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Chambéry : aux arbres, citoyens !

Par Jérôme Bois • Publié le 06/07/21

Lundi 5 juillet, en marge du conseil municipal chambérien, le collectif SOS arbres de Grand Chambéry a fait une arrivée remarquée pour sensibiliser élus et habitants aux grands arbres de l’avenue de la Boisse, susceptibles d’être coupés en vue d’un aménagement de voirie. Un scène devenue très ordinaire maintenant que l’arbre est perçu comme un symbole de lutte. Du boulevard de la Colonne à la Gare, des Combes à la Boisse, les mobilisations s’enchaînent pour faire pression sur les pouvoirs publics.

 

Les platanes de l’avenue de la Boisse menacés.

Qui suivait avec attention les prises de paroles colorées de Dominique Dord se souvenait de ses longues tirades assassines envers un gouvernement coupable de coupes franches dans les dotations de l’Etat ou envers la loi « scélérate » sur le non cumul. Mais combien se rappellent de cette envolée sur les arbres coupés ? C’était il y a 8 ans, l’ancien député maire aixois, interrogé en réunion de quartier sur un aménagement quelconque, s’était soudain pris de passion pour un sujet plutôt de saison, récent, celui de la levée de bouclier populaire dès qu’un arbre venait à être abattu. « Il est devenu impossible, quand on est maire, de toucher à un arbre sans que cela ne déchaîne les passions » , s’indignait Dominique Dord. « Vous pouvez construire ce que vous voulez, améliorer ce que vous voulez, si vous coupez un seul arbre, que ce soit justifié ou non, on vous tombe dessus ». Il ne croyait pas si bien dire.

De la place de la Gare au boulevard Colonne

Partout en France, le sujet est sensible. En octobre dernier, à Paris, quai d’Ivry, un collectif s’était ainsi élevé contre la coupe promise de 22 platanes. Entre piste cyclable et nouvelles tours, un collectif d’associations de défense de la nature montait au créneau. Soissons, Montmirail aussi, plus proche de nous. Dans le Gard, à Aigues-Vives, la préfecture avait décidé l’abattage de 126 arbres pour des raisons de sécurité le long de la RN 113, occasionnant une forte opposition. Sans surprise, Chambéry a pris le train en route et collectionne les conflits depuis 2014. La ville a ainsi vu des groupes de riverains s’agiter, place de la Gare, place du Palais-de-Justice, boulevard de la Colonne… Au printemps 2016, les tilleuls de la place de la Gare et quai du jeu de Paume – 27 au total – avaient bel et bien été coupés pour permettre l’avancée des travaux du pôle multimodal. A cette époque, les riverains évoquaient déjà le chiffre de 300 arbres abattus à Chantemerle depuis 2015 et ce en dépit de la charte de l’arbre signée par la ville en 2014 et ces nouveaux abattages mirent le feu aux poudres. Une pétition rassemblait pourtant plus de 3 000 signataires, rien n’y fit. « On en avait sauvé trois » , se lamente Fabien Nathan, de SOS arbres de Grand Chambéry, « nous y étions très tôt, la police était déjà là, tout avait été barricadé, il y avait même eu des bousculades ».Quelques mois plus tar, boulevard de la Colonne, les platanes mal en point devaient subir un sort comparable. Février 2017, deux platanes qui présentaient un danger imminent compte tenu de leur état de santé, étaient supprimés. Face à la vindicte, la Ville s’en remit alors à l’Office national des forêts qui effectua un diagnostic sur l’état de la cinquantaine de platanes présente sur ledit boulevard. La conclusion de l’expert, Philippe Coquet, était celle-ci : « Au regard de la configuration actuelle du double alignement, le système racinaire des platanes du boulevard est satisfaisant et suffisant. Les arbres peuvent être conservés à condition de ne pas modifier cet environnement. Il suffira juste de surveiller l’évolution de l’état de santé des arbres, de supprimer ceux dont l’état sanitaire se dégraderait et d’entretenir tous les autres par des tailles régulières bisannuelles. Cette option permet donc de conserver les sujets actuels mais réduit grandement l’aménagement du site ». Au moment où l’avenir du boulevard se dessinait, ce diagnostic arrivait à point pour apaiser le climat, même si deux arbres avaient dû être sacrifiés « pour pouvoir amener la voiture jusqu’au parking de l’Hôtel-de-Ville » , regrettait Fabien Nathan. Malgré une pétition ayant rassemblé jusqu’à 7 000 signatures. « Si l’environnement devait être modifié, la stabilité de ces alignements sera remise en cause », précisait cependant Philippe Coquet, dans son rapport d’enquête, « il serait alors préférable de partir sur de nouveaux alignements constitués d’arbres mieux plantés et moins densément plantés, pour laisser arriver plus de lumière au sol et ainsi y favoriser l’installation d’une végétation ». Une coupe nécessaire en prévision d’un aménagement urbain.

« C’est bien un projet vertueux, non ? »

Le sujet était devenu si prégnant que Michel Dantin avait même eu droit à sa caricature, placardée sur les murs de la ville, en juillet 2019. On le voyait, tronçonneuse en mains, avec cette inscription « Couper des arbres à Chambéry, moi, j’adore » (voir ci-dessus). L’intéressé ne s’en offusquera même pas, en témoigne son ironique commentaire à l’encontre de ses détracteurs : « C’est là que je me rends compte que malheureusement, vous m’avez beaucoup moins bien réussi que la tronçonneuse. Mais je vous laisse creuser un peu le sujet de l’action en faveur de l’écologie parce que cela fait plus de 20 ans que j’agis plus efficacement que vos banderoles et happenings ».

Les bus auront une voie dédiée dans le sens Nord – Sud.

Les arbres déchaînent désormais les passions et cette année 2021 ne fait pas exception à cette tendance, car pour la refonte de la sortie Nord de la ville*, ce sont 40 arbres qui se retrouvent menacés, avenue de la Boisse. Une nouvelle (énième ?) pétition a bien été lancée (474 signatures à ce jour), un collectif** s’est même formé, constitué d’organisations politiques et d’associations de défenseurs de la nature. « Nous voulons geler ce projet » , annonce sans détour Fabien Nathan, « parce que nous souhaitons une expertise ONF en amont, une concertation sur le plan de déplacement urbain et faire cesser une bonne fois l’urbanisme du XXe siècle ». Les platanes en question ont, selon le collectif, un rôle écologique prépondérant dans cette période de changements climatiques puisque chaque arbre séquestre 20kg de particules fines, 40kg de CO2 par an, et rejette 500 litres d’eau. Par ailleurs, il abaisse la température au sol et abrite de nombreux oiseaux nicheurs. « Ca dépollue et ça rafraîchit, tout simplement » ,  résume Fabien Nathan.Pourquoi la destruction de ces arbres, alors ? Pour permettre la création d’une voie de bus en site propre dédiée à la ligne chrono A « Technolac-Gare-Jacob » dans le sens Nord-Sud. Un projet qualifié de « vertueux » par Aloïs Chassot, entériné sous la mandature Dantin. « On l’a porté et mis en route, on coupe des arbres pour faire passer une ligne de bus, pas pour la création d’un parking géant. C’est bien un projet vertueux, non ? Pourquoi personne n’a régi au moment où nous avons lancé le projet et tout le monde se mobilise une fois que les travaux démarrent » , s’étonne le néo conseiller départemental ? Le 11 juin s’est tenu un débat public organisé par le mouvement citoyen et relayé par le collectif autour de l’avenue de la Boisse, avec les principales associations concernées et les élus en charge des mobilités à la Ville (Isabelle Dunod) et à Grand Chambéry (Alain Caraco). Au sujet de l’état de santé des arbres, Isabelle Dunod se disait « alarmiste » et dénonça l’état des lieux sanitaire « sommaire qui avait été fait, visuellement uniquement, sans investigations par nos services. J’en ai été surprise. Nous avons suspendu la finalisation de ce projet alors qu’il semblerait qu’il faille abattre la moitié des arbres dans les 5 ans ». Un communiqué diffusé suite au débat par le mouvement citoyen indiquait que compte tenu « des conclusions assez inquiétantes de l’expertise indépendante sur l’état sanitaire des arbres, la mairie a réaffirmé sa décision de suspension du projet actuel et son souhait de trouver une solution alternative impactant le moins possible l’alignement de platanes existant ».

Une sensibilité nouvelle

Il y a quelques jours, nous apprenions que seuls trois arbres seront abattus sur cet axe a promis la municipalité, pas de quoi contenter pour autant le collectif qui a vivement réagi à cette annonce : « Trois arbres sont malades, les autres pas. Ouf. Ils sont sauvés… mais pour combien de temps ? En effet, l’expertise affirme qu’en réalité tous les platanes sont malades, et préconise un abattage progressif, chaque année. (…) Qu’en est-il de ces 43 platanes, sains pour l’instant, dans le cadre de l’avancée du chantier de l’écoquartier Vétrotex ? Ce n’est pourtant pas tant la maladie qui guette ces majestueux arbres que les bulldozers, si le projet d’aménagement de la voirie pour relier la Boisse à Vétrotex était maintenu en l’état ». Tout cela a abouti à l’apparition de ce collectif au conseil municipal du 5 juillet pour exprimer sa position sur le projet et remettre la pétition au maire Thierry Repentin.Plus généralement, ce qui interroge, c’est donc cette tendance plutôt nouvelle qui conduit à des mobilisations de masse pour un arbre coupé. « Ce n’est peut-être pas nouveau » , nous suggère-t-on à France nature environnement, « mais on en parle plus. Nous avons toujours reçu des alertes or désormais les gens se mobilisent plus ». Michel Levy, chargé de communication à FNE, rappelle que régulièrement, l’association était « interpellée par des collectifs depuis quelques années seulement, c’est une nouvelle forme d’expression. Il existe une sensibilité des gens aux arbres ; ainsi, quand un voisin en coupe un, ça ne déclenche rien mais si une collectivité en abat, ça râle ». Il reconnaît de fait que les oppositions « ne sont pas toujours de bonne foi mais qu’un mouvement de fond » se met en branle. « Il faut les entendre » , souligne Aloïs Chassot. « Durant le précédent mandat, j’avais rencontré ce collectif avec un technicien afin d’expliquer le pourquoi de ce projet de sortie Nord ; on n’est pas parvenu à le convaincre, ce sont des gens qui ont des convictions, elles sont arrêtées sous l’angle de l’arbre or, le rôle d’un élu est de voir la globalité d’un projet ». L’élu de l’opposition chambérienne admet qu’il serait nécessaire de publier le détail du pourquoi des coupes, « parce que malades, pour des aménagements, à cause de tempêtes… Lors du dernier mandat, nous avons dû en couper une trentaine pour des aménagements » , des chiffres pas du tout partagés par le collectif, on l’a vu. « Il y a une sensibilité écolo qui émerge depuis quelques années, de plus en plus de gens pensent aux arbres, pensent aux ilôts de fraîcheur. A Chambéry, il y a eu beaucoup d’arbres enlevés et je trouve vraiment dommage que les arbres ne soient jamais considérés dans les projets et les enquêtes publiques » , regrette Fabien Nathan

Le collectif présent au conseil municipal du 5 juillet.

Depuis, les Combes sont venues s’ajouter à la longue liste des sites d’abattage. Selon le collectif, 100 arbres seraient menacés « dans le cadre du nouveau projet de renouvellement urbain du nord des Combes ». Une pétition a bien sûr été lancée, signée par 229 personnes, elle réclame la mise en place d’une concertation sur ce projet. Au conseil, le collectif Boisse a donc pris la parole : « Nous avons expliqué être les porte-paroles des citoyens mécontents de voir sur différents secteurs de la ville des chantiers et du béton à la place des arbres qui tombent les uns après les autres. avenue de la Boisse, rue Garibaldi, rue du Pré-de-l’Âne, rue de la Doria… La végétation disparaît pour que surgisse de terre des » écoquartiers « : cherchez l’erreur ! » Après cinq demandes sans réponse, ont-ils précisé. On n’a pas fini d’entendre parler d’eux.

* Selon la convention de financement signée en 2019 par Michel Dantin et Hervé Gaymard, président du conseil départemental, cette requalification vise à  : – améliorer la fluidité de la circulation sur la RD 1006 et ses voiries adjacentes ainsi que l’accès à la VRU au niveau de l’échangeur de la Boisse,

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5 commentaires

gerard Blanc

06/07/2021 à 22:17

Précision, le débat en ligne du 11 juin a été organisé par le Mouvement Citoyen de Grand Chambéry (MCGC), pas par le collectif Boisse. L'ensemble des documents est disponible sur le site chambécitoyenne.fr, et une proposition détaillée d'alternative a été transmise à la mairie dans le cadre de sa consultation https://chambecitoyenne.fr/public/document/521

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LC

07/07/2021 à 08:53

Merci pour cette précision, Gérard !

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paul

07/07/2021 à 20:52

https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/vent-violent-un-homme-tue-apres-la-chute-d-un-arbre-sur-sa-voiture-dans-le-lot-1966594.html

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Anne Rêve de Farwest

24/09/2021 à 18:51

Bonjour, Alerte Rue de la digue entre Cognin et Chambéry une série d'arrachages (saccage) a commencé en vue de bétonnage-empierrement. Je sais pas jusqu'où ils vont aller, je sais qu'un pont est sinistré depuis des années, mais ce sont des centaines d'arbres qui sont menacés

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Dalmais

18/06/2023 à 17:49

Que pensez de L'elaguage des arbres de l'avenue Jean Jaurès prévu en juin. Est ce la periode pour tailler ? De plus les températures augmentent avec l'été, il est reconnu que les arbres protegent des surchauffes estivales de 10 à 15 °C. De plus cest la periode de nidification. Alors comment peut on tailler à cette époque de l'année 3 raisons connues ! Ce n'est pas cohérent philippe

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