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Octobre rose : urgence dépistages !

Par Laura Campisano • Publié le 04/10/21

Aux premiers frissons d’octobre depuis bientôt 20 ans, c’est à présent connu de tous, démarre la campagne de prévention et de dépistage du cancer du sein en France. Après quasiment deux années de crise sanitaire, de confinements à répétition, la reprise des dépistages a été très lente, en baisse dans notre département de près de 10 points, passant de 61% à 52% soit quasiment le niveau national, assez préoccupant. Mais au-delà du dépistage lui-même, c’est à la prévention qu’il convient de s’intéresser de près, même si, de ce point de vue, la France a quelques rames de retard.


Premier cancer le plus répandu chez les femmes, touchant potentiellement une femme sur 8 en 2021, le cancer du sein est une cause universellement épousée en France ; la participation aux courses en faveur de la recherche, comme récemment Odysséa* à Chambéry ou encore à Frontenex, dimanche 3 octobre, le démontrent. Pourtant, pour le docteur Paul Truong, président du comité départemental de la ligue contre le cancer de Savoie, il existe des moyens de prévenir et de soigner à temps les cas de cancer du sein, notamment en apprenant « aux femmes à prendre soin d’elles et à mieux se connaître ». 

Une baisse de participation au dépistage organisé, constatée depuis le début de la crise sanitaire

Paul Truong, médecin et Président du comité départemental de La Ligue contre le cancer de Savoie

Le constat est sans appel : partout en France, dans chaque département, la ligue contre le cancer constate un net recul de participation aux opérations de dépistage du cancer du sein. En Savoie, où le taux de participation est historiquement le meilleur de la région Rhône-Alpes, il a dégringolé de 10 points, ces deux dernières années. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce recul, d’abord, la crise sanitaire a gelé les rendez-vous en cabinet de radiologie, ensuite l’envoi par les centres de dépistages des courriers d’invitation a été de facto ralenti, puisque le retard dans les prises de rendez-vous se creusait mois après mois. Pourtant « c’est une chance qu’en France soit organisé le dépistage gratuit du cancer du sein, il n’y a pas beaucoup de pays dans le monde où un tel dispositif a été mis en place » explique Paul Truong, « le problème c’est que depuis environ deux ans, la participation à cette opération de dépistage a chuté, loin du taux optimal de 70%. Les confinements et les conditions variables de reprise n’ont pas permis de garder le rythme habituel. »
Il faut donc organiser un « rattrapage massif » , selon Paul Truong, « que les femmes entre 50 et 74 ans qui reçoivent leur invitation ne tardent pas à prendre rendez-vous, pour avoir une date la plus proche possible », plaide le médecin, « le délai d’examen est normalement tous les deux ans, il ne faudrait pas trop déraper hors délai. Ce que remontent nos collègues médecins, c’est qu’un retard de diagnostic entraîne un retard de prise en charge, et c’est le cas pour de nombreux cancers, pas uniquement le cancer du sein. » Octobre rose est l’occasion pour la Ligue de sensibiliser le maximum de femmes, à partir de 25 ans, « à prendre soin d’elles, à apprendre à se connaître » Vingt ans d’existence en France, pour cette initiative venue tout droit des Etats-Unis importée par la Ligue contre le cancer. Une opération visant à dédramatiser la situation et à libérer la parole, même s’il reste encore beaucoup à faire du côté de la prévention.

Premiers états généraux de la prévention des cancers en France… en 2018

Saisissant en effet, comme il est difficile de parler de ces sujets avant 25 ans, comme permettre à de jeunes filles de connaître leur corps n’est pas inné, voire pire, caché, dans certaines familles, toutes origines sociales et culturelles confondues. Car s’il est entendu qu’il faut se faire dépister à compter de 25 ans, chaque année contrôler, et tous les deux ans dès 50 ans, tout ce qui se passe avant 25 ans, est quasiment passé sous silence. Concernant le cancer de l’utérus, le dépistage organisé est très récent et ne cible que les femmes n’ayant pas réalisé de frottis depuis trois ans…alors que ce cancer, bien qu’il ne cause « que » 1 000 décès par an pour 3 000 cas, a des « conséquences importantes au quotidien pour celles qui en sont affectées », alerte Paul Truong. « la prévention ce n’est pas le point fort de la France, il y a des réticences énormes dès que l’on s’attelle à l’information des enfants, notamment sur la prévention du papillomavirus. Il y a un vrai retard par rapport à d’autres pays. Chez nous, c’est très progressif, avec les pédiatres, les obstétriciens, nous en convenons régulièrement, pour introduire ces informations dans les écoles, les collèges et les lycées il faut l’accord de l’Education nationale et des associations de parents. Or on se heurte à une très forte opposition philosophique, alors que sur un plan sanitaire, c’est un progrès fantastique car c’est un des rares vaccins qui existent contre le cancer. » 

Campagne Octobre rose 2021

Un problème en amont, donc, qui peut aussi expliquer le recul du dépistage à l’heure actuelle. On le sait à présent, au vu du des progrès scientifiques et des études, 40% des cancers pourraient être évités, en modifiant le mode de vie et l’environnement. On sait aussi, que la prévention doit se faire de manière efficace, avec un travail psycho-social d’envergure.
C’est ce qui a conduit pour la première fois le 21 novembre 2018 à la tenue des premiers Etats généraux de la prévention des cancers, organisée par la Ligue nationale contre le cancer, au Centre économique social et environnemental à Paris. Au cours de cette journée de travail a été restitué le travail d’un an d’enquête auprès d’experts, de chercheurs, représentants d’institution et de la société civile, des jeunes de 9 à 12 ans, ainsi que le grand public via une consultation citoyenne sur internet. « On a tout pour la mise en application », constate le docteur Truong, « le plus dur, c’est de convaincre, c’est un travail de très longue haleine, que conduit la ligue depuis 30 ans, année après année. Mais il ne faut pas désespérer, même si dans certains pays les choses vont plus vite, notamment du fait de l’obligation des dépistages, rendre les choses obligatoires en France n’est pas évident. On se heurte à la liberté. On remarque aussi par ailleurs que ces temps-ci, l’individualisme est très marqué, nous sommes dans une période de grand scepticisme, assistant à une progression très importante de l’obscurantisme. Certains ont des convictions, en disant que tout ce qui est naturel est bon mais la ciguë est naturelle, certains champignons également, on voit donc que ce n’est pas forcément vrai. Le problème c’est que face à l’obscurantisme, on ne peut pas convaincre. »  regrette-t-il. La problématique est donc bien plus profonde qu’un recul des dépistages dû à la crise sanitaire : c’est dès l’enfance, la préadolescence que le respect de soi, le soin, l’écoute du corps est importante pour être pris en charge rapidement, et sauver des vies. Prévenir, plutôt qu’essayer de guérir, voilà une motivation qui devrait être mise en avant tout au long de l’année…comme une sorte de très long mois d’octobre rose.
*Odyssea n’est pas une manifestation organisée par La ligue contre le cancer, mais par l’association de cancérologie du centre hospitalier Métropole Savoie, à l’occasion d’Octobre rose.Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site d’Octobre Rose de la Ligue contre le cancer.

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