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Cognin : un platane tricentenaire, comme un phare dans la ville…

Par Jérôme Bois • Publié le 05/11/21

Sa majesté valait bien une couronne. Un platane dit commun, de ceux que l’on croise à tous les coins de rue, mais qui ne peut laisser indifférent. Pourquoi ? Par son envergure, hors du commun, par son âge, canonique, par sa place, lui qui fut aux premières loges durant de grands moments d’histoire. Cognin ne pouvait pas ne pas célébrer ce phare qui du haut de ses 32 mètres préside et croît, paisiblement. A qui veille, tout se révèle et à travers lui, un livre riche de 300 ans s’ouvre à vous.

Dans la mythologie grecque, le platane est le symbole de la régénération, communément associé à Gaïa, la terre, et à Tanit, déesse de la fertilité chez les Carthaginois. La médecine moderne use d’une baguette de platane ailée comme élément central de son caducée. Au fil du temps, le platane a toujours trôné là, quelque part.Plus communément, on lui connaît deux espèces, le platane oriental et celui d’Asie centrale et ce n’est qu’en 1663 que le jardin botanique d’Oxford, outre Manche, eut recours à leur hybridation pour créer le platane commun que nous connaissons tous aujourd’hui massivement implanté dans nos villes (40% des arbres parisiens en sont, 60% des arbres londoniens), sans se douter alors qu’il s’agit d’une espèce finalement peu adaptée aux environnements urbains, du fait de leur système racinaire très vaste et d’une propension à tutoyer les cimes jusqu’à entraver la vue depuis de hauts immeubles. Abri à une forte concentration d’espèces animales voire végétales (notre ami cogneraud abrite en son sein un petit laurier du Caucase), le platane vit avant tout d’espaces. Et il lui en faut, à celui-ci, fier de ses 32 mètres de haut, de ses 25 mètres de large, de son tronc de 5,5 mètres de circonférence…

Géant parmi les 753

A Cognin, point de souci de place, aucune entrave à la croissance de ce géant des parcs, placidement ancré au cœur du Cognin géographique comme un phare dans la ville, face à la maison Ract. Et c’est lui, connu de tous les Cognerauds, qui fut honoré en cette ensoleillée après-midi de novembre, alors que sa parure bien jaunie trahissait déjà l’arrivée des frimas. C’est son panache, son amplitude, sa majesté qui reçurent le label « arbre remarquable de France », parmi 752 autres parsemant l’Hexagone. Un label rare, offert aux plus nobles d’entre tous. Alors tout Cognin était réuni . des élus, certes, bien sûr, notamment avec la présence de Jean Fressoz, maire honoraire, qui présidait aux destinées de la ville de 1971 à 2001, de Claude Vallier (2001 – 2008), de Florence Vallin-Balas (2008 – 2020) et de Franck Morat, à qui il appartint d’ouvrir le cérémonial. Il y avait des anciens, dont le puissant platane fut familier au fil des décennies, des enfants du centre aéré qui lui dédièrent un poème, et des habitants, simplement sensibles à cet héritage de la nature.

Franck Morat et Annelise Boëda, de l’association ARBRES

Sollicitée fin 2019, l’association ARBRES (pour Arbres remarquables, bilan, recherches, études et sauvegarde, créée en 1994) avait alors répondu favorablement à l’appel de Florence Vallin-Balas. Il pleuvait, ce jour-là, mais Annelise Boëda n’hésita pas une seconde, « j’ai donné un avis favorable » comme une évidence, confiait-elle. Il a fallu quelques mois de patience pour entériner le processus de labellisation sous un soleil cette fois plus sincère.

Morceaux d’histoire(s)

Il faut dire que ce platane commun, terme qui ne rend pas hommage à son exceptionnelle ampleur, en a déroulé, du câble. Comment ne pas évoquer le défilé des Echelles, que le pape Pie VII emprunta un 26 novembre 1804 pour rallier Notre-Dame de Paris et le couronnement d’un certain Napoléon Bonaparte ? Comment ne pas parler des guerres du XXe siècle que l’arbre essuya sans dommage, malgré le bombardement de Chambéry, le 26 mai 1944 ? Il paraît improbable que Robert Badinter n’ait pas déjà contemplé ce mastodonte végétal, lui qui fut sauvé des nazis par Cognin, comme il aime le rappeler, entre 1943 et 1944. Cet arbre est simplement un marqueur de l’histoire d’un bassin. Et même s’il évoque un riche passé, ne faut-il pas s’imprégner de ce trait du botaniste Francis Hallé, qui n’a fait que planter des arbres au cours de sa vie ? « Je sais que je suis trop vieux pour jamais pouvoir profiter ni de leurs fruits ni de leur ombre, mais je ne vois pas de meilleur moyen de m’occuper de l’avenir ». Un chirurgien arboricole, expliquait Franck Morat, avait estimé son âge à 300 ans et lui avait promis « une espérance de vie de 5 siècles ». Il sera là encore longtemps, des générations se transmettront ce témoin de l’Histoire avec un grand H et de nombreux poèmes lui seront contés. On ne passera plus devant lui sans jeter un œil sur cette plaque, sur laquelle ses plus grandes caractéristiques sont gravées. A l’heure où la préservation du vert dans nos villes est devenu un enjeu, ce platane s’érige en symbole de ce qui fait la supériorité de l’arbre sur l’Homme : il vit tout simplement plus longtemps que nous. 

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1 commentaire

Unknown

05/11/2021 à 21:26

Un commentaire aussi remarquable que le platane ! Merci

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