article
Campagne présidentielle : la primaire populaire entre en piste
Par Laura Campisano • Publié le 22/10/21
Humanistes et écologistes, plusieurs candidats potentiels pour une primaire à laquelle votent les citoyens pour une seule candidature commune, comme une réponse aux déçus de la politique, aux abstentionnistes et aux votants blancs, qui ne croient plus aux grands discours. Voilà en substance, la définition de la primaire populaire, et ce n’est pas une vaine initiative : face aux défis écologiques et aux inégalités, 140 000 personnes ont déjà signé l’appel numérique et quelque 4 000 bénévoles ont rejoint le mouvement, cinq mois après sa création, avec dans son sillage, des élus locaux. En Savoie, la première réunion a lieu vendredi 22 octobre à 18h30 à Chambéry. Explications.
« Il est faux d’affirmer que les Français se désintéressent de la politique, les Français en ont surtout marre qu’on ne les écoute pas, qu’on ne leur parle pas et qu’on fasse sans eux », tonne Cléo Belaïche, militante et chargée des relations avec la presse, à la primaire populaire. Pas une mince affaire, que de faire entendre sa voix, durant cette « pré-campagne » où les écrans et les micros sont trustés par des candidats potentiels et non encore déclarés. A la primaire populaire, on « remue ciel et terre » pour se faire entendre, avec des soutiens prestigieux, qui pour autant attendent que le mouvement perce pour clairement prêcher pour ce mouvement. Alors qu’il suffirait d’inverser le raisonnement pour que surgisse l’étincelle.
« La primaire populaire n’est pas une primaire citoyenne, les partis politiques ne sont pas nos ennemis »
Oscillant entre volonté et désillusion face au défaitisme ambiant qui règne à gauche, Claire Veret fait partie de l’équipe permanente de la primaire populaire et militante de la première heure. C’est une conscience assez précoce des enjeux climatiques et sociaux qui l’amène à s’intéresser aux questions historiques de résistance. Et quand nous en discutons avec elle, apparaissent en filigrane les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) rendues publiques en août dernier. « Nous n’avons plus le temps d’attendre », explique-t-elle, « et même si avec la gauche au pouvoir, ce ne serait pas parfait, c’est avec elle que peuvent être menées les alternatives dont nous avons besoin aujourd’hui. Nous n’avons pas créé un parti citoyen, nos principaux interlocuteurs sont les partis politiques, pour lequel j’ai un grand respect mais qui ont aussi une responsabilité immense. Il faut qu’ils permettent aux élus de s’émanciper, en choisissant à qui ira leur parrainage. Aujourd’hui, le risque n’est pas responsable, face au changement climatique. Tout le monde ne se rend pas encore bien compte de cette réalité. » La méthode est donc celle de réunir ceux et celles qui ont cette prise de conscience et souhaitent agir en faveur de la justice climatique et sociale, en votant sur la plateforme pour dix candidats présélectionnés, avant qu’un seul ne soit désigné au jugement majoritaire les 13 et 16 janvier prochains, portant un projet autour du socle commun. « On s’est dit que si on ne bougeait pas, nous citoyens, on assisterait à un duel mortifère entre des finalistes déjà désignés, Emmanuel Macron et Marine Le Pen », abonde Cléo Belaïche, « pour faire naître la primaire populaire, nous sommes partis des idées liées aux mouvements sociaux importants, en faveur du climat, de la justice. C’est un mouvement assez inédit, un processus innovant, aucune primaire n’a jamais été aussi ouverte jusqu’ici », sourit-elle.
« Arrêter de voter pour le moins pire, d’abandonner nos rêves pour ne penser qu’à notre survie »
En effet, les candidats, cinq femmes et cinq hommes, font l’objet de parrainages citoyens jusqu’au 30 novembre, sans que ne soient ouvertes de nouvelles candidatures. il s’agit d’Anna Agueb-Porterie, Clémentine Autain, Gaël Giraud, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Pierre Larouturou, Charlotte Marchandise, Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin et Christiane Taubira. Sur liste d’attente sont aussi présents Arnaud Montebourg, Raphaël Glucksmann, Gérard Filoche, Fabien Roussel et Philippe Poutou. Comment ces candidats désignés à la primaire populaire réagissent-ils ? « Ils jouent le jeu », explique Cléo, « nous sommes en attente de réponses et bien entendu, prime le consentement éclairé et joyeux. Nous leur mettons un peu la pression, parce qu’il faut qu’il se passe quelque chose. Et nous avons besoin de montrer que la pression vient de tout le monde, qu’on en a ras-le-bol de la manière dont les décisions sont prises, arrêter de voter pour le moins pire et d’abandonner nos rêves pour uniquement penser à notre survie. » Et pour que quelque chose se passe, c’est aussi – beaucoup – au local que les choses vont se jouer. « Dans les antennes locales, l’objectif est de déployer une dynamique », poursuit Cléo, « il s’agit d’occuper le terrain, de transmettre l’information, parce que si on ne le fait pas c’est assez difficile de se frayer un chemin. Pour autant, en cinq mois, nous avons réussi à récolter plus de 140 000 signatures et non seulement les gens signent l’appel, mais en plus, ils demandent à devenir bénévoles, plus de 4 000 aujourd’hui. Nous avons organisé 40 événements dans 37 villes, des week-ends de formation, les gens ont envie de participer, de s’impliquer. » Pour cela, la primaire populaire peut aussi compter sur les élus locaux : c’est d’eux qu’est partie l’initiative du « serment de Romainville », celui de suspendre les parrainages tant qu’un candidat commun ne sera pas désigné. Le maire de Romainville a été le premier signataires et d’autres ont suivi. Si au départ, ils étaient une dizaine d’élus, aujourd’hui, ils sont plus d’une quarantaine, parmi lesquels des Savoyards.
Des élus savoyards se mobilisent et parmi eux, le maire de Barberaz
C’est donc en ce sens que s’est mise en place une organisation de titans, que 178 élus locaux ont lancé un appel avec une tribune parue dans le Nouvel Obs en juillet dernier, parmi lesquels Pierre Brun, Sabrina Haerinck, Salim Bouziane, Martin Noblecourt, Sophie Bourgade, Marie Bénevise, Claire Plateaux, élus chambériens, Jean-Pierre Béguin, élu régional, et Arthur Boix-Neveu, premier maire savoyard à avoir signé le serment de Romainville. « J’ai été un des premiers signataires », nous explique-t-il, « parce que nous n’avons plus le temps d’attendre avant qu’une révolution s’opère au niveau climatique. Dans 50 ans, les décideurs politiques actuels ne seront plus là, moi je serai encore là, et je sais que si on n’agit pas maintenant, notre planète ne sera plus vivable. Avec des degrés supplémentaires, que se passera-t-il à Chambéry et ailleurs ? Il faut que nous changions radicalement, et pour cela, il est nécessaire que les candidats de gauche et écologistes dont 80 % du programme est commun réussissent à s’aligner derrière un seul, c’est leur meilleure chance de gagner. » Remonté et motivé plus que jamais, le maire de Barberaz ne désempare pas « Quand on travaille sur la rénovation énergétique des bâtiments d’une commune, on se prend une vraie claque quant au taux de CO2 », reprend-t-il, « je n’ai pas encore décidé à qui je donnerais mon parrainage car j’attends vraiment qu’il y ait un candidat commun. » Pour Jean-Pierre Béguin, conseiller régional AURA, qui a été signataire de la tribune, il est en effet temps « de se mettre autour de la table au lieu de continuer à regarder passer les trains », car il n’est pas possible de continuer à parler « d’urgence climatique, si on veut continuer à faire comme avant, chacun prenant 10 ou 11 % sans certitude d’aller au second tour de la présidentielle. Si on y va divisé, il faut barrer le mot urgence climatique sur les professions de foi. » Pour sa part, Sabrina Haerinck, très active depuis son entrée dans la vie politique chambérienne, a participé activement au comité de pilotage et à la création d’un des 40 comités locaux de la primaire populaire. Tirée au sort sur les listes électorales et active dans le mouvement des gilets jaunes, c’est assez naturellement que l’élue municipale de Chambéry a pris place à ces travaux. « Quand on voit que la gauche s’apprête déjà à perdre ces élections présidentielles », se désole-t-elle, « on comprend qu’il faut agir et vite ! C’est pour cela qu’on se réunit le 22 octobre, avant un événement qui aura lieu en novembre. J’ai moi-même parrainé et soutenu des candidats, et ai signé la tribune fin juillet. Depuis, le chiffre des élus pouvant donner leur parrainage augmente, ils sont actuellement une soixantaine, et nous espérons que cela continue. » Alors si tout cela ressemble à d’autres initiatives comme « La maison des citoyens » développée en 2017 par Alexandre Jardin, qui s’était lui-même présenté au scrutin présidentiel, ou encore à la primaire citoyenne, sans que cela ne soit suivi d’effets, « l’amplitude des soutiens démontre que c’est une évidence que les gens nous prennent au sérieux », reprend Cléo, « nous avons les candidats tous les jours au téléphone, parmi nos soutiens des philosophes, des acteurs, des sociologues, des militants, comme Cyril Dion, Claude Alphandéry, résistant et économiste, Priscillia Ludosky, qui a été la co-initiatrice des gilets jaunes. » Une grande diversité, encore timide à s’exprimer ouvertement sur le sujet sur le plan médiatique… pour le moment. A Chambéry, le 22 octobre, ce seront surtout des bénévoles, des citoyens qui se mettront autour de la table pour créer le comité local, « et c’est une bonne chose que ce soient les citoyens qui s’en emparent et pas les politiques », pour Jean-Pierre Béguin, qui compte tout de même passer par là au cours de la réunion. Un point de plus, sans doute, qui démontre que cette initiative se donne les moyens de ses ambitions : un candidat désigné par les citoyens, à gauche et écologiste, ce n’est pas qu’un projet de doux idéalistes : c’est un projet en cours.
Réunion comité local de la primaire citoyenne : vendredi 22 octobre 2021, à 18h30, maison des Associations de Chambéry.
Tous les commentaires
0 commentaire
Commenter