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Aix-les-Bains : après la ruelle verte, la Contrée poursuit sa floraison

Par Laura Campisano • Publié le 11/09/21

Faire pousser du basilic, de la lavande et des haricots verts en pleine ruelle, c’est possible, s’en occuper en commun avec les riverains, les passants, les curieux, c’est chose faite à Aix-les-Bains ! Depuis le début de l’été, la ruelle verte, située passage Robert-Doisneau, est un lieu de passage, de rencontres et de mise en commun de savoir-faire et de citoyenneté. Une initiative portée par une jeune association, la Contrée, créée au printemps dans la cité lacustre. Pour son dernier mois d’activités dans la ruelle, nous sommes allés à la rencontre de ces citoyens-poètes végétaux.

 
C’est éphémère, la floraison : cela demande de la patience, ça arrive par cycles et ça meurt pour renaître plus tard. La ruelle verte suit le principe de la vie et après trois mois de travaux, d’ateliers, de rencontres en commun, le 25 septembre, le moment sera venu de quitter leur ruelle, ses marches et son petit parc, à l’arrière de l’hôtel particulier Léopold, pour imaginer de nouveaux terrains d’échanges. Ce qui se poursuit, c’est certain, c’est l’énergie partagée entre tous les visiteurs et les participants de cette expérience inédite à Aix-les-Bains.

Des expériences Outre-Atlantique concrétisées au pied du lac du Bourget

Quand Laurie Duran parle de son parcours, de ce projet, de sa mise en place et des échanges entre habitants, riverains, curieux de passage, ses yeux s’illuminent et son sourire ensoleille la ruelle déjà bien animée en cette matinée de septembre. Un atelier se prépare ce matin, poésie végétale, « langage des fleurs et choses muettes » comme aurait dit Baudelaire. C’est Irina qui l’anime, passionnée de littérature, de poésie et de symbolisme, et très vite, les participants viennent s’installer en arc de cercle autour de la jeune maman en reconversion professionnelle. Des sourires, de l’énergie positive, des gazouillis d’oiseaux. Les ingrédients parfaits pour faire pousser de beaux mots et une écoute attentive, mais aussi de la menthe, du basilic et des herbes aromatiques dans des grands pots, sur les marches de cette ruelle passante, en ce jour de marché. « Je n’ai pas l’habitude de parler en public », sourit Irina, « mais je suis passionnée, alors ça va bien se passer. » entourée d’une de ses amies venue la soutenir et de ses nombreux ouvrages sur les fleurs et les auteurs classiques de la littérature. Des conversations s’engagent, des riverains sortent de chez eux et descendent les marches, échangent quelques mots. Savoir si la saison 1 de « la ruelle verte » a fonctionné est une simple question rhétorique, on le voit : l’enchantement est bien présent. Ce projet, Laurie Duran l’a chéri, l’a poli, comme un diamant brut, à tel point qu’elle le dit « c’est la mission qui fédère, ce n’est pas moi. Quand j’en parle avec les gens, tous sont très enthousiastes, il manquait juste l’impulsion. » L’impulsion, elle l’a ramenée du Québec et du Mexique, quand elle est rentrée en France en mars 2020. Après avoir travaillé dans la gestion de projets culturels et sportifs, Laurie y a découvert le milieu de l’économie solidaire, au cours d’un grand salon dédié à l’environnemental. Les choses s’enchaînent alors quand deux frères, Frédéric et Etienne Morin-Bordeleau décident de répondre à un appel à projet de la société de transport de Montréal, qui se débarrassait de ses anciens wagons de métro, pour réaliser le projet « MR-63 » : mettre en valeur les talents montréalais de l’art, avec plusieurs espaces. En recherche de bénévoles, c’est ainsi que le duo rencontre Laurie, pour développer l’idée, mettre en place un prototype, chercher des financements. « On souhaitait installer une place éphémère pour quatre mois, et dans chaque wagon proposer des artistes de design, un wagon lunch, un wagon dédié à l’art et un autre scène radio », se souvient la jeune Aixoise, ce projet m’a permis de me rendre compte que j’étais alignée avec mes valeurs, avec ma mission : celle de saisir les opportunités pour construire avec les gens des projets ayant un impact sur la société. « Une place éphémère, un projet ayant un impact…nous y sommes : c’est la Contrée, qu’elle créée avec son amie canadienne, Perrine. Avant de rentrer en France, Laurie passe par le Mexique, rencontre d’autres personnes, partage ses découvertes sur une page Instagram… » j’avais envie de faire rayonner, d’exposer ce que les gens faisaient, les ateliers, les événements, ça m’a confortée dans cette idée, et j’ai décidé de le mener ici. « 

« La Contrée, c’est la création d’un territoire d’expérimentation, d’apprentissage et de vie »

Ici, c’est en Savoie, à Aix-les-Bains et tout au moins sur le territoire Grand Lac. Comment mettre en place ce projet sous la lumière française, qui semble si exigeante et si pessimiste face à la nouveauté ? « Je ne me suis pas posé la question, il fallait que ça marche », sourit Laurie, « je pense souvent à cette phrase » rêve, ose et n’abandonne jamais «. J’ai toujours tenu ces discours et les gens m’ont toujours soutenue, acquiesçaient. Quand nous avons démarré la ruelle verte, le voisinage s’est retrouvé dans le petit parc derrière, les habitants créaient du lien, j’adore quand les gens se mélangent comme ça », détaille-t-elle.
Quatre piliers soutiennent donc la Contrée : la revalorisation, comme on le constate dans la ruelle verte, le bois récupéré, les chutes, tout a été rassemblé pour faire des jardinières, des cadres, habiller les marches. « Au lieu de jeter, on sensibilise les gens à la réhabilitation des matériaux » expose-t-elle.Ensuite le « Savoie-faire », clin d’oeil au territoire, pour mettre en avant les passeurs et passeuses de savoir, la transmission des artisans du tissu local. Les résidences, pour impulser les initiatives humaines, la coopération, la mise en lumière de projets comme celui d’Irina, par exemple. « le principal c’est qu’il n’y ait ni commerce, ni politique, ce que nous faisons, c’est proposer aux citoyens de se réapproprier leur espace, d’arroser les plantes s’ils les voient en train de sécher au soleil, sans attendre que d’autres le fassent. » Enfin, les rendez-vous, pour faire la part belle à l’art, à la culture, en invitant des artistes locaux à exposer leurs œuvres, par exemple. « En amont, nous avons écouté les habitants, avec lesquels nous avons co-créé et co-construit le projet », souligne Laurie, « c’est important que nous ne refassions pas exactement la même chose partout où nous irons, il faut que cela fasse sens avec les quartiers, les autres ruelles éventuelles. Ici, c’était bétonné, les gens ne se sentaient pas forcément en sécurité. En végétalisant l’espace urbain, nous avons répondu à leur demande, avec eux. La Contrée, c’est la création d’un territoire d’expérimentations, d’apprentissage et de vie. »

De nouveaux projets pour l’automne


La Contrée compte à présent une vingtaine de membres, qui souhaitent pérenniser l’action déjà menée cette année. Pour ce faire, l’association participe à l’appel à projets du département « vos projets pour la Savoie » et souhaite poursuivre sa lancée de « facilitatrice d’initiatives positives » se nourrissant d’échanges mutuels entre les participants, les organisateurs et les ambassadeurs. En novembre, de nouveaux rendez-vous vont voir le jour, pour parler d’alimentation, d’espaces communs, par exemple, pour lesquels la Contrée est à la recherche de lieux, comme une serre, par exemple. L’idée, toujours sur les thèmes précédemment évoqués, est de mettre en place des thématiques, comme l’alimentation zéro déchet, de créer des ateliers de cuisine, pour apprendre à valoriser chaque aliment.
Jusqu’ici, bien qu’elle soit apolitique et indépendante, l’association a pu bénéficier du soutien de la ville d’Aix-les-Bains, sur un plan matériel en mettant à disposition le parc, les tables et les chaises, pour la réalisation des ateliers, ce pourquoi « nous sommes très reconnaissants, sourit Laurie, notre intérêt est de travailler main dans la main, et de reconnaître que la place est laissée pour que les citoyens puissent s’exprimer, pour que nous obtenions l’autorisation nécessaire à l’utilisation de cette ruelle patrimoniale. Nous estimons que c’est notre responsabilité de citoyens de prendre soin de l’espace commun. » Une belle aventure citoyenne, donc, qui permet de mettre en valeur les idées des quartiers, des ruelles, des habitants et de tout un territoire. Avec un programme d’activités jusqu’au 25 septembre, il est encore temps de profiter des bonnes ondes de la « Ruelle verte » et d’imaginer celle de demain…

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