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Régionales 2021 : Fabienne Grébert, celle qui voulait redonner de l’espoir à sa Région
Par Laura Campisano • Publié le 07/06/21
Si tous les candidats au scrutin régional entonnent le couplet « transition écologique », « développement durable », la cheffe de file des écologistes en Auvergne Rhône-Alpes est bien Fabienne Grébert. Pour cette maîtresse de conférences à l’Université Savoie-Mont-Blanc et conseillère municipale de la majorité Annécienne, l’écologie est loin d’être une option, ce n’est pas un sujet fourre-tout mais une réalité économique, sociale et humaine. Ayant grandi à Saint-Etienne, Fabienne Grébert a été très vite sensibilisée à la pollution de l’air et à l’impact de chacun face à l’urgence climatique. Conseillère régionale sortante, la candidate espère pouvoir transformer l’essai d’une prise de conscience démarrée aux élections européennes en 2019, et elle y croit.
Rien n’est impossible, selon Fabienne Grébert et rien n’est joué non plus, dans cette élection. La candidate, soutenue par les ténors EELV, parmi lesquels Yannick Jadot, Grégory Doucet, Delphine Batot et Eric Piolle, espère pouvoir redonner de l’espoir à tous ceux à qui l’on répète qu’ils ne sont pas capables d’enrayer la crise climatique. Elle espère également que les citoyens ne laissent pas retomber le « souffle vert » dont nous avons été les témoins, aux derniers scrutins, y compris municipaux. Car pour Fabienne Grébert, l’urgence climatique est globale, et parler de sécurité avant de parler d’écologie est contre-productif. Rencontre.
Les deux derniers scrutins majeurs, européen, puis municipal, au cours de ces deux dernières années, ont montré que le sujet écologie avait trouvé un écho chez les citoyens. Vous-mêmes faites partie d’une majorité « verte » à Annecy. Pensez-vous que les élections régionales puissent transformer cet essai ?
« Je le pense oui. En tout cas, je mets tous mes sens en éveil pour gagner cette campagne. Je suis combative, dynamique, parce que j’estime que l’urgence est globale : elle est climatique pas uniquement. Nous sommes en train de laisser une dette climatique à des générations, qui est synonyme de mauvaise qualité de vie, et on ne se prépare pas à ça. Entendre à la radio que les lacs Alpins étaient asphyxiés, cela me donne la boule au ventre.
Est-ce ce qui vous a poussé à vous présenter pour prendre la présidence de la Région ?
On ne peut pas laisser de nouveau les clés pendant 5 ans à Laurent Wauquiez, qui détourne l’attention en parlant de sécurité. Sur l’écologie, Laurent Wauquiez n’a rien fait, et ne fait rien. C’est un problème philosophique. Il est dans une logique où l’on « ne va rien changer, on va faire un petit peu d’écologie renouvelable, ça contentera tout le monde, et on réparera les dégâts ». J’en veux pour preuve l’argent qui est distribué pour les agriculteurs. Il faut le faire, bien évidemment ! Mais à un moment donné, c’est un puits sans fond. Si on continue à donner la même chose aux agriculteurs qui assèchent les sols, qui pompent les nappes phréatiques, qui détruisent la biodiversité avec les pesticides et à ceux qui font du bio, on ne va pas y arriver. Il faut que l’on bonifie les aides à ceux qui sont les plus vertueux, et qu’on ne donne plus d’aides à des activités qui ne sont pas bonnes pour l’économie locale, pour l’emploi et pour l’environnement. Et Laurent Wauquiez se fiche pas mal de ça, l’essentiel c’est que la machine tourne…
« Convaincre les abstentionnistes… »
Pour lui, « l’écologie, tout le monde doit en faire », tout en mettant la sécurité au cœur de sa campagne. Pensez-vous qu’il s’agisse juste de rhétorique ?
Parler de sécurité ne fait que masquer le bilan catastrophique qui a eu lieu sur le reste : des dépenses de communication somptuaires, qui sont intraçables parce qu’elles concernent toutes les politiques publiques, tous les services le disent ; un bilan sur le plan de l’environnement qui place la région AURA en 9e position parmi toutes les régions de France avec une note de 6,8/20 sur l’environnement par l’Enviroscore*; nous avons le plus bas budget par habitant sur la culture et des aides économiques qui, sauf à ce que Laurent Wauquiez me démontre le contraire, qui ne permettent pas de développer de l’emploi indépendamment de la crise sanitaire, avec des plans sociaux continus, sur lesquels on ne remet pas du tout en question un modèle qui consiste à donner des aides publiques à des entreprises qui vont finir par délocaliser. Il n’y aura pas de sécurité s’il n’y a aucun effort de fait sur l’écologie.
Comment faire, pour que les citoyens en prennent conscience durablement, selon vous ?
D’abord, tant qu’il n’y aura pas une presse indépendante soutenue par la Région, on ne va pas y arriver. Il faut absolument que l’on soutienne aussi les gens qui font un vrai travail d’investigation, qui mettent sur la table le bilan de Laurent Wauquiez. Je suis effarée que cela ne soit pas fait. Sa méthode est l’expérimentation pour tenter de nouvelles choses sans rien remettre en question. On n’est pas dans une logique de sobriété, et on n’en parle jamais mais on ne s’en tirera pas si on ne s’engage pas dans une logique de sobriété, c’est cela, la difficulté. Ensuite, il faut convaincre les abstentionnistes ce qui n’est pas facile, parce que l’on a tellement déçu nos concitoyens que les ramener au vote, en leur faisant croire qu’avec les écologistes, ça va être bien mieux qu’avec les autres, c’est compliqué.
Les promesses de campagne sont en effet plus difficiles à entendre, de nos jours …
On nous a savonné la planche, depuis des années. Et c’est extrêmement dangereux, parce qu’on savonne tellement la planche qu’en conséquence la démocratie n’a plus de valeur. Il y a une responsabilité énorme des femmes et des hommes politiques qui ont joué à ceux qui faisaient les plus belles promesses et ne les ont pas tenues. Ajoutons des politiques publiques qui n’étaient pas faites pour les besoins essentiels des gens mais au nom de la compétitivité, de la croissance internationale, du développement international : ça, c’est une responsabilité majeure. Donc, là, aujourd’hui, il faut rassurer. Il faut être capable de dire « là, nous allons vous impliquer dans les décisions ». C’est le renouveau démocratique qui nous permettra de gagner, c’est l’implication des gens dans les politiques qui les concernent, c’est le fait de faire des politiques qui répondent à leurs besoins essentiels, sur lesquelles nous pouvons montrer que c’est pour leurs besoins essentiels.
« La politique ne fait plus rêver »
Mais comment peut-on convaincre quelqu’un, qui a par exemple le besoin essentiel de protéger la planète, s’il n’en a pas conscience ?
Il n’y a pas de recette miracle. Vous connaissez la métaphore de la grenouille, qui s’ébouillante petit à petit : tant que l’eau ne bout pas, on ne se rend pas compte. Il n’y a pas encore un dérèglement climatique qui touche suffisamment la vie des gens, c’est cela qui est dramatique. Il va falloir attendre que l’on soit dans la panade, pour réagir et se dire que là, on est obligé de prendre en collectif. Ma position, c’est de mettre en évidence toutes les belles réalisations. Il faut que l’on fasse rêver, la politique ne fait plus rêver. Faire rêver les gens, c’est leur montrer que c’est déjà là, que ça existe, qu’il y a des belles initiatives, qu’il y a des agriculteurs qui vivent de leur salaire, qui s’occupent de planter des arbres pour faire venir des mésanges qui vont manger les chenilles dans les champs plutôt que de mettre des pesticides. J’ai vu ça, des gens heureux, des agriculteurs qui disent « vu le dérèglement climatique, on va planter des arbres dans nos vignes et ça va ombrager nos vignes : ça, c’est préparer l’avenir. Certains se disent » je ne vais pas tout faire en vin, je vais aussi planter de l’alimentation, et je suis fier parce que trois de mes enfants ont envie de reprendre ma ferme «. Cela fait plaisir à entendre, à rencontrer. C’est aller voir Picture, l’entreprise outdoor dans la banlieue de Clermont-Ferrand, avec une bande de jeunes qui s’amusent, se font plaisir : ils ont fouillé leur modèle et ont une chaîne d’approvisionnement vertueuse pour fabriquer des textiles en coton bio en fil recyclé. Voilà, ce sont ces initiatives qu’il faut mettre en avant et montrer que ces entreprises créent des emplois. C’est aller à la rencontre de Armand Rosenberg, le président de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire AURA (CRESS), entrepreneur : il a repris un centre social avec 60 salariés, aujourd’hui il y en a 900, autour de ses entreprises et ça marche !
Il faudrait donc que les bonnes initiatives soient davantage diffusées et soutenues…
C’est justement cela ! C’est ce que je raconte depuis le début de ma campagne : tout est déjà là ! Le problème c’est que les gens sont dans une posture idéologique qui est « on regarde, on fonce dans le mur plus vite, et on dit qu’il faut continuer à faire marcher la machine. » Mais non ! Il ne faut pas continuer à faire marcher la machine ! Il y a des entreprises qui se développent et qui ont une autre philosophie. Il faut juste accepter de financer un petit peu de budget de fonctionnement pour montrer, donner à voir, partager les expériences, les meilleures pratiques et se dire qu’on va évaluer la qualité de nos activités et de nos actions publiques pas uniquement sur les coûts que l’on réduit. Parce qu’en fait, on est en train de se dire « les services publics ça coûte cher » et on les sabote. Alors qu’au contraire ! Un service public, c’est un service en commun, et tant qu’on présentera cela comme une charge, on passe à côté de l’essentiel.
Où se situe cet essentiel, pour vous ?
Aujourd’hui, on doit être solidaire, valoriser notre enseignement supérieur, nos écoles, notre recherche, notre système social, notre système de santé. On doit remettre des infirmières là où on en a besoin, des lits, là où on en a besoin, c’est cela qui va nous rendre plus forts !
Jacques Chirac disait en 1992 « la maison brûle et on la regarde ». Aujourd’hui, il fait encore plus chaud, dans la maison, quel retour vous donnent les citoyens que vous rencontrez sur le terrain ? Sont-ils figés ou prêts à bouger ?
Quand je rencontre les gens sur le terrain, ils sont enthousiastes ! Ils sont contents, ils y croient. Mais la problématique c’est de convaincre les gens alors qu’il y a une campagne d’écolo-bashing en même temps, pour des bricoles ! Quand on attaque Grégory Doucet pour les menus sans viande, alors que Gérard Collomb le faisait déjà avant et que cela n’avait aucun impact médiatique…et ça, c’était dans le cadre de la crise Covid. Là, vous voyez le danger que représentent les écologistes : c’est de proposer un nouveau modèle de société, d’avoir foi en l’avenir, essayer de faire rêver les gens. Et là, nos politiques actuels ne veulent pas faire rêver les gens ! Ils veulent leur faire peur, créer un sentiment d’insécurité et de protection d’un homme providentiel. C’est cela qu’est en train d’engager Laurent Wauquiez.
« Tout le monde a des talents, il faut les faire émerger »
C’est le modèle de la Ve République, celui sur lequel s’est fondé le régime dans lequel nous vivons, l’homme providentiel qui rassure tant qu’on lui obéit…
Tout à fait, mais maintenant il faut aller chercher les gens, leur dire « vous êtes capables ! » Quand je suis allée à Thiers (Puy-de-Dôme), qui est sinistrée depuis la fin de la coutellerie, avec une population en décroissance, et bien ça marche : une centaine de personnes passent par là-bas et reprennent confiance en elles, qui retrouvent de la joie de vivre parce qu’elles ont un boulot, un CDI. Ça marche ! Il faut expliquer aux gens qu’ils peuvent se reprendre en main : les gens sont beaux, tout le monde a des talents, simplement il faut les faire émerger.
Cette vision des choses, au milieu d’une suspicion assez généralisée, ou de nombreuses professions sont étiquetées, ou comme vous le disiez les hommes et les femmes politiques n’ont pas tenu leurs promesses, ne va-t-elle pas vous compliquer la tâche, une fois élue ?
A Annecy, je suis conseillère municipale écologiste et vice-présidente d’un syndicat intercommunal du lac d’Annecy, et j’ai des maires de droite tout autour de moi. Il faut bien avoir cela en tête : à un moment donné, le programme, on le négocie avec d’autres qui ne pensent pas comme vous ! Quoiqu’il en soit, les propositions que l’on fait, il faut les faire avec d’autres gens qu’il faudra convaincre, et qui sont dans des postures idéologiques. Ce que je reproche à Laurent Wauquiez, c’est quelque chose dont je n’ai pas du tout l’habitude ici dans mon mandat de conseillère municipale : quand je monte une délibération, je la porte avec la minorité. Depuis cinq ans, où j’ai travaillé avec lui, je me suis fait refuser systématiquement tous les amendements que j’ai portés pour l’intérêt général, pour des postures idéologiques, purement politiciennes : tout est refusé.
Ce qui ne semble pas synonyme de travail en commun, et donc de ce qu’attendent les électeurs aujourd’hui… Nous avons interrogé Najat Vallaud-Belkacem, sur le travail commun, qui nous a indiqué que vous feriez une liste commune, si l’une de vous était élue au soir du premier tour. Nous lui avons demandé comment les électeurs pouvaient démasquer les faux « concertants », « les fausses promesses » derrière une communication béton. Qu’en pensez-vous?
Déjà, c’est évident que nous partirons ensemble, je ne vois pas comment on peut ne pas faire campagne ensemble, là, l’heure est grave. D’autre part, je n’ai pas les médias avec moi, je ne suis pas « bankable » je n’ai jamais été ministre. Donc aller percer dans la presse nationale dans ce contexte-là, c’est compliqué. Je suis soutenue par Grégory Doucet, Eric Piolle, Bruno Bernard, Yannick Jadot, ils sont là, à mes côtés. Mais même cela n’est pas suffisant : j’ai quinze jours pour renverser la table, il faut que je donne tout ce que j’ai dans les quinze jours qui viennent. Il faut que les gens aillent voter, qu’ils partagent sur les réseaux sociaux, qu’ils aient envie de sortir de cette morosité.
C’est donc un message d’espoir que vous envoyez, aux électeurs et aux abstentionnistes ?
Il faut que les gens aient confiance en eux, sur leur pouvoir d’agir, sur leur pouvoir de changer les choses. On n’est pas dans le repli sur soi-même, il ne faut pas avoir peur, il y a un avenir pour nos enfants, il y a un avenir à travers la transition écologique et la création d’emplois qu’elle représente : c’est cela que l’on doit porter. Parce que si les gens n’ont pas envie de croire en eux, en leur voisin, n’ont pas envie de sortir de chez eux, ça ne marchera pas. Sortons dans la rue, faisons des choses ensemble, des jardins partagés, des composteurs, prenons en charge l’éducation de nos gamins collectivement, protégeons-les de l’envie de faire du trafic pour gagner plus de sous pour s’acheter des Nike, voilà. Stop ! Apprenons à faire bien manger nos enfants pour qu’ils ne deviennent pas obèses, faisons-le ensemble, éduquons-les au goût, à la nature, à la beauté des paysages. C’est de cela dont on a besoin. C’est changer les imaginaires, on peut le faire, alors arrêtons de nous accrocher à un modèle dépassé qui n’a plus sa place dans le monde. Ayons foi en l’avenir et à nos capacités à changer les choses «.
* Enviroscore a été créé par l’Observatoire de la Transition écologique des territoires. Il a pour but » d’informer le public sur les résultats réels des politiques territoriales en matière de transition écologique «. L’Observatoire se décrit sur son site comme étant indépendant et lié à aucun mouvement politique et écologique.
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1 commentaire
Unknown
07/06/2021 à 20:40
encore une dingue