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Chambéry : la piscine va-t-elle – vraiment – devenir un loisir « de luxe » ?

Par Laura Campisano • Publié le 09/11/21

Alors que la piscine du Buisson rond doit bientôt accueillir ses nouveaux nageurs, en janvier 2022, la question du prix du ticket d’entrée des établissements aquatiques chambériens a soulevé un débat en conseil communautaire le 4 novembre dernier. La piscine va-t-elle vraiment devenir un loisir de luxe ? Avec un ticket d’entrée dans les deux piscines à 4,80 euros, pénalisant les usagers modestes ou bien les tarifs « uniformisés » de la piscine du stade et de Buisson rond sont-ils au contraire favorables à tous ? Plus qu’une anecdote, le débat semble opposer deux philosophies, voire deux visions de la politique tarifaire.

« Critique de certains tarifs encore trop chers et non-adaptés » sans « opposition au vice-président, Alexandre Gennaro* » : les propos liminaires de la démonstration du conseiller communautaire et maire de Barberaz, Arthur Boix-Neveu, sonnaient toutefois comme une large désapprobation de cette politique tarifaire « en constante augmentation » , même s’il en saluait quelques avancées. Explications.

Alignement aux souhaits de la Cour des comptes ou volonté politique ?

Avant sa réouverture prévue le 3 janvier 2022 et après deux ans de travaux, la piscine du Buisson Rond a vu son tarif s’aligner sur celui de sa voisine aqualudique du stade, pour répondre à une délibération de 2019, prévoyant que le tarif devait être revu à la réouverture de l’équipement. Remplacement des baies vitrées, reconfiguration et amélioration des vestiaires, rénovation du hall d’entrée, remplacement de l’éclairage, du faux plafond et du système de ventilation, ainsi que remplacement de la centrale de traitement de l’air des bassins, c’est une vraie remise en état que la piscine n’avait pas connu depuis 25 ans, et qui aura mis 22 mois à être réalisés, la crise sanitaire étant passée par là. Avec un budget de 3 millions d’euros de travaux, l’heure était alors à leur valorisation, comprenez, à un retour sur investissement.

Extrait des recherches présenté en conseil par Arthur Boix-Neveu

Un choix a donc été arrêté sur « l’uniformisation des tarifs » c’est-à-dire l’augmentation de 50 cents du tarif de Buisson Rond et la baisse du tarif de la piscine aqualudique, pour que « l’usager puisse utiliser sa carte d’abonnement dans les deux établissements » devait expliquer Alexandre Gennaro, dans sa présentation. Des tarifs uniformisés qui ont par ailleurs été validés par la commission grands équipements, comme le rappelait le président Philippe Gamen. Seulement cet alignement de tarifs n’a pas manqué de faire bondir l’élu barberazien, « Chambéry va bientôt avoir l’entrée de piscine la plus chère de France ! » nous expliquait-il, après avoir épluché les tarifs de près d’une quinzaine d’établissements du même type dans des agglomérations de même importance : un tarif pas si éloigné de celui d’Aix-les-Bains, qui culmine, avec son bassin extérieur chauffé, son grand bassin de 50 mètres et ses deux petits bassins, à 5,10 euros en tarif unitaireAlexandre Gennaro parle, lui, d’un tarif « attractif malgré les règles qui [nous] sont imposées ». Pour comprendre de qui viennent ces règles il faut se reporter à un audit de l’agglomération chambérienne par la Cour des comptes, qui avait pointé la « nécessité d’améliorer le taux de couverture, soit de mieux répartir la charge du coût de l’exploitation entre l’utilisateur et le contribuable », expliquait le vice-président à ses collègues du conseil communautaire, « et la conclusion, c’est que ce taux de couverture n’est pas suffisant. La Cour des comptes a donc demandé à l’agglomération de remédier à cela, et de trouver des solutions pour pouvoir arriver à un équilibre entre les dépenses de l’agglomération et les recettes, l’idée étant que les frais de fonctionnement soient couverts par les usagers. » Une idée qui ne plaît pas du tout au maire de Barberaz : « On fait payer ceux qui ont besoin de la piscine », s’exclame-t-il, « pour que cela ne se reporte pas sur les contribuables, alors que la piscine est un loisir qui est plus que d’utilité publique, que nous avons un problème avec la natation, au niveau national ! » Des tarifs incitatifs pour les uns, répulsifs pour d’autres, puisque pour 16 élus communautaires, qui ont voté contre la délibération, la solution serait plutôt de créer une troisième piscine que d’avoir des tarifs qu’ils estiment trop élevés. « Il y a un vrai risque de baisse de fréquentation des piscines », tempête Arthur Boix-Neveu, « là où les jeunes pouvaient entrer et s’installer sur la pelouse au soleil pour 2,50 euros, c’était populaire, aujourd’hui, tout cela a disparu et on ne souhaite vraisemblablement pas attirer le même public. Dans les tarifs d’abonnement, il n’y a que les plus de 65 ans qui peuvent prétendre à une réduction ! Sans compter que deux piscines pour une agglomération de cette taille, ce n’est pas suffisant. » 

« Libres aux conseils municipaux de voter un accompagnement de ce tarif »

Piscine de Buisson rond après travauxcrédit photo Grand Chambéry

Si l’objectif poursuivi par Grand Chambéry est l’harmonisation des tarifs, en proposant notamment un forfait de 15 euros pour deux adultes et deux enfants ou un adulte et trois enfants, mais en supprimant le tarif famille nombreuse, force est de constater que pour une partie des élus, ces changements ne sont pas aussi bien accueillis qu’il était escompté. Des réticences que le vice-président ne comprend pas et qu’il estime davantage politiques que véritablement fondées sur les tarifs eux-mêmes. « Je suis assez surpris de ces réticences », nous a-t-il expliqué, « car ce n’est plus le même équipement, il est plus respectueux de l’environnement et des gens, je pense que la prise de position de monsieur Boix-Neveu est dogmatique, car il sait que nous avons un rapport de la Cour des comptes qui nous demande d’ajuster notre taux de couverture. C’est dommage de faire de la politique sur ce sujet. » Les étudiants ? « Le tarif est à 3,70 euros, et il est gratuit pour les étudiants détenteurs de la welcome box ». Les familles, comme nous l’évoquions plus tôt ? « Le tarif est fait en sorte que tout le monde puisse aller à la piscine, les cousins, les copains, et pas seulement les membres des mêmes familles. » Alexandre Gennaro ne se montre pas hostile à revoir les tarifs de ces équipements à la baisse, d’ici deux ans, quand il sera temps de dresser un bilan de ces propositions. En attendant, il soumet une proposition « libre à chaque maire d’accompagner ces tarifs par le CCAS, et de faire en sorte que leurs centres de loisirs paient moins : il s’agit d’un tarif commun pour toute l’agglomération, quelles actions allez-vous mettre en place dans vos conseils pour que l’entrée des piscines soit moins chère ? » Quant à faire supporter le coût de la piscine aux usagers « ce n’est pas possible, les rénovations ont coûté 3 millions d’euros », souligne-t-il, « nous voulions démocratiser les usages, c’était mon souhait, je pense qu’il s’agit de grandes avancées, et elles prouveront que le tarif n’est pas un frein, bien au contraire. » Alors la piscine de Buisson rond pourra-t-elle encore compter sur les 287 000 entrées annuelles qu’elle enregistrait avant sa fermeture pour travaux ? L’objectif espéré d’Alexandre Gennaro est de 400 000 entrées sur les deux piscines, profitant de créneaux supplémentaires pour les scolaires et les associations. Avec ces tarifs, cela sera-t-il réalisable ou comme l’a soulevé Arthur Boix-Neveu, cela va-t-il au contraire provoquer une baisse de fréquentation ? Pour le savoir, il faudra attendre 2022, car cette délibération – et donc ces tarifs – a été adoptée par 44 conseillers communautaires. *Alexandre Gennaro est vice-président aux grands équipements et relations avec les clubs sportifs à Grand Chambéry

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3 commentaires

paul

09/11/2021 à 22:19

tout ça pour une augmentation de 50 centimes ...

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paul

09/11/2021 à 22:19

Qui doit payer ? les contribuables ou les usagers ?

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gerard Blanc

11/11/2021 à 15:27

Pourquoi pas une tarification sociale en fonction des revenus familiaux (QF Caf) pour l'ensemble des services publics locaux de l'agglo, simplement en étendant ce qui fonctionne depuis plusieurs années pour abonnements des bus ?

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