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Conseil municipal de Chambéry : un an de mandat, deux bilans et un débriefing post-élections en prime

Par Laura Campisano • Publié le 06/07/21

Un an, quasiment jour pour jour, que l’équipe municipale en place a pris ses marques à la mairie de Chambéry : l’occasion pour chacun des élus de faire part des projets mis en place au cours de cette année de mandat. Car Thierry Repentin en est convaincu, si l’abstention était si forte aux derniers scrutins, c’est aussi par manque de connaissance de l’action des élus locaux. Aussi, le tour de table devait-il servir de remise de copie aux citoyens, par le truchement de la diffusion en direct des débats. Mais l’exercice a surtout permis à la minorité de s’en donner à cœur-joie sur un « contre-bilan » et, surtout, de siffler la troisième mi-temps des élections départementales et régionales, achevées depuis le 27 juin dernier…


Pourquoi les citoyens se sont-ils détournés des deux derniers scrutins ? Pourquoi sont-ils à peine une trentaine à suivre en direct les débats du conseil municipal de la capitale de la Savoie ? Que faire pour les intéresser de nouveau ? Donner l’exemple, expose le maire chambérien. Certes. Exercice difficile de vouloir s’exprimer sans donner l’impression de régler ses comptes en public et de laver son « linge » en famille. Ce soir, les deux premières heures du conseil ont tourné aux petites attaques, aux règlements de comptes, aux contre-attaques, et surtout… à la diminution exponentielle de téléspectateurs. Thierry Repentin a donc peut-être un début d’explication : « autres temps, autres mœurs ».

 « Nous avons plus que jamais, un devoir d’explication de ce qui est fait, un devoir de transparence, de pédagogie »

Des élections à peine terminées, il n’est pas exagéré de dire que tous, élus, observateurs, candidats, ont retenu avant tous les autres les chiffres de l’abstention et ont tenté d’y trouver une explication. Il fallait nécessairement passer par une introspection : expliquer mieux, traduire, montrer, tout doit être mis en œuvre pour que les citoyens se remobilisent autour de ce qui fait leur quotidien. Fil rouge de ce début de séance du conseil municipal, Thierry Repentin a tenu à donner l’exemple, en passant la parole aux membres de sa majorité, pour que chacun passe brièvement en revue le bilan des actions déjà menées au cours de cette première année de mandat. Objectif poursuivi, « si beaucoup ignorent et vont continuer d’ignorer ce qui se passe au conseil départemental et régional, en faisant ce tour de table, ils ignoreront un peu moins ce qui se fait au quotidien pour les Chambériens et les Chambériennes. » a souligné l’édile. Pourtant, outre le nombre réduit de téléspectateurs derrière leur écran pour suivre la séance en direct, le maire Chambérien a dû compter sur une tout autre analyse de ce tour de table qualifié d’« auto-satisfaction » par Philippe Cordier, ou même de « thérapie collective », selon Aloïs Chassot. Profitant de l’occasion qui leur était donnée de commenter ledit bilan, l’un comme l’autre des élus de la minorité a utilisé cette possibilité pour dresser une sorte de débrief a posteriori des élections passées, et pour proposer un contre-bilan.

« Contrairement à vous, nous nous garderons bien d’extrapoler l’arithmétique des élections départementales et régionales au contexte municipal »

Tout avait pourtant bien commencé, quand le maire a pris la parole pour féliciter « les uns et les autres, quelles que soient les listes que vous représentiez » les incitant à « soutenir les projets chambériens au Département comme à la Région » avant de souligner qu’il s’était refusé à entretenir les polémiques, en raison de « la responsabilité de la majorité », comptant par ailleurs sur les « démocrates pour en faire autant ». Peine perdue avec Philippe Cordier qui, bien que s’associant aux félicitations de ses collègues, n’a pas pu résister à attaquer de face l’équipe municipale, puis plus précisément, la première adjointe en ligne de mire. « Contrairement à vous, nous nous garderons bien d’extrapoler l’arithmétique des élections départementales et régionales au contexte municipal », a embrayé l’élu de la minorité, « pour tenter de vous éviter de tomber dans le piège de l’auto-satisfaction dans lequel manifestement, vous menacez de tomber, comme en témoigne ce long et édifiant tour de table ». Avant d’attaquer à boulets rouges : « Il suffit juste d’observer que les adjoints de votre municipalités qui se sont présentés sur les cantons de Chambéry 2 et 3 ont recueilli 10 % de suffrages exprimés en moins que les candidats de notre équipe au premier tour, sur le seul périmètre des bureaux de vote de Chambéry. »
Magnanime, Philippe Cordier a néanmoins tenté un pas vers le maire, qui n’a été que de courte durée, « je vous rejoins tout à fait sur la nécessité d’être exemplaire, d’avoir des débats et des attitudes responsables, deux qualités que n’ont pas eu vos adjoints durant l’élection », parlant « d’opportunisme et de caricature » : « l’opportunisme par l’appel de votre première adjointe à voter pour des candidats opposés à des adjoints de votre majorité, sous le prétexte d’une prétendue non-compatiblité entre les mandats d’élu municipal et départemental, oubliant fort opportunément qu’elle soutenait un candidat qui était maire dans sa commune » avant de conclure que « tout cela fleure bon le fumet d’arrière cuisine politicienne qui rebute les électrices et les électeurs ». Il reprochait, une nouvelle fois, à la majorité de ne pas être « une équipe mais une juxtaposition d’intérêts particuliers, voire contradictoires » , se disant « consterné » d’avoir lu que Raphaëlle Mouric et Jean-Benoît Cerino reprochaient par voie de presse aux candidats divers droite de combattre « les intérêts de la ville quotidiennement au conseil municipal et à l’agglomération », alors même que la minorité « vote 95% des délibérations. » La réponse de Thierry Repentin, ne se départissant pas d’un flegme désormais coutumier : « Vous dites voter 95% des délibérations, c’est donc que l’action municipale de cette majorité retient votre assentiment, je le note positivement », a souri le maire, avant de poursuivre, d’un air plus grave, n’être pas sûr que « nos compatriotes qui nous suivent ce soir par écrans interposés aient complètement compris les sujets de caricatures… C’est ce que je pense fondamentalement aujourd’hui, nos compatriotes rejettent ce genre de débats, ils sont en revanche très intéressés par le fond des choses. » Quant à l’équipe qu’il mène, l’édile a également souhaité remettre les points sur les i : « C’est vrai que ce n’est pas une composition d’équipe comme je l’ai connue par le passé, derrière une formation politique, le doigt sur la couture du pantalon », a-t-il poursuivi, « mais nous sommes réunis ici pour porter un projet pour les Chambériens, nous sommes unis pour porter ce projet quelles que soient les composantes de cette majorité », avant de conclure : « Il faut tourner cette page, quand on ne réussit à mobiliser que 30 % des votants d’une population, il faut revenir à l’essentiel, ce qui intéresse nos compatriotes, c’est que nous nous mettions au travail ! » 

« Nous ne sommes pas des potiches, nous sommes des élus impliqués »

C’est ensuite Aloïs Chassot qui a pris la parole, pour commenter le bilan exposé par les élus, saluant « le travail du cabinet, qui a dû cette semaine ardemment rédiger » cet exercice de « thérapie collective bien huilé, bien répété, avec plein de beaux mots-clés, que tous ont lu », ce qui a fait sortir de ses gonds Lydie Matteo : « Nous ne sommes pas des potiches, nous sommes des élus impliqués, chacun de nous a exprimé ce qu’il a fait dans sa délégation, c’est intolérable de soutenir une chose pareille », a-t-elle fait valoir.
Le bilan de la première année de mandat de l’équipe Repentin- Le Meur aux yeux de l’élu d’opposition est diamétralement opposé au tour de table accompli par les élus. « Ravet, qui a fait perdre 10 millions d’euros pour revenir au projet initial que nous portions, ça c’est votre bilan, l’arrêt du Stade, ça c’est votre bilan, la fermeture du centre social des Combes, ça c’est votre bilan, l’absence de réponses aux doléances des habitants, l’augmentation des indemnités des élus, l’augmentation de la délinquance… » reprochant à l’équipe en place de faire un bilan d’actions engagées par la municipalité précédente, et arguant du nombre exponentiel de messages reçus sur son portable, pendant le conseil au moment du tour de table. « C’est une vieille technique de brandir des chiffres », a raillé Thierry Repentin, « plus ils sont gros, plus on a le sentiment qu’ils vont convaincre. […] je ne veux pas revenir là-dessus, ni vivre dans le passé », a-t-il exposé avant de répondre point par point aux reproches opposés par son contradicteur et d’ajouter : « Quant aux messages nombreux que vous avez reçus, ils ne doivent pas être si nombreux que cela, puisque pendant que je vous parle, 33 personnes suivent nos débats. » Sur ces entre-faits, Jean-Benoît Cerino, attaqué précédemment par Philippe Cordier a souhaité s’exprimer, en deux phrases : « Il est toujours compliqué de reprocher aux autres ses propres turpitudes » taxant l’attitude des élus de la minorité d’exemple de caricature. Thierry Repetin dut siffler la fin du match « la campagne est finie, reprenons le travail, avant de continuer à faire partir les téléspectateurs » Ainsi a débuté la séance d’un conseil municipal qui aura duré près de cinq heures, et qui aura maintenu en haleine jusqu’à la fin des débats, trois téléspectateurs. Comme toujours quand il s’agit de faire bouger les habitudes, l’amorce de transparence de l’action municipale initiée par la majorité lors de cette dernière séance avant la trêve estivale méritera sans doute d’être renouvelée, avec, sait-on jamais, l’assentiment de la minorité pour redonner envie aux gens de s’y intéresser ?

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1 commentaire

gerard Blanc

06/07/2021 à 22:01

Petit complément pour relativiser un peu cette désaffection, à cet instant 326 citoyen.es ont suivi en différé tout ou partie de ce long conseil municipal d'été (https://www.youtube.com/watch?v=EPpXxb4VrKg). Encore trop peu, mais mieux que la trentaine en direct via le site de mairie. Et il doit être possible de réduire la durée (+ de 3h !). Par ex en groupant et votant en bloc une partie des 95% des délibérations votées à l'unanimité, pour se concentrer sur les débats sur les 5% faisant état de divergences entre majorité et opposition.

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