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Chambéry : Michel Barnier et son équipe dans la dernière ligne droite

Par Jérôme Bois • Publié le 23/10/21

L’opération séduction a commencé et si en Savoie, sa réputation n’est plus à faire, Michel Barnier doit néanmoins gagner les cœurs et les esprits de tous en prévision du vote des militants en début décembre devant désigner le candidat Républicain à la présidentielle 2022. Son équipe est donc à pied d’œuvre en vue de rassembler, mobiliser les sympathisants. Samedi 23 octobre, salle Grenette, ils étaient une bonne soixantaine à écouter la députée Emilie Bonnivard, membre de son cercle restreint, et Michel Dantin, son référent sur la 4e circonscription, évoquer l’homme, ses convictions, ses promesses. Il ne manquait que l’intéressé, en somme…

 

Michel Dantin

Si chaque militant, chaque sympathisant parvient, selon le souhait d’Emilie Bonnivard et Michel Dantin, à inciter quatre personnes de soutenir le candidat Barnier, ce serait, à n’en pas douter, une partie du chemin qui serait accomplie pour le frais candidat à la « primaire » des Républicains*. Salle Grenette, ils étaient une grosse soixantaine à écouter la députée et l’ancien maire et député européen, raconter Michel Barnier, le Savoyard, l’Européen convaincu (et ces derniers temps contesté), le pondéré Michel Barnier. Le peu médiatique, aussi parfois, sujet de moqueries sur certaines ondes tant sa candidature peut être parfois perçue comme d’un autre âge. C’est donc tout le défi de son équipe, réussir à le rendre à la fois sexy et crédible, à louer son hermétisme aux critiques et son CV qu’on en peut que porter à son crédit.

« Le plus beau CV de la République »

A l’autre Michel du jour, Dantin, d’ouvrir le bal, ce 23 octobre, salle Grenette**. « Vous le connaissez tous, vu vos moyennes d’âge » , entonnait l’ancien maire, une remarque qui souleva quelques tousseries dans la salle mais qu’il justifia ainsi : « Pour les moins de 40 ans, son image n’est pas si claire, il est tout de même parti de Savoie il y a plus de 20 ans, en 1999 ». En effet, il était alors temps, pour le Savoyard, de partir sous de plus hautes latitudes, direction l’Europe pour le nouveau commissaire européen à la politique régionale après avoir été une première fois ministre puis sénateur. Quatre ministères au total, sénateur, donc, commissaire européen à deux reprises, député, conseiller général et président du département, l’homme en impose, mais encore faut-il le savoir. « Il est important de dire ce qu’il a fait » , complétait Michel Dantin, « parce qu’il a le plus beau CV de la République ». Aux plus jeunes d’en mesurer l’envergure.
Lorsqu’à l’orée des années 90, l’éclatement du bloc de l’Est fit craindre une instabilité politique chronique de ce côté-ci de l’Europe, « l’idée était dans un premier temps de se protéger par une barrière, ce qui ne pouvait tenir sur la durée ». Au lieu de quoi, l’Union européenne, tout fraîche et pimpante, fruit du traité de Maastricht, préféra intégrer ces nation émergentes en échange de rigoureuses exigences, « il a eu alors à construire cet ancrage des territoires » , releva Michel Dantin. Le commissaire européen devait alors animer la politique régionale et de cohésion, une mince affaire. Puis, Michel Barnier eut à parfaire les règles du marché intérieur (sa deuxième commission), ce qui explique pourquoi « il a toujours été le plus respecté par l’ensemble des parlementaires », insista Michel Dantin. Négociateur en chef du Brexit, il a parfait sa science de la pondération et du dialogue, d’où cette prédiction, « il est prêt à réconcilier les Français avec eux-mêmes ». L’homme providentiel, Michel Barnier ? A n’en pas douter pour l’ancien député européen. « Chacun doit être fier d’être à la place dans laquelle il est, il fera en sorte que ce soit le cas, avec discernement et méthode ». Et cette promesse, que nous saurons tous retenir tant elle est rare, « ce sera son unique mandat et peut-être que ça nous fera du bien. Je connais les autres candidats, Michel Barnier est le meilleur ».

Emilie Bonnivard

« Il est hype »

Avec de tels serviteurs, le Savoyard peut voir venir. Toutefois, Emilie Bonnivard préféra porter son attention sur la dynamique de campagne du natif de la Tronche, en Isère, et ce en dépit de sondages guère conciliants : « On peut être inquiet, à la vue des sondages, mais il est parti fin août quand Xavier Bertrand s’est lancé voici un an et demi dans la course » , un discours des plus proches de celui tenu par Cédric Vial dans ces colonnes, le 1er octobre dernier. « Quant à Valérie Pécresse, elle est dans le circuit depuis longtemps. Michel a, certes, un déficit de notoriété au niveau national mais sur les questions internationales, les enquêtes d’opinions le prouvent, il est le meilleur. On essaie désormais de le ramener au niveau national ». De faire de Michel Barnier un Français parmi les siens ou comme le disait le général De Gaulle, un homme qui va à la rencontre les Français. « Beaucoup de journalistes me le disent, il plaît, il a la classe et l’élégance, » il est hype « alors qu’il est le plus… expérimenté » , confiait-elle. La dynamique prend et comme « les sondages ne font pas une élection » , tout reste ouvert…Politiquement, Michel Barnier a fait grand bruit par ses propos jugés anti-européens. « Il faut retrouver notre souveraineté juridique », avait-il lancé, au sujet de la question des migrations,afin ne pas être « menacés en permanence d’un arrêt ou d’une condamnation de la Cour de justice européenne ou de la Convention des droits de l’homme, ou d’une interprétation de notre propre institution judiciaire ». Non, il ne s’agissait pas d’un retournement de veste, selon Emilie Bonnivard, mais bel et bien l’aveu d’un constat d’échec, celui de l’UE sur cette cruciale question. « Il faut entendre la colère et la défiance des peuples à l’égard de cette Europe. Les états n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur la politique migratoire laissant notamment les pays du Sud se débrouiller. Ce constat, il l’avait dressé bien avant le Brexit. Les frontières sont poreuses, les peuples le voient, tout échappe à l’UE et Michel Barnier veut seulement mettre un terme à ce qui échoue ». Le moratoire qu’il souhaite engager consistera en la mise en place d’une politique migratoire française, face à laquelle les arrêtés européens ne s’appliqueront pas. Anti-européen, Barnier ? Pour ses suiveurs, la chose est nulle et non avenue.

Sereins sur sa « capacité à rassembler les Français »

Parmi les personnes présentes, il s’en trouvait certaines pour s’inquiéter encore. Ce monsieur se demandait si ce CV, aussi gonflé soit-il, n’était pas de nature à l’empêcher de rassembler les jeunes autour de son nom. « C’est dans les discours et les postures qu’il y parviendra » , prophétisa Michel Dantin. « Il faut que l’on s’adresse à eux sur leurs médias, sans faire d’effets d’annonce » , renchérit Emilie Bonnivard. « Il faut être serein sur sa capacité à rassembler un peuple vers ce qui l’unit. Nous n’avons pas le temps d’être divisés » , poursuivit-elle, en réponse à l’épuisante et vaine question du cas Zemmour, le toujours-pas-candidat à la présidentielle. « Conduire un pays, ça s’apprend tous les jours, au fil des rencontres, en allant au contact, en se confrontant aux réalités. Son CV est une force ». Ainsi qu’une réponse à l’hystérisation du débat public, précisait la députée.Chantre de la décentralisation, appelée de leurs vœux par bon nombre d’élus et d’observateurs, quand bon nombre « de sujets sont enlevés aux collectivités » , Michel Barnier sera amené à faire que « sur un sujet qui appartient aux collectivités locales, il faut qu’elles en exercent la totalité ». La dette ? De quoi faire bondir une députée excédée. « Nous en sommes à 3 000 milliards d’euros de dette, soit 115% du PIB. C’est le fruit de l’échec de la gauche, dont Emmanuel Macron fut le ministre de l’économie et du budget. Nous nous mettons dans la situation de la Grèce et sommes sans doute le plus mauvais élève de l’Europe en termes de déficit public et de dette ». Maîtriser les dépenses « sera la condition pour conserver notre pleine souveraineté. Nous voulons un état moins administrant, avec plus de services publics ». Au passage, Emilie Bonnivard ne cacha pas son appétence pour une hausse du temps de travail, ce qu’elle justifia ainsi : « Notre base de travail et de cotisation n’est pas assez large, on ne travaille pas suffisamment en France, en termes de masse ». Et « moins de hauts fonctionnaires, ça ne me dérangerait pas davantage » , glissa-t-elle. A un peu plus d’un mois du verdict, la course contre le temps menée par Michel Barnier et les siens s’intensifie. Son image semble évoluer auprès du grand public. Par monts et par vaux jusqu’à début décembre, le candidat devra convaincre autour de ses valeurs cardinales et de son expérience, surtout, son point fort.
Michel Barnier se présente au même titre que Denis Payre, Philippe Juvin, Valérie Pécresse, Eric Ciotti et Xavier Bertrand. A l’issue d’un vote du congrès, les militants désigneront leur candidat pour la présidentielle 2022 le 4 décembre. Les candidats ont jusqu’au 3 novembre pour valider leur candidature en présentant 250 parrainages, de tous bords confondus.Quatre débats auront lieu d’ici le 4 décembre, date du verdict : le premier, sur LCI, le 8 novembre, le 14 novembre sur RMC et BFM TV, le 21 sur Cnews et Europe 1 et le dernier, sur France 2, le 30 novembre.
** Après les réunions publiques de soutien d’Aix-les-Bains et de Chambéry, les prochaines se tiendront le 25 octobre à Chamousset, salle La Chamoussarde, à 18h, à Albertville, le 29, salle du Val-des-Roses à 19h et le 5 novembre à Saint-Jean-de-Maurienne, salle Pré-Coppet, à 18h.

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