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Savoie : le Rassemblement national et l’épineuse problématique des parrainages

Par Jérôme Bois • Publié le 27/10/21

A chaque présidentielle cette interrogation chez les Marinistes, vont-ils parvenir à obtenir des maires et des « grands élus » les parrainages nécessaires (500) pour présenter une candidature. Si Marine Le Pen peut s’attendre à proposer sa candidature de façon officielle, elle aimerait rassembler autour d’elle une majorité de maires de petites et moyennes communes pour signifier que le RN est bien le parti des ruraux et des élus qu’on oublie. De fait, en Savoie, la mobilisation est forte pour convaincre ces édiles dont le cachet sera fort recherché.

« Quand on fait 50 à 60% de voix sur une commune, automatiquement, on s’adresse en priorité aux maires concernés ». C’est une lapalissade, et pourtant. « Ils nous disent que c’est compliqué, nous avons des maires qui ne veulent pas se précipiter, d’autres qui ne veulent pas s’afficher » , sans parler de ceux qui ne veulent tout simplement pas parrainer le moindre candidat par défiance vis-à-vis de la politique. Brice Bernard, délégué départemental du Rassemblement national et conseiller régional, est donc en quête et comme d’habitude, dès qu’il est question du RN, elle sera longue et tumultueuse. A moins que cette année électorale ne change la donne.

« Nous représentons 11 millions d’électeurs ! »

Les plus anciens s’en rappelleront sans doute ; nous étions en 1981, Jean-Marie Le Pen, alors patron d’un tout jeune parti, rêvait de présidentielle. Une histoire de promesse de parrainage non tenue, de « trahison » , dira même le fondateur du FN, qui l’interdira de prendre part à l’exercice. Ce fut le seul couac du FN/RN. Tous les sept puis les cinq ans, l’éternelle rengaine se répétera : « obtiendra, obtiendra pas » les signatures requises ? Sa fille, Marine, suivra la ligne paternelle en mettant régulièrement la pression sur un système de parrainage jugé discriminant, en particulier pour le RN. En 2012, ce n’est que trois jours avant la date butoir qu’elle rassemblera les signatures nécessaires. Florian Philippot, alors numéro 2 du FN en 2012 s’émouvait des difficultés pour le parti d’acquérir les précieux sésames : « C‘est une très bonne nouvelle pour la démocratie, parce qu’il était tout de même extraordinaire de penser un instant qu’un candidat qui représente près de 20 % des voix au premier tour ne soit pas dans la course ». Cinq ans plus tard, la présidente du RN devra patienter jusqu’au 8 mars pour valider sa candidature. Et en 2022 ?

La Savoie va-t-elle soutenir plus massivement que d’ordinaire la candidate du RN ?

Ce refrain-là, Brice Bernard l’entonnera avec la même virulence : « Nous représentons 11 millions d’électeurs, et si nous avions auparavant six semaines pour rassembler les promesses de parrainages, ce ne sera pas le cas cette année ». Et pour cause puisque le recueil des signature ne pourra se faire qu’entre le 30 janvier et le 4 mars, soit cinq semaines*.  « C’est une contrainte de plus » , dira-t-il, « une volonté de restreindre le temps ». Certainement pas la plus importante, cependant. Car les maires auront à faire parvenir eux-mêmes leur parrainage au Conseil constitutionnel tandis que précédemment, cette charge appartenait aux partis directement**. « C’est une façon de demander aux maires d’assumer leur signature » , ce qu’ils rechignent à faire pour ne pas froisser les électeurs de leur commune, de peur de s’afficher en soutien plein et entier du Rassemblement national. « C’est comme si on cherchait un moyen de faire peur à ces élus » , commente Brice Bernard. C’est pourquoi, en Savoie, le RN s’est mis en tête d’aller directement rendre visite aux maires de communes où le parti affiche de bons scores aux dernières élections et d’éviter mailings, courriers et appels téléphoniques. « J’ai demandé aux militants d’aller là où nos scores sont forts. Globalement, les retours sur le département sont bons, notamment depuis les sénatoriales ». Pour mémoire, les sénateurs sont élus par… les élus, la démarche de parrainage est donc sensiblement la même. « Nous avions obtenu 57 voix (et 74 au second tour, NDLR) contre 30 seulement en 2014 (27 pour le candidat Alain Vareyon, NDLR) » , rembobine Brice Bernard. « Aujourd’hui, j’ai rencontré 70 maires sur les 273 communes de Savoie ». Signe que le RN serait « de plus en plus fréquentable », dans le 73…

« L’accueil des maires ruraux est toujours bon »

Ces rencontres ont permis de poser les premiers constats sur la table : « Ils dénoncent le poids des intercommunalités par rapport à celui des petites communes, désormais noyées sous l’administration. Au RN, nous avons une réponse à cela : d’une part, nous nous étions toujours opposés à la baisse des dotations de l’État, nous sommes favorables par ailleurs à la suppression des intercommunalités ». Tout simplement. « Nous défendons les communes, les départements et l’État. Le gouvernement leur préfère les intercos, les Région et l’Europe. Aujourd’hui, communes, intercos et départements se télescopent, les maires des petites communes en sont vite revenus, de ce système ».

Brice Bernard et Margareth Cougnon

En 2017, en Savoie, seuls deux conseillers régionaux*** avaient signé, pour aucun maire. Cette fois-ci, le RN en vise 10, ce qui explique que le travail de séduction ait débuté tôt, début octobre. « L’accueil est toujours bon, les maires ressentent le besoin d’être entendus et d’être informés. Je suis l’un des seuls à passer les voir, en tant qu’élu régional, je peux les aider sur certains dossiers, notamment les subventions en faveur de la vidéo-protection ». A cette heure, deux « parrains » se sont d’ores et déjà manifesté, deux autres pourraient le faire prochainement, un maire s’est aussi déclaré. « 25 rendez-vous sont programmés, ce n’est pas si mal. A l’échelle du pays, nous sommes plutôt bien lotis » , soutient Brice Bernard. Avec 322 élus en tout****, le RN devrait néanmoins se sortir de ce traditionnel écueil que sont les parrainages, sûr que nombreux sont ceux qui « veulent du changement. La candidate des maires ruraux, nous l’avons, c’est Marine Le Pen ». Si cette dernière parvenait, avant mars 2022, à glaner les signatures nécessaires, effectivement, il y aura un gros pas en avant de fait.

La période pendant laquelle les « parrains » peuvent envoyer leur signature doit donc durer environ quatre semaines, puisque le recueil débutera 10 semaines avant le premier tour et s’achèvera 6 semaines avant.
** Ce qui change, pour cette élection présidentielle : dorénavant les parrainages doivent être transmis au Conseil constitutionnel exclusivement par voie postale et non plus par porteur. Par ailleurs, les noms des élus ainsi que celui du candidat parrainé seront rendus publics. Ces noms seront publiés deux fois par semaine, le mardi et le vendredi au fur et à mesure des réceptions des parrainages, et feront l’objet d’une publication finale par le Conseil constitutionnel.
*** Sont habilités à parrainer un candidat : – les députés, les sénateurs et les représentants français au Parlement européen ; – les maires (maires, maires délégués des communes déléguées et des communes associées, maires des arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille) ; – les présidents des organes délibérants des métropoles, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération, les présidents des communautés de communes ; – les conseillers de Paris et de la métropole de Lyon ; les conseillers départementaux et régionaux ; – les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger ou les présidents des conseils consulaires.
**** 252 conseillers régionaux, 26 conseillers départementaux, 13 maires, 3 élus consulaires, 1 sénateur, 6 députés et 21 députés européens.

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