes avec Raphaëlle Mouric, qui l’ont convaincue, et le travail mené en quatuor l’a confortée dans ce choix « Tout ce qu’ils savent, on le sait, ils nous informent de tout, ils nous écoutent, on peut donner notre avis, avec Alain Lançon, j’apprécie de ne pas être qu’un nom sur un bulletin. S’ils sont élus, nous continuerons de travailler ensemble, à quatre », explique-t-elle.
Pas question non plus pour Julie Novelli que d’apposer uniquement son nom sur une affiche. « Je ne fais pas de figuration », soutient la candidate remplaçante de Nathalie Schmitt, « je suis maire, VP à l’agglo, maman, j’ai mon travail à côté, je n’aurais pas fait campagne durant deux mois, juste pour prêter mon nom et encore moins si derrière il ne se passe rien. » Aussi a-t-elle accepté la proposition de ses colistiers, de travailler ensemble et de tout partager de cette campagne : « Nous avons travaillé sur le programme ensemble, avons fait les réunions publiques ensemble. Et ma candidature est aussi liée aux personnes qui composent l’équipe, j’ai fait un choix de personnes », explique l’édile biollane. « et ce sans parler de couleur politique, puisqu’elle ne me correspond pas forcément, ce qui n’a jamais été un problème ; je n’avais pas envie d’être marquée politiquement, mais plutôt de proposer un contrepoids, que j’ai trouvé intéressant. » précise l’élue. Sur le travail d’équipe, il en va de même pour Vincent Thomazo et Gaëtan Pauchet, qui entendent travailler de concert avec leur équipe électorale « On se présente en équipe, on reste en équipe », estime Vincent Thomazo, « Il faut laisser plus de place aux candidats suppléants », martèle le benjamin du Conseil. Toujours est-il que si l’idée est de prévoir l’éventualité d’un décès ou d’une démission, la nomination préalable du binôme évite avant tout de devoir organiser de nouvelles élections, que la loi sur la parité n’a pas – sur un plan pratique – facilité, puisque les remplaçants doivent être de même sexe que les titulaires, en application du code électoral. « Faute d’avoir un statut, cela pourrait décourager les éventuels candidats, voire être frustrant », estime Vincent Thomazo, « pourquoi ne pas le prévoir, pour l’échelon départemental ou même d’autres échelons ? » La question est posée, là où l’engagement, lui, ne fait aucun doute, pour ces 68 quatuors de candidats en Savoie.
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