article
Sécurité à Chambéry : la réponse de la ville et de l’Etat à l’explosion des faits de délinquance
Par Jérôme Bois • Publié le 23/09/21
La dernière mouture du conseil municipal du 20 septembre avait connu une première heure épicée : la minorité s’était attaquée au bilan en matière de sécurité de l’équipe Repentin, se servant notamment du triste fait divers qui a émaillé Odysséa, samedi 18 septembre. Face aux invectives, la majorité a retenu ses coups et pour cause, une action d’envergure conjointe entre la mairie, les services de l’Etat et le ministère de la Justice allait se concrétiser, deux jours plus tard. Le contrat de sécurité intégrée tripartite Etat – ville – parquet était en effet signé le mercredi 22 septembre en présence du préfet Pascal Bolot et du procureur Pierre-Yves Michau.
En coulisse, dans les couloirs de l’hôtel de ville, on se félicitait de ne pas être entré dans le débat. Lundi 20 septembre, la majorité avait pourtant eu à subir les foudres de l’opposition autour de la question sécuritaire, elle a fait le dos rond. Aloïs Chassot s’était empressé d’évoquer l’explosion des actes d’incivilité, faisant écho aux événements dramatiques du 18 septembre, lorsqu’un individu – alcoolisé – s’en prit à deux agents à Odysséa, alors qu’il venait d’être refoulé pour défaut de pass sanitaire*. Un geste prétexte à un feu nourri : « Nous constatons depuis plusieurs mois des actes de délinquance jamais vus : des rodéos, des écoles manquant d’être incendiées, des tirs de mortier quasi quotidiens et là, une tentative de meurtre… La sécurité est un enjeu prioritaire, votre réponse doit être à la hauteur et vous devez changer de braquet et cesser l’angélisme ». L’absence d’un directeur de la police municipal serait le signe « que notre ville n’est même plus attractive. Les effectifs doivent être augmentés, la vidéo, déployée, voilà le symbole qu’il faut à Chambéry ! » a martelé Aloïs Chassot, coutumier de ces assauts sur cette thématique sensible. S’il est un élément qui donne raison à ses propos, c’est bien la statistique. En effet, à l’image de la situation nationale, l’inflation des actes de délinquance est réelle dans la cité des Ducs.
Des chiffres alarmants, des actes en hausse
Au premier semestre 2021, les faits constatés sont en hausse de 21,38% par rapport à 2020**, statistique à modérer car l’année précédente avait été marquée par deux confinements et la crise sanitaire. Les atteintes à l’intégrité physique ont bondi de 43,77%, les violences sexuelles, de 79,17%, les menaces, de 148,72%. Difficile de rester neutre face à ces envolées chiffrées. Les infractions liées aux stupéfiants sont également en hausse de 58,42%. Ce panorama ne saurait passer sous silence l’implication de plus en plus manifeste des mineurs dans ces faits (+108,77%).
Au banc des accusés, l’élu en charge de la tranquillité publique, Dominique Loctin, se contentera de souffler que « le travail est en cours ». « Ce débat mérite mieux qu’une chronique outrancière de fait divers » , ajoutera Thierry Repentin, « vous ne reculez devant rien et vous n’arriverez pas à être crédible ». S’il est vrai que le processus de recrutement d’un directeur de la police municipale n’a pas été concluant, il se poursuit néanmoins, « nous sommes exigeants sur le profil de ce directeur ». « Votre réponse est facile » , rétorqua Aloïs Chassot, « on vous avait déjà alerté et aujourd’hui, c’est l’escalade. Quels étaient les effectifs ce jour-là, à Odysséa ? J’étais sur place, j’ai vu la détresse des témoins, vous, vous étiez sur le podium et certains de vos adjoints, en terrasse » … De quoi faire bondir le maire, « il y avait des milliers de personnes réunies autour d’une cause, la question s’est posée de tout stopper, j’ai pris la décision de maintenir les courses, en faisant comme s’il ne s’était rien passé. Tout a été fait pour que ça puisse se poursuivre, une assistance psychologique a été mise en place ». Le débat s’arrêtera là mais il y aurait beaucoup à dire sur les réponses à donner à ces statistiques alarmantes.
Un document unique et beaucoup d’engagements
Car mercredi 22 septembre marquait une avancée significative dans la coopération entre la ville, le ministère de la Justice et les services de l’Etat, un travail de l’ombre amorcé en mai-juin, visant à lutter plus efficacement contre la petite délinquance, les problématiques de stupéfiants, les violences intra-familiales, le séparatisme et les comportements incivils, dans leur ensemble. Une réponse, en définitive, aux invectives reçues durant le conseil. « Nous avons tout remis en ordre autour d’un seul et même document, qui va donner une nouvelle impulsion à l’action de justice à Chambéry » , confiait, satisfait, Pierre-Yves Michau, procureur de la République. « Nous faisons désormais en sorte à ce qu’il n’y ait plus de trous dans la raquette » , observait Thierry Repentin. « Tous les quartiers ont droit à la même sécurité, le maire ne peut pas tout, tout seul, en travaillant conjointement avec les services de l’Etat, il pourra beaucoup plus ». Le contrat de sécurité intégrée pose les engagements pris par l’Etat, le Parquet et la ville « afin de répondre aux problématiques de sécurité et de tranquillité publique ».
Dans les faits et plus concrètement, cela se traduira par la création de 10 postes de policiers supplémentaires pour la circonscription de Chambéry. Une disposition prise par l’Etat tandis que la ville, elle, s’engagera à maintenir l’armement de ses agents sur la voie publique. Un poste de police commun sur le quartier des Hauts de Chambéry verra enfin le jour, signe que ce quartier ne pourra plus rester en marge, comme l’expliquait le maire plus haut. Côté vidéo, la municipalité devra créer un schéma directeur visant à un déploiement de la vidéoprotection sur tous les secteurs « perçus comme prioritaires ». La participation citoyenne, instaurée en France depuis 2006 sous l’égide de la gendarmerie nationale, qui permet à des citoyens de devenir acteurs de la tranquillité publique, sera développée afin de « consolider la relation police – habitants ».
Ce contrat de sécurité est également voué à renforcer la coopération entre polices municipale et nationale à travers des opérations de patrouilles programmées en fin de nuit, sur le secteur du centre. Le Parquet se verra attribuer une nouvelle mission, « celle de la justice de proximité, ce qui est assez novateur » , dira Pierre-Yves Michau, en vue de lutter plus efficacement contre la délinquance du quotidien. Le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) apportera un précieux soutien financier à toute action portée par la ville ainsi qu’à l’accroissement des capacités d’accueil, d’accompagnement et d’orientation des victimes. Il faudra de la pédagogie pour renforcer le sentiment d’appartenance et de civisme, c’est pourquoi la ville s’engage à créer un conseil de la laïcité et du bien-vivre ensemble, nécessaire au « fondement du pacte social ». A noter enfin que le groupe local de prévention de la délinquance, lancé au printemps dernier (lire notre article du 6 mai) sera maintenu et son action, renforcée. C’est un vaste projet, « une réponse collective » qui nous mènera jusqu’en 2026, soit la fin du mandat, moment où le vrai bilan de l’action de cette majorité pourra être tiré.
* Un individu, défavorablement connu des services de police, alcoolisé, avait fait feu sur deux agents de sécurité en marge d’Odysséa, samedi 18 septembre. Il a été maîtrisé et mis en examen pour tentative d’assassinat. Plusieurs fois poursuivi, l’homme avait notamment fait l’objet d’une interdiction de port d’armes en 2017.
** Sur les six communes qui composent la circonscription de sécurité publique de Chambéry (Chambéry, Saint-Alban-Leysse, Jacob-Bellecombette, Bassens, Cognin et Barberaz), cette dernière représente à elle seule 70% des faits constatés.
Tous les commentaires
1 commentaire
paul
23/09/2021 à 22:39
En espérant que cette fois, la mesure arrive jusqu'à BISSY ...