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Cédric Vial : « Le travail du sénateur est discret mais se fait à un rythme très élevé »
Par Jérôme Bois • Publié le 01/10/21
Le 28 septembre 2020, Cédric Vial plongeait dans le grand bain du Sénat, un monde bien éloigné de l’image d’Epinal qu’on lui prête, celui d’une assemblée couchée. Car le travail y est intense – bien plus que le grand public ne l’imagine – et le sénateur est très sollicité. « On s’est vite mis dans le bain », consent-il. L’opportunité lui est offerte d’expliquer à quel point le travail ne s’accomplit pas au rythme… du sénateur. Engagé par ailleurs aux côtés de Michel Barnier dans la course à la présidentielle, Cédric Vial revient pour nous dans une première année d’exercice accomplie au galop et détaille en quoi le candidat à la présidentielle lui semble le choix idéal pour la France.
Cédric Vial, vous venez de passer une année au Sénat, a-t-elle été conforme à vos attentes ?« Elle s’est très bien passée, c’est même une expérience extraordinaire quand on est passionné de politique et engagé comme moi. Un honneur, je l’ai vécu comme tel, même si l’on a très vite été mis dans le bain, je n’ai pas eu le temps de m’émerveiller ni de me poser des questions. Dès la deuxième semaine, nous avons tout de suite été confrontés aux questions parlementaires.
Alors ce que l’on dit des sénateurs…L’image du « train de sénateur » oui, en réalité, c’est tout l’inverse, nous travaillons énormément mais on communique beaucoup moins. La culture du Sénat est moins médiatique et politique que celle de l’Assemblée nationale, nous travaillons en décalage, nous sommes moins sous le coup de l’actualité. Ce travail est plus discret mais se fait à un rythme très élevé. On n’est pas dans l’à peu près. Après, j’avais un avantage par rapport à beaucoup, je connaissais bien le fonctionnement du Sénat et des institutions gouvernementales. Je me sentais préparé.
L’une des ambitions de beaucoup de candidats, l’année dernière, était de mieux faire connaître la fonction au grand public, est-ce que vous vous y attelez ?Ce n’était pas un enjeu que j’avais identifié. Je veux simplement être la petite voix de la ruralité et des spécificités du territoire savoyard. Je pourrais rendre compte davantage mais je ne fais pas cela pour ça, j’ai communiqué sur certaines activités parce que les gens, c’est vrai, n’ont pas pleinement connaissance de ce qu’être sénateur suppose, ça démocratise le rôle. Mais le job, c’est la représentation du département et de ses habitants, ainsi que le contrôle de l’action gouvernementale. Par exemple, durant un mois et demi, nous avons eu à gérer la fermeture des remontées mécaniques, l’an dernier, nous étions même le département le plus impacté de France en la matière. Nous avons un rôle d’intermédiaire avec le gouvernement, nous avons défendu l’ouverture des remontées et travaillé à éviter les trous dans la raquette.
Défendre les intérêts de la montagne, était-ce votre plus gros sujet ?C’était un gros sujet, à conduire avec les cabinets ministériels, Bercy etc. pour défendre les commerces, les professions, les compensations… Ce n’est pas encore fini, on attend encore les compensations qui devaient mais ne sont jamais arrivées mais il n’y a pas eu que ça. En décembre 2020, j’ai réuni un collectif d’une soixantaine de sénateurs de tous bords politiques pour défendre et porter la voix de la montagne.
Quels autres sujets avez-vous eu à porter cette année ?Nous travaillons par commissions, je suis dans celle sur la culture, l’éducation et le sport. Par exemple, j’ai travaillé sur la loi, adoptée en deuxième lecture le 29 septembre par l’Assemblée nationale, sur la création des statuts de directeurs d’école, ce qui est une avancée importante. Sur la loi 3DS (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification, NDLR), ex-loi 4D, autour de laquelle nous avions beaucoup d’espoirs, votée au Sénat en juillet mais qui n’est pas, au final, celle que l’on attendait. Elle repassera en décembre à l’Assemblée nationale. Il y a eu les lois sanitaires autour du Covid, de l’état d’urgence, la loi climat, les lois sur la sécurité, la lutte contre le séparatisme, la radicalisation, etc., la loi bioéthique sur laquelle je ne suis pas spécialiste mais à laquelle j’ai participé parce que j’ai des convictions profondes sur la fin de vie accompagnée. C’est ma conviction, pas ma commission.
Le champ est vaste…Oui, on brasse large, mais on ne peut pas être partout. Un an déjà, j’ai l’impression qu’en fait, c’était hier, mais on a fait tellement de choses… Le risque est de survoler les sujets, il convient alors d’être pertinent et spécialiste pour ne pas seulement les survoler.
« Je ne me reconnais pas dans le fonctionnement des partis »
Avez-vous failli, à un moment, vous disperser ?On est toujours sollicité, à un moment, il faut choisir. On saute d’une réunion à l’autre sans pouvoir les préparer. Le plus efficace est de n’en faire qu’une sur deux, c’est l’un des enseignements de cette année. J’ai participé à beaucoup de choses, j’ai surtout tenu à cibler les sujets sur lesquels je peux apporter une contribution réelle. On peut intervenir sur tout mais sur les sujets techniques, il faut savoir faire confiance à ses collègues. Et puis, avant chaque texte, nous avons les auditions, un passage essentiel pour la préparation des dossiers. Les gens ont l’impression que quand on n’est pas en hémicycle, c’est que les sénateurs ne bossent pas… C’est tout l’inverse ! En hémicycle, on conclut le travail effectué en amont. C’est dur à faire comprendre.
En campagne, vous vous étiez lancé sans étiquette. Or, vous faites bien aujourd’hui partie du groupe Les Républicains au Sénat…Je suis toujours sans étiquette* mais je suis un gaulliste, je l’ai toujours été. J’ai du reste fait campagne pour dire que j’étais gaulliste, je soutenais Gérard Larcher, sa vision et je me rangeais dans sa majorité s’il venait à être élu président du Sénat. Je n’ai pas changé de convictions, je suis gaulliste social depuis 1995.
Vous parliez à l’époque de « coquilles vides » à propos des partis politiques, vous disiez même qu’ils avaient « réussi à vous écœurer ».C’est dans le fonctionnement des partis politiques que je ne me retrouve pas. Je n’ai pas de carte du parti, d’ailleurs, je suis seulement rattaché au groupe majoritaire. J’essaie en fait d’aller au-delà des partis et à titre d’exemple, avoir réuni un groupe d’une soixantaine de sénateurs de tous horizons autour de la montagne en est l’illustration. Je ne me reconnais pas dans le fonctionnement des partis tels qu’on les connaît depuis 70 ans. Ils sont en train de se recomposer. Le Parti socialiste s’efface peu à peu, LREM, ça ne fonctionne plus, les Républicains et le Rassemblement national, ça tient encore mais le RN vacille avec l’avènement d’un Eric Zemmour. Les LR résistent mais soit ils gagnent l’élection pour survivre, soit c’est la défaite, et on n’en parlera plus. Je n’ai pas changé d’analyse, les partis ne correspondent plus aux clivages actuels, la vie politique se recompose.
A propos de ces élections, vous voici membre de l’équipe de campagne de Michel Barnier** ; qu’est-ce qui vous attire chez lui ?Je le connais depuis longtemps, je pense qu’il est celui dont la France a besoin. Celui dont les Français ont envie ? Je ne sais pas. Il est le plus expérimenté, le plus capé, il possède un parcours qui parle pour lui mais souffre d’un déficit de notoriété. Nous, en Savoie, on le connaît, c’est notre rôle que d’expliquer partout ce qu’il sait faire. C’est un élu de terrain, méthodique. La France est en situation de crise, un pays fracturé sur le plan social, territorial, religieux, générationnel, éparpillé façon puzzle, si j’ose dire., au bord de la rupture. On entend parler parfois de guerre civile, je dirais plutôt que le pays est au bord de l’affrontement. Michel Barnier a le profil, rassembleur, prompt à remettre les Français les uns avec les autres et à faire respecter la France, à l’intérieur comme à l’international***.
« Le rêve aujourd’hui, c’est la déception demain »
Soit le garant de l’institution et des valeurs de la République en somme…Nous sommes passés par la phase des hyperprésidents, à la fois président, premiers ministres, qui décident du nombre de minutes durant lesquelles le masque doit être porté, ça contribue au sentiment d’un Etat qui part dans tous les sens. Barnier, c’est l’anti-Macron, une véritable incarnation de l’Etat, accompagnée d’un gouvernement qui gouvernera. Ce n’est ni par copinage, ni par amitié que je le dis, il correspond à nos besoins. Il y a dix ans, il n’avait sans doute pas le profil. C’est l’enjeu de ces élections, si l’on se rate, les Français essaieront autre chose, un autre système… Nous avons la chance de savoir ce qu’il sait faire, on l’a vu avec l’organisation des Jeux Olympiques d’Albertville, Savoie Technolac (il en avait été à l’origine, avec Jean-Pierre Vial, NDLR)… Il a été élu pendant près de 40 ans, je n’ai encore jamais croisé quelqu’un ici pour en dire du mal. Il n’est pas clivant bien que pas le personnage le plus connu.
C’est un homme politique à l’ancienne. Il personnifierait, selon vous, la fin du « bling bling » ?Oui c’est ça, il nous faut quelqu’un qui respecte et que l’on respecte. Michel Barnier possède une expérience à nulle autre pareille. Il était à la table des chefs d’Etat européens sans être lui-même chef d’Etat. Sur la scène internationale****, personne ne lui arrive à la cheville Ce serait un choix audacieux parce qu’on a tendance à préférer des gens qui font rêver. Le rêve aujourd’hui, c’est la déception demain. Il fera moins rêver, c’est sûr, mais il sera plus crédible. La meilleure façon de réunir les gens, c’est de le faire autour d’un projet, en Savoie, il y est parvenu. Son discours ne contraint personne, ceux qui veulent venir viennent. Que l’on nous soutienne pour ce que l’on dit ! Je trouve ça sain.
Il part de plus loin que ses concurrents, est-ce un désavantage ?Il s’est déclaré le 27 août, Xavier Bertrand est candidat depuis près d’un an, Valérie Pécresse depuis juillet. Michel était en phase de maturation. La politique, c’est une dynamique, elle est désormais de son côté. Avant, il était le « petit » avec Philippe Juvin et Eric Ciotti. Aujourd’hui, il est avec Pécresse et Bertrand. Et demain ? La politique, c’est une dynamique, la stratégie de l’avalanche ; c’est d’abord une boule de neige, qui dévale la pente. En bas de la piste, cette boule sera devenue une avalanche. Cette analogie me va. Ce n’est pas encore une avalanche, mais si rien ne l’arrête d’ici l’arrivée… «
* Dans un entretien qu’il nous avait accordé le 24 septembre 2020, il avait déclaré : « Il y a dix ans, cela pouvait vous être préjudiciable [de vous présenter sans étiquette], plus maintenant, ce serait presque même un handicap que de se revendiquer d’un parti. Ce ne sont plus que des coquilles vides. Ce qui compte, c’est la légitimité des territoires, c’est leur représentativité et celle de leurs spécificités qui importent. Les partis ont réussi à m’écœurer » .
** Cédric Vial fait partie des quinze composant l’équipe de campagne de Michel Barnier avec, notamment, Emilie Bonnivard.
*** Michel Barnier se présente au même titre que Philippe Juvin, Valérie Pécresse, Eric Ciotti et Xavier Bertrand. A l’issue d’un vote du congrès, les militants désigneront leur candidat pour la présidentielle 2022. Les candidats ont jusqu’au 3 novembre pour valider leur candidature en présentant 250 parrainages, de tous bords confondus.
**** En 2014, Michel Barnier avait tenté de briguer la présidence de la commission européenne, vaincu par Jean-Claude Juncker. Son nom est revenu en 2019, mais sa candidature fut écartée.
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