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Bassens : guerre des nerfs autour du projet de reprise du centre commercial le Galion

Par Jérôme Bois • Publié le 07/10/21

L’économie circulaire peut-elle être le facteur de relance du Galion ? Galerie commerciale quasi désaffectée où survivent péniblement quelques échoppes, le Galion est promis à la démolition puis à sa reconstruction depuis que le permis de construire d’un promoteur a été validé par la municipalité de Bassens. Une fois les recours purgés, plus rien ne semble pouvoir stopper la (re) création d’un centre commercial flambant neuf. A ceci près que deux personnes s’y opposent avec force. Leur projet de reprise du centre autour de l’économie circulaire, sujet tendance s’il en est, intéresserait jusqu’à Grand Chambéry, selon eux… Et c’est peu dire que tout le monde n’est pas sur la même longueur d’onde, sur ce dossier.

 

Une allée désertée de la plupart de ses commerçants.

Revoilà donc le Galion, vieille chose des années 70, désertée de la plupart de ses commerces mais promise à un avenir plus radieux. Le permis de construire, déposé en septembre 2018 par la société GESAC, prévoit en effet la démolition et la reconstruction d’un centre commercial sur une superficie de 8 418m² dans le cadre d’un plan global de requalification de l’entrée de ville. Un projet qui a eu les faveurs de la mairie de Bassens, Alain Thieffenat en tête : « Aujourd’hui, je crois que le promoteur a réuni 97% des copropriétaires, il va négocier avec les 3% restants mais ça va se faire ». Car la condition sine qua non pour que ce dossier aboutisse est que tous les propriétaires soient vendeurs.Il faut remonter à 2012 pour trouver la trace des premières velléités de rénovation. Deux ans plus tard, les deux entrées de la galerie avaient même été modernisées avant que la mairie ne déniche un promoteur prompt à reprendre l’ensemble du centre. Seulement, la pharmacie du Pradian, située à proximité du tènement, un temps séduite, fit obstacle à GESAC, au grand dam de la copropriété qui évoquait même « une prise d’otage » ; BBC Pharma avait en effet demandé l’annulation du permis soutenant que la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) n’avait pas été sollicitée et que le projet était litigieux en divers points. Enfin, une telle construction était de nature à diminuer la visibilité de l’officine. Une requête in fine rejetée par le tribunal administratif de Grenoble, en janvier 2021. Une fois ce recours purgé, le promoteur disposait enfin de toute latitude pour mener son projet à bien. « Il y a une place pour un centre commercial classique et une place, plus petite, pour de l’économie circulaire, il faut seulement que celle-ci se dépoussière de son baba-coolisme » , soutient Alain Thieffenat. Une façon de balayer d’un revers de manche un projet alternatif, axé, précisément, sur l’économie circulaire.

Le soutien de Grand Chambéry ? « Ils mentent », assure le maire de Bassens

Philippe Vachette est président de la coopérative Skitec, qui loue 450m² au Galion. Claude Villeminey est propriétaire vendeur au sein de Galion ; ensemble, ils portent le projet d’une galerie dédiée à l’économie circulaire. Dans un communiqué, ils motivent leurs intentions : « L’économie circulaire regroupe un ensemble d’activités et de commerces, dont les impacts sont complémentaires, visant à optimiser l’utilisation des matières et énergies. Ce n’est ni l’économie du déchet et ni celle du recyclage. De façon innovante, elle vise la création de produits, services, modèles d’affaires et politiques publiques, qui prennent en compte l’ensemble des flux tout au long de la vie du produit ou du service ». « Clinique Ménager », qui siège encore au Galion avant un déménagement avenue du Comte-Vert, en est l’exemple. 14 autres candidats sont en lice pour intégrer le futur centre imaginé par Philippe Vachette et Claude Villeminey, parmi lesquels un commerce de distribution de surplus médicaux, de location – réparation de matériel pour bébé, une épicerie de produits sauvés, un atelier de recyclage de ski usagés… Des locataires potentiels que le bouche-à-oreille a rapproché. « Le projet GESAC est 100% privé », explique le premier cité, « et pour le réaliser, il faut 100% des accords des propriétaires et nous savons que trois d’entre eux ne veulent pas. » « Le nôtre » , poursuit Philippe Vacher, « est public, il consiste à racheter ce qui est à vendre. Nous avons contacté l’ASDER (association savoyarde pour le développement des énergies renouvelables, NDLR) pour évaluer le coût de la rénovation thermique et énergétique du bâtiment, qui oscillerait entre 1,5 et 1,8 million. Grand Chambéry pourrait alors mandater l’Etablissement foncier public local (EPFL) pour racheter ce qui est à vendre et le revendre à la collectivité ». Leur action vise à « agir contre le gaspillage. Grand Chambéry louerait les cellules, qui vont de 40 à 240 m² à des acteurs de l’économie circulaire avec un loyer moins cher que dans une galerie classique (grâce notamment aux potentielles subventions de l’Union européenne et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ADEME). Tout est prêt ! » annonce-t-il. « L’idée de GESAC et soutenu par cette municipalité est d’un autre âge » , alerte Philippe Vachette. Si les deux associés mentionnent Grand Chambéry, c’est parce que l’agglomération soutient une politique d’économie et de réduction des déchets et selon eux, leur dossier, argument qui ne passe pas auprès de la mairie : « Ils sont complètement hors sol et des menteurs » , peste Alain Thieffenat, « je le dis avec force, jamais l’agglomération n’a donné de garantie à la réalisation de leur projet, ce que m’assurent les contacts que j’ai pu avoir avec le président Philippe Gamen. Il m’a dit que seul le maire peut décider ». L’édile n’a aucun doute sur la concrétisation de ce centre commercial et sait qu’il a la main. « Ils rêvent » , conclut-il.

Avis défavorable mais…

Fin septembre, la commission de sécurité du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) a émis un avis défavorable à la poursuite de l’activité commerciale « ce qui fait taire tout ce qui a pu être raconté auparavant, car s’il arrive quelque chose, ce sera moi le seul responsable » , s’agace Alain Thieffenat, « il faut être cinglé pour passer outre, ça justifie donc de tout raser ». Pour Claude Villeminey, toutefois, cet avis ne vaut pas arrêté de péril, auquel cas les commerçants auraient été contraints à quitter les lieux dans les 24h… « Il y a eu avis défavorable car il n’y a pas eu de visite de sécurité, les copropriétaires n’ayant pas engagé les travaux nécessaires compte tenu de la complexité de la situation » , justifie son compère. Rien d’insurmontable au demeurant, nuance-t-il. Un avis que le duo ne juge pas déterminante, en somme, et qui exclut la possibilité pour le maire de faire fermer le centre actuel pour raisons de sécurité, comme il en avait eu l’intention, au début de l’été via un courrier recommandé envoyé aux 24 propriétaires. Du reste, le cabinet CCMC avocats, représentant l’un des copropriétaires du lieu, s’en était ému, via un courrier envoyé au maire lui-même le 10 juin dernier : « Je suis informé de votre intention de procéder à une fermeture administrative de la galerie commerciale le 2 juillet prochain afin de préserver la sécurité du public reçu (…). [Ma cliente] est profondément choquée des termes de votre courrier, faisant état de risques pour la sécurité dont elle n’a pas connaissance, n’ayant fait l’objet d’aucune information aux assemblées générales de copropriété d’une part (auxquelles la commune dûment représentée a pourtant pleinement participé comme copropriétaire) et qui ne sont à ce jour pas justifiés au regard de la réglementation applicable d’autre part. L’avis du 13 mars 2018 de la commission de sécurité est » favorable à la poursuite de l’activité de la galerie commerciale Galion de Bassens« . Avant de préciser : » Aucune fermeture administrative ne saurait concerner le local de [ma cliente]« , assène la missive. Sans appel.

Autorisera ? Autorisera pas ?

« La seule arme de la mairie consiste à tout faire fermer pour raisons de sécurité mais il n’aura pas de base juridique pour le faire, de toute façon » , soutient Philippe Vachette. D’ailleurs, « Emmaüs, qui fait partie du projet, a effectué une demande d’autorisation d’Etablissement recevant du public (ERP) auprès du SDIS et a reçu un avis favorable. La mairie, elle, lui a refusé cette autorisation, c’est curieux » , ajoute-il. « Curieux comme l’insistance du maire à soutenir ce projet privé ». A chacun ces certitudes, « trois propriétaires, soit environ 15% de la surface, ne veulent pas vendre, donc GESAC n’aura jamais de permis de démolir » , promet Philippe Vachette, « notre centre est viable sur les 85% restants ». Un autre élément pourrait plaider en leur faveur, comme le suggère Claude Villeminey : « Le promoteur aurait demandé un permis modificatif : en cas de modification de leur projet, GESAC devra redéposer un permis de construire, faisant l’objet d’une nouvelle procédure, impliquant de probables recours… Aujourd’hui, le maire a validé leur permis, il est conforme et ne peut le refuser mais il peut influer sur sa nature ». Convaincus et animés par la dimension plus tendance et moins énergivore de leur concept, les deux associés entendent surfer sur ce qui se fait déjà à Grenoble, Lyon, Bordeaux ou Montreuil… L’urgence est là, comme ils aiment à le rappeler : « L’économie circulaire vise à réorienter l’économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental. La société de consommation a augmenté de façon très importante son prélèvement sur les ressources naturelles en le multipliant par un facteur 10 en quatre décennies ».L’économie du XXIe siècle en marche ? Toujours est-il que ce duel de projets oppose deux conceptions du commerce, vertueux et traditionnel, novateur et classique. La seule rencontre entre les partisans du projet d’économie circulaire et Alain Thieffenat avait eu lieu en décembre 2019, à un moment où le maire ne pouvait se prononcer sur quoi que ce soit puisque le permis de construire faisait l’objet d’un recours. Depuis, la ligne est clairement coupée, ce qui ne présage jamais rien de bon…

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1 commentaire

paul

07/10/2021 à 19:55

Un projet alternatif... PAYE PAR NOS IMPOTS !!!

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